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Le cancer des plans de compétitivité

20 octobre 2014 | Mise à jour le 19 avril 2017
Par
Le cancer des plans de compétitivité

Tandis les constructeurs ont bénéficié d'une multiplicité d'aides, tels le CICE ou les exonérations Fillon, ils imposent aux salariés casse de l'emploi, dégradation des conditions de travail et suppressions d'acquis sociaux.

«Nous dénonçons les politiques patronales de délocalisation, la pression que cela engendre sur les salariés dans nos usines avec les mauvaises conditions de travail et le soutien que le gouvernement apporte au patronat. Dans l'automobile, nous constatons qu'avec les allégements Fillon, plus les salaires sont bas, et plus le patron bénéficie d'exonérations. Il faut arrêter la course aux dividendes pour investir dans l'emploi, la recherche, les salaires, la formation. » Denis Bréhan, responsable de la branche automobile de la FTM-CGT, ne mâche pas ses mots pour expliquer le sens de l'action que les salariés de la filière mèneront le 16 octobre prochain.

Alors qu'une certaine presse économique explique que c'est grâce aux 11 000 suppressions d'emplois menées à Aulnay et Rennes par PSA, ou encore grâce aux plans de compétitivité négociés chez Renault et PSA, que tout va aller mieux, les salariés n'en ont pas vraiment le sentiment !

Chez PSA, outre la suppression de six jours de RTT, le gel des salaires ou la diminution pour le travail le samedi, les annonces de la construction d'une nouvelle usine en Chine donnent l'impression qu'ils paient un lourd tribut à la délocalisation. La situation est comparable chez Renault où 8 260 suppressions d'emplois sont prévues d'ici 2016, avec notamment la délocalisation d'une partie de l'ingénierie. L'accord de compétitivité prévoit aussi le gel des salaires, l'allongement du temps de travail, des suppressions de RTT et de la mobilité imposée. Difficile de partager l'enthousiasme de la propagande patronale.

ON CONSTATE UNE AUGMENTATION DES ARRÊTS DE TRAVAIL
ET DES MALADIES PROFESSIONNELLES

L'introduction massive du lean manufacturing, un mode d'organisation qui intensifie la production et augmente les cadences, entraîne une dégradation généralisée des conditions de travail. « Le paradoxe est que ce système semble apporter une amélioration de l'ergonomie, mais, en réalité, cette chasse aux temps morts supprime des gestes qui faisaient fonctionner d'autres muscles. Il en résulte une plus grande fatigue et une explosion des troubles musculo-squelettiques », explique encore Denis Bréhan. Le problème est d'autant plus prégnant que l'absence de recrutement a créé une pyramide des âges déséquilibrée.

LE RECOURS À L’INTÉRIM

La CGT réclame une embauche pour chaque départ. Compte tenu du nombre important de salariés ayant des horaires postés ou de nuit, le syndicat souhaite aussi examiner des accords de pénibilité dignes permettant aux salariés en fin de carrière de partir dans de bonnes conditions. Le patronat est cependant plus que réticent à accorder des départs anticipés. Il préfère user et abuser de la précarité avec un taux de recours à l'intérim qui dépasse celui d'avant la crise de 2008.

Les intérimaires sont souvent recrutés pour compenser des absences de salariés plus âgés. Avec les années de production, on constate une augmentation des arrêts de travail et des maladies professionnelles, car les cadences sont devenues insoutenables. Vantés comme la solution, les plans de compétitivité apparaissent comme le problème. Un des premiers plans conclus est celui de Bosch Vénissieux, en 2005. La direction avait promis le maintien du site contre toute une panoplie de régressions sociales (augmentation du temps de travail, suppression de RTT, blocage des salaires, baisse des rémunérations pour le travail de nuit.) De 850 salariés en 2004, le site est passé à 430 en 2012.

LE SITE EST AUJOURD'HUI MENACÉ. LES SACRIFICES DES SALARIÉS N'ONT SERVI QU'À ALIMENTER LES DIVIDENDES DES ACTIONNAIRES.

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QUESTIONS À
FABIEN GÂCHE,
DÉLÉGUÉ SYNDICAL CENTRAL CGT RENAULT

 

Que recherchent les constructeurs avec les délocalisations ?
Ils font pression à la fois sur les politiques et les organisations syndicales pour obtenir, pour les premiers, des aides diverses et, pour les seconds, des remises en cause d'acquis. C'est ce qui s'est produit en Espagne où les nouvelles embauches sont réalisées avec un niveau de salaire amputé de 30 %. La délocalisation a pour finalité de mettre les salariés en concurrence à travers le monde. Dans un premier temps, c'est la Roumanie qui a servi de tête de pont. Les directions expliquaient que c'était l'Eldorado, avec de la main-d'œuvre qualifiée et des petits salaires. Cela devait permettre d'investir les marchés locaux. Très rapidement, il y a eu des luttes, les salaires ont augmenté. Maintenant, c'est le Maroc. Ce qui est très compétitif un jour, ne l'est plus le lendemain.

 
Vous avez visité l'usine Avtovaz en Russie, qu'avez-vous appris ?
Renault disait que la Russie avait un potentiel de développement considérable et qu'il fallait s'y implanter pour garantir l'existence même de l'entreprise en France. Aux syndicalistes russes que nous avons rencontrés, ils ont aussi promis monts et merveilles, avec une modernisation de l'outil de production, etc. Les capacités de production d'Avtovaz en Russie sont de plus d'un million de voitures. Or, quand Renault a racheté, ils ont expliqué qu'ils allaient moderniser avec une grande efficacité. Très vite, Renault a commencé à réduire les effectifs et à mettre en œuvre la même stratégie que chez nous : l'éclatement et l'externalisation de parties de l'entreprise. Ils ont supprimé 11 000 emplois depuis le début de l'année. Leur objectif est de passer à 30 000 (25 000 ouvriers et 5 000 ICT), sachant qu'ils sont encore 55 000. Quand Renault, en 2009, est entré dans le capital, il devait y avoir 106 000 salariés…

 

Et en termes de conditions de travail ?

Les conditions de travail se détériorent à vitesse grand V. Je suis allé sur des chaînes où ils sont passés de la fabrication d'une trentaine de véhicules par heure à 45, qu'ils ont du mal atteindre. Cependant, l'objectif est de parvenir au standard Renault dans le monde, soit 65 véhicules/heure, et ce, avec une diminution drastique des effectifs. Renault a d'autres difficultés sur place. Le taux de chômage dans la région étant relativement faible, les gens qu'ils embauchent partent fréquemment après avoir été formés. Renault explique, aux Russes comme aux Marocains, qu'ailleurs dans le monde les autres salariés sont plus performants.

 

 

Le low cost ne profite-t-il pas aussi aux populations locales ?
On ne délocalise pas que du low cost. La Clio 4, qui est l'un des véhicules les plus vendus, est essentiellement produite en Turquie et est massivement réimportée vers la France et l'Allemagne. De plus, la réduction des coûts ne fait pas baisser les prix de vente. Le prix des véhicules augmente et, en fait, on augmente les marges. Les volumes ne sont pas au rendez-vous et ce sont les salariés qui paient la facture.