Les syndicats, le Labour et Corbyn
Nouveau leader travailliste estampillé « à gauche toute », conférence annuelle des syndicats, projet de loi antisyndicale au Parlement. La semaine dernière fut chargée pour... Lire la suite
D'abord, quel est ce contexte social et économique particulier ? Et quelles sont les dispositions précises de cette « loi sur les syndicats » (Trade Union Bill) qualifiées de « plus grande répression syndicale lancée par les conservateurs depuis 30 ans » par le quotidien The Guardian ? Ensuite, qui est ce candidat inattendu, ancien syndicaliste, à l'opposé des « Blairistes », à la gauche de la gauche, qui s'attire la sympathie d'un large spectre partisan et qui remplit les salles de meetings ? Quelles sont ses propositions concrètes et que signifie le phénomène « Corbyn » alors que plusieurs mouvements citoyens de gauche essaiment en Europe ?
Un décryptage en deux volets, à la veille du verdict des élections aux primaires, samedi 12 septembre. Hier : « À l'heure des élections au Labour », aujourd'hui, la seconde partie.
Qui est ce Jeremy Corbyn surgi des limbes d'une gauche britannique déclarée « dead » depuis la malheureuse défaite d'Ed Miliband aux élections de mai 2015 ?
Inconnu du public de ce côté de la Manche il y a deux mois encore, le probable successeur de Miliband à la tête du Labour a fait une entrée fracassante dans la presse hexagonale. D'abord, par sa percée aussi soudaine qu'inattendue dans les sondages, qui le donnent vainqueur – et haut la main – aux élections pour la direction du Parti travailliste.
Depuis le début du processus électif – le 14 août – qui s'achèvera le 12 septembre, Jeremy Corbyn – 66 ans au compteur – caracole en tête des intentions de vote, loin devant ses trois adversaires quadragénaires : Burnham, Cooper et Kendall, des blairistes pur jus dont Jeremy Corbyn, le candidat le plus à gauche du parti, est le parfait antipode. C'est sans doute ce positionnement – à gauche toute sur l'échiquier du Labour – qui lui vaut une médiatisation en odeur de diabolisation. D'autant que son parcours, indéfectiblement à gauche depuis ses premiers faits d'armes en militantisme, atteste de la crédibilité du candidat au leadership des travaillistes.
Enfant d'Islington North, quartiers de Londres où sévit une extrême misère de plus en plus narguée par les invasions bourgeoises, le militant Corbyn y est élu parlementaire, et sans cesse réélu dans cette circonscription depuis 1983. Auto-proclamé « l'anti-Blair », Corbyn se revendique inlassablement « Old Labour »; autrement dit, travailliste d'avant les années 1990 – 2000 qui ont vu le parti basculer vers le libéralisme le plus décoiffant sous les directions très droitistes de Tony Blair et de Gordon Brown.
Ses convictions politiques contrastent, en effet, jusqu'à la caricature avec la ligne impulsée par Blair : pro-syndicats, anti-nucléaire, Otano-sceptique, pro-palestinien. Jeremy Corbyn est resté fidèle aux combats comme aux idées du Old Labour. Ses propositions en témoignent : partisan de la renationalisation des chemins de fer et des entreprises énergétiques, le « dinosaure gauchiste » qui veut en finir avec l'austérité, prône la gratuité de l'université et le retour à l'investissement public dans les infrastructures.
Des idées qualifiées d'antédiluviennes par ses rivaux de l'aile droite du Labour. Mais qui effraient autant à droite qu'elles font mouche à gauche, notamment auprès des jeunes et des syndicalistes. Militants ou simples sympathisants, ils plébiscitent le programme du « vieux barbu » d'Islington, seul candidat perçu comme capable de ré-ancrer le parti à gauche, et de remobiliser une société britannique éreintée par l'alternance de l'austérité « Tories » à l'austérité « Labour ».
Sidérée par la résurgence inattendue d'idées marxistes, la presse s'acharne à vilipender celui qui s'en inspire pour, par exemple, préconiser le retour à l'État-providence et au réinvestissement dans les services publics fondamentaux. Ainsi, la sobriété du citoyen Corbyn, son life-style écolo, sans voiture, sans alcool et sans carnés, ses déplacements à vélo, sa discrétion sur sa vie privée comme son parler vrai dans la vie publique, bref, tous ces traits de sa personnalité sont invariablement présentés au public comme la marque d'une absence de charisme dénotant un « égo défaillant ».
Qu'à cela ne tienne pour le vétéran socialiste. Connu et reconnu pour son progressisme et son engagement sans failles dans tous les combats de gauche, Jeremy Corbyn l'est aussi pour ses positions pacifistes : président, en 2003, de « Stop the War coalition », le « vieux barbu » a su, sans charisme et malgré son égo défaillant, mobiliser deux millions de citoyens dans les rues de Londres contre la guerre d'Irak.
À l'aune de quoi, ses détracteurs et adversaires sont bien fondés de redouter la puissance mobilisatrice du potentiel futur candidat à… la succession de Cameron, dès les prochaines élections, en 2020.
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