Où est passée la démocratie sociale ?
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« Le syndicaliste, par essence, est perçu comme un emmerdeur », a relevé le sociologue Mario Correia, directeur de l'Institut du travail d'Aix-Marseille Université. Sociologues, formateurs, universitaires, militants, dirigeants syndicaux… ils étaient près de 80 jeudi à l'Institut des sciences sociales du travail (ISST), à Bourg-La-Reine (Hauts-de-Seine), à plancher sur le sujet : « Expériences syndicales : quelle reconnaissance pour quelles valorisations ? »
Car aujourd'hui encore « les syndicalistes pâtissent d'inégalité salariale, de ralentissement de carrière », a souligné le sociologue Jean-Michel Denis (Université Paris Est). La prise de conscience de ce problème par les confédérations elles-mêmes est récente, datant des années 1990, comme si auparavant, « la placardisation » était intégrée comme « faisant partie de la carrière syndicale ».
Un avis globalement partagé jeudi : la « carrière » syndicale est « un risque ». « La carrière professionnelle est souvent antinomique de l'engagement syndical », a assuré M. Correia. Pour lui, il y a un « effet cliquet » du militantisme en entreprise : « Une fois engagé, c'est trop tard. Vous ne pouvez plus dire à l'employeur “je me suis trompé, je ne veux plus être dans ce syndicat”. Vous êtes marqué à vie ». Et il a également noté un « engrenage de l'engagement » : « Plus on s'engage et plus on a envie de s'engager ».
Pour quelle conséquence ? Brahim Messaouden (chargé de mission FO) a insisté sur les risques pour la santé des militants, notamment « psychosociaux », avec « des burn-out ».
Les ordonnances réformant le Code du travail en 2017 limitent les mandats à trois successifs pour les élus. En outre, la fusion des instances représentatives du personnel (CE, délégués du personnel et comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) au sein d'une instance unique, le comité social et économique (CSE), entraîne aussi une chute du nombre d'élus. Dans ce contexte, « les problèmes de reconversion deviennent criants et ça va augmenter dans les années à venir », a rappelé M. Correia. Or, les élus peinent à mettre en avant leurs compétences acquises lors des mandats, soit pour poursuivre leur carrière professionnelle au sein de leur entreprise, soit pour trouver un autre emploi.
Sur les CV par exemple, ils mettent cette expérience au plan « secondaire », en l'inscrivant « en bas de page », voire elle « passe à la trappe », a regretté Frédéric Rey, du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam). Lydia Brovelli, de l'association de promotion du dialogue social RDS et ancienne haute dirigeante de la CGT a aussi noté une tendance à la « minimisation des compétences et expériences syndicales ». Spontanément, les militants limitent leurs compétences à des distributions de tracts et collages d'affiches.
D'où l'intérêt de lancer, et ce dès le début du mandat, un travail de préparation à la fin du mandat, selon Thierry Trefert (CFDT) : « Une fois le travail fait avec eux, ils se disent “ah bon ? Je sais faire tout ça ?”, “Je sais gérer les conflits, mais comment je les vends à l'entreprise ?” ».
Une cadre CFE-CGC a relevé que l'expérience syndicale était « encore plus difficile pour les cadres, car vécue comme une trahison par la direction ». Mme Brovelli a donné l'exemple de l'Allemagne, où, « contrairement à la France », le parcours syndical n'était pas stigmatisé, car « ceux qui s'engagent pour le collectif » sont vus comme ayant « la gnaque » et « plus intéressants » que ceux qui s'occupent uniquement de leur « intérêt personnel ». « Syndicalisme, ce n'est pas un métier. Il faut qu'on arrive à créer de la perméabilité entre le parcours professionnel et syndical ! », a-t-elle lancé.
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