8 novembre 2016 | Mise à jour le 30 novembre 2016
Prémunir chacun contre les accidents de la vie en établissant une institution nationale gérée paritairement et basée sur le principe de solidarité, telles sont, pour faire simple, les bases de la Sécurité sociale. L'idée figurait en germe dans le programme du Conseil national de la Résistance dès mars 1944 :
« Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l'État. »
Ce sera l'entrée, en 1946, au gouvernement du général de Gaulle d'Ambroise Croizat (ci-contre), un ouvrier communiste et secrétaire général de la CGT métallurgie qui concrétisera ce rêve.
Gilles Perret (à gauche), aidé par l'historien et écrivain Michel Etiévent (ci-dessous) qui s'est toujours passionné pour les figures de l'innovation sociale, montrent dans La sociale combien Croizat se dévoua corps et âme à cette tâche immense, avec pour idéal la création d'un bien commun dont nous pouvons mesurer chaque jour l'importance.
Grâce à Jolfred Fregonara, disparu quelques semaines avant la sortie du film en salle, on revit ce qu'était le contexte de l'époque : à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, tout est à reconstruire. Ce fils d'immigré italien sera l'une des chevilles ouvrières, car ce militant CGT et adhérent au PCF met en place la Caisse régionale de Sécurité sociale de sa région, la Haute-Savoie, et en est nommé secrétaire.
On sent avec quel bonheur le militant, d'une étoffe devenue trop rare, prend plaisir à rappeler, notamment aux élèves cadres de l'école de Sécurité sociale, que c'est Ambroise Croizat qui signa les ordonnances créant la « Sécu ».
Une réalité bien oubliée, pour ne pas dire carrément occultée comme le montre une visite de Michel Etiévent au ministère du Travail où le ministre socialiste, François Rebsamen, répugne clairement à rendre à Ambroise Croizat la place qui revient à celui qui fut son prédécesseur en ces lieux.
Lorsqu'on voit avec quelle célérité les ministres du Travail du gouvernement Hollande, après ceux du gouvernement Sarkozy, pour ne citer que les plus récents, s'attachent à démanteler toute protection pour les travailleurs, on n'est pas surpris outre mesure de ce mépris affiché…
Comme le souligne malicieusement Jolfred Fregonara : « Est-ce parce que Croizat était communiste qu'on n'a pas retenu son nom ? » En effet, l'histoire officielle cite le plus souvent celui de Pierre Laroque, haut fonctionnaire gaulliste qui fut Directeur général des assurances sociales, puis de la Sécurité sociale, de 1944 à 1951, alors que les deux hommes travaillèrent ensemble à la fondation de la Sécurité sociale et que Croizat mit toutes ses forces au service de ce bel idéal.
Le vieux militant, Michel Etiévent et Gilles Perret ont uni leurs forces pour rendre justice à un homme qui a sacrifié beaucoup de sa vie personnelle et sa propre santé au service de la naissance de la Sécurité sociale et ce film en gardera la trace pour la postérité. De nombreux témoignages viennent étayer le rôle de Croizat, celui de la CGT, sans lesquels cette institution basée sur la solidarité entre les générations n'aurait pas existé.
Alors que certains clament qu'ils veulent sortir de la Sécurité sociale (au bénéfice d'un système privé inégalitaire), outre Atlantique, « l'Obama care » qui s'inspire de notre Sécu, a permis à vingt millions de personnes qui en étaient totalement démunies d'avoir une couverture santé minimum, dans un pays où le budget santé des familles était le plus élevé au monde… car il n'y existait jusqu'alors que des assurances maladie privées.
Un film pour mémoire, donc, mais aussi pour alimenter des combats bien actuels, en se rappelant que rien n'est jamais acquis que par la lutte.
La sociale, réalisé par Gilles Perret. 1 h 24
Le mercredi 16 novembre, à 19 h 45 au MK2 Gambetta (6 rue Belgrand, Paris 20e), une soirée débat est organisée autour de la diffusion du film de Gilles Perret, en présence de Patrick Pelloux et de Philippe Martinez.