12 mars 2019 | Mise à jour le 14 mars 2019
Avec leur grève du zèle à base de contrôles renforcés, les douaniers ont voulu alerter l'opinion publique ainsi que le ministre Darmanin sur la nécessité de leurs missions de lutte contre la fraude, les trafics et le terrorisme. Déstabilisée, la hiérarchie riposte par l'intimidation.
En pleine mobilisation des agents des douanes pour la reconnaissance de leurs missions régaliennes, de la pénibilité de leur travail et pour l'exigence des moyens de les effectuer, la direction douanière de Dunkerque a répliqué de manière inédite, par la répression. Dans une note écrite du 7 mars, elle a sommé ses agents de ne plus effectuer les contrôles renforcés des camions, des trains et des personnes au motif qu'ils constituaient un trouble à l'ordre public et que priorité devait être donnée à la fluidification du trafic.
« Nous obliger à renoncer à nos missions régaliennes, c'est incroyable et stupéfiant, une sorte d'intimidation inacceptable », s'indigne Jacky Karpouzopoulos (CGT Douanes), en poste sur la zone trans-Manche du Calaisis dunkerquois. Et d'ironiser : « Nous interdire de contrôler, c'est inaugurer la fête à la fraude et à tous les trafics, y compris humains, pourvu que les marchandises circulent sans entraves, et tant pis pour la protection des consommateurs, on croit rêver. »
Fébrilité au sein du ministère de Darmanin
Conséquence notable et inquiétante de cette injonction de la direction des douanes à « fluidifier à n'importe quel prix », le départ d'un Eurostar à destination de l'Angleterre qui a quitté la gare du Nord sans avoir été décontaminé et sans contrôle préalable des voyageurs.
Et tout cela, en pure perte puisque, arrivé à Lille, ce train a dû être vidé et immobilisé plusieurs heures pour être contrôlé avant de gagner Calais et la frontière. « Du jamais vu », s'est, à son tour, scandalisée Manuela Dona – secrétaire générale du syndicat CGT des douanes – qui considère cette réaction de la hiérarchie comme un coup d'autoritarisme révélateur d'un état de fébrilité au sein du ministère de l'Action et des Comptes publics (ministère de tutelle des douanes).
« Nous avons remis notre cahier revendicatif intersyndical le 28 février au ministère de monsieur Darmanin, qui doit nous recevoir le 12 mars pour ouvrir les négociations que nous réclamons. Il doit avoir compris qu'après 25 ans de démantèlements de nos services et d'adaptation sans broncher de nos agents à toutes les suppressions de postes (6000 en 25 ans), de brigades et de moyens, on est aujourd'hui à l'os. On ne supportera plus de nouvelles dégradations », a-t-elle prévenu.
Symptomatique du haut degré d'exaspération des douaniers, l'unité totale de toutes leurs forces syndicales représentatives, qui partagent l'analyse de la problématique et les choix d'action, dont celui de la grève dite « du zèle ». « En réalité, on a relevé le défi de nous inscrire dans le grand débat national de monsieur Macron et dans la perspective du Brexit pour montrer aux citoyens ainsi qu'au ministère l'importance de nos missions », ajoute Manuela Dona.
Le mouvement gagne du terrain chez les douaniers
Lancé à Dunkerque, le mouvement des douaniers a progressivement gagné divers sites frontaliers, Marignane, Brest, Saint-Malo, gare du Nord, où les contrôles renforcés et les « belles prises » qui s'en sont suivies ont permis aux douaniers de prouver l'importance de leurs missions de contrôle et de justifier leurs principales revendications.
Celles-ci portent sur la reconnaissance par le salaire, la fin des suppressions de postes et des fermetures de bureaux ; un cahier d'embauches et de réouverture de bureaux en prévision du Brexit : « Nous refuserons toute nouvelle réforme qui serait la réforme de trop, nous voulons d'abord un bilan de toutes les réformes passées, et la fin des suppressions d'emplois, pour commencer », a fait valoir Manuela Dona. Charge à Gérald Darmanin d'en prendre acte.