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Meurtrie par la mort de sa mère, une enfant réapprend la vie aux côtés de sa nouvelle famille. Le premier film d'inspiration autobiographique de Carla Simòn, fait l'effet d'une gifle. Un beau conte intimiste sur fond de portrait sociologique de l'Espagne des années 90, notamment marqué par les années sida.
Elle ne pleure pas, mais reste étrangère à la fête qui l'entoure. Sa poupée sous le bras, elle navigue au milieu des va-et-vient qui agitent la maison familiale. Elle déménage. Ses bagages sont bouclés. Elle connaît par cœur le Notre Père et pourra prier pour sa maman dont elle emporte le faire-part de communion confiée par sa grand-mère. Frida a six ans quand elle va vivre à la campagne avec son oncle, sa tante et leur petite fille de trois ans, Anna. Cet été-là, au cœur des forêts luxuriantes de la Garrotxa, région volcanique du nord de la Catalogne, une famille se recompose autour de l'arrivée d'une petite fille blessée.
L'inspiration autobiographique est un classique des premiers films. Ici, c'est carrément l'histoire vraie de la perte de ses parents et de son adaptation dans sa nouvelle famille que Carla Simón a tournée dans les lieux de son enfance. Au vu de la charge émotionnelle du sujet et de la jeunesse des deux protagonistes, l'exercice était risqué. Il est réussi et pas qu'un peu. D'abord, le récit évite sentimentalisme et complaisance, alors qu'il s'agit du sujet, terrible, de la mort de la mère dans la vie d'une enfant. Ensuite, il brouille les pistes conventionnelles en plaçant au cœur du dispositif un duo antagonique : Frida (Laia Artigas) trône, impénétrable et souveraine avec ses boucles brunes en bataille et son regard sibyllin, face à Anna (Paula Robles), sa petite cousine en passe de devenir sa sœur, toute en rondeur et en blondeur. Un contraste qui souligne son isolement dans la douleur et son rejet du monde.
Tour à tour engourdie de détresse, submergée par la rage, tentée par le miracle qu'une Vierge trouvée au fond d'une clairière lui ramène sa mère chérie, elle cherche sa place, manque de tuer sa petite sœur, fugue méthodiquement en pleine nuit puis renonce, consciente de ses limites, mais résolue à recommencer dès le lendemain. Les scènes sont crues, triviales. Mais, là encore le récit évite l'empilement de vignettes et élabore le portrait sensible d'une famille en recomposition : le jeune couple de parents est aimant, patient, mais galère pour donner une place à leur nouvelle « fille ». Loin de l'éventuel règlement de comptes, certaines séquences transmettent une chaleur simple, sincère, face aux tensions sous-jacentes : ici, elle répare son vélo avec son père ; là, elle lèche goulûment deux glaces à la fois, devant le regard amusé de sa mère ; ou bien encore elle fait équipe avec sa petite sœur pour se réfugier dans le lit des parents par une nuit d'orage. Nul doute que le Prix du meilleur premier film, obtenu à la Berlinale 2017, a notamment récompensé la distribution et la direction d'acteurs, en particulier celle des deux jeunes actrices.
Mais l'ombre d'une autre fillette plane sur le film. Comment ne pas avoir en tête le regard, inoubliable, de Ana, orpheline madrilène de neuf ans, qui après la mort de ses parents traverse également un été tumultueux durant lequel elle cherche sa place parmi ses sœurs et sa tante, venue les prendre sous sa garde ? Grand film de l'histoire du cinéma espagnol tourné en 1975, Cria cuervos de Carlos Saura (Positif 185 et 194) symbolise la fin de l'ère franquiste.
Plus de quarante ans après, Été 93 prend le parti de livrer peu d'indices sociétaux sur son époque, mais la période de la transition transpire tout de même : la rupture entre la vieille génération bourgeoise catholique et urbaine, incarnée par la grand-mère endeuillée de noir, chapelet chevillé au corps, et la jeune génération éprise de liberté et partisane du modèle néo-rural qu'incarne le couple formé par Marga et Esteve est patente. La censure franquiste a été balayée, notamment en Catalogne, parmi les premières régions bénéficiaires de l'entrée de l'Espagne dans la communauté économique européenne en 1986. Mais une autre chape de plomb s'abat sur les ravages de la forte consommation d'héroïne et la prolifération du VIH. On ferme les yeux sur le triste record de l'Espagne qui, à l'époque, est la plus durement touchée par l'épidémie en Europe. On passe sous silence le virus de la drogue, du sexe débridé, de la honte. Les derniers feux du régime franquiste auront permis à ses tenants de faire passer, jusqu'au bout, ses valeurs pour de la vertu et à s'opposer à l'émergence d'un nouveau monde encore fragile.
Été 93réalisé par Carla Simon. Sortie nationale : 19 juillet. 1 h 34.
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