Simon Delétang, planches de salut
Tout juste entré en fonction, le directeur du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges) a dû se résoudre, crise sanitaire oblige, à annuler le festival d’été. Une première... Lire la suite
On savait déjà, depuis Shakespeare, que le théâtre élisabéthain ne faisait pas dans la dentelle, côté chiffonneries familiales. Avec « Annabella. Dommage que ce soit une putain », John Ford monte d'un cran en 1633, en livrant l'histoire d'un amour consommé mais impossible entre un frère (Giovanni) et une sœur (Annabella), jumeaux de surcroît.
Comme l'écrivait le poète Antonin Artaud : « Si l'on cherche un exemple de la liberté absolue dans la révolte, l'Annabella de Ford nous offre ce poétique exemple lié à l'image d'un danger absolu. » La transgression est totale, agrémentée d'adultères qui ne sont pas piqués des vers. « Toutefois, et c'est la force de la pièce, ce qui est amoral », comme le souligne le metteur en scène Frédéric Jessua, « se révèle avoir sa propre morale et tout ce que l'on fait pour se plier à la morale peut devenir immoral ». Tout étant chamboulé, autant y aller à fond.
Frédéric Jessua ne s'y trompe pas et fait le pari de la démesure, tant dans son adaptation (qu'il signe avec Vincent Thépaut), sa mise en scène, les décors comme le jeu des acteurs. L'audace est à tous les étages. Celle de mêler au texte original des réparties contemporaines comme celle lancée par le Cardinal (joué par Frédéric Jessua) qui, face à tant d'immoralité, lâche l'affaire. Celle de faire jouer des morceaux de rock par les comédiens quand ils ne se font pas danseurs de flamenco (Harrison Arévalo est exquis autant qu'hilarant) ou joueuses de pipeaux. Celle encore de les faire déambuler dans un décor insensé où ils taguent sur d'immenses bâches noires, se lovent dans un grand lit monté sur rail, se prélassent dans une baignoire ou disparaissent dans une pièce montée.
On rit beaucoup mais pas seulement : les scènes d'amour entre Giovanni (Baptiste Chabauty) et Annabella (Tatiana Spivakova) sont touchantes et sensuelles. Et puis, la démesure est mesurée au millimètre, fort bien cadrée, mine de rien et excellemment interprétée.
Il est des spectacles qui décoiffent, l'« Annabella » de John Ford, montée par Frédéric Jessua, est de ceux-là. Ne le manquez pas !
« Annabella. Dommage que ce soit une putain » de John Ford,
mise en scène de Frédéric Jessua.
Jusqu'au 17 avril
au Théâtre de la Tempête,
Route du Champ de Manœuvre,
75012 Paris.
Tout juste entré en fonction, le directeur du Théâtre du Peuple de Bussang (Vosges) a dû se résoudre, crise sanitaire oblige, à annuler le festival d’été. Une première... Lire la suite
Pour sa 73e édition, le Festival d'Avignon réunit quelque 1 600 spectacles à travers 150 lieux différents. L'occasion pour les syndicats de la CGT Spectacle d'aller à la... Lire la suite