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Aides sociales

Le revenu universel d’activité, enjeu d’une nouvelle consultation citoyenne

11 octobre 2019 | Mise à jour le 11 octobre 2019
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Le revenu universel d’activité, enjeu d’une nouvelle consultation citoyenne

Le gouvernement a lancé le 9 octobre une consultation citoyenne sur le revenu universel d'activité. Axe majeur de sa « stratégie de lutte contre la pauvreté » il doit fusionner des minimas sociaux, sujet sur lequel la population est invitée à donner son avis. Mais pour quoi faire en réalité ?

Après le « Grand Débat » et ses milliers de témoignages, après le recueil de contributions, en ligne et en live, pour réformer les retraites, c'est une  consultation citoyenne sur le revenu universel d'activité (le RUA) qui a été officiellement lancée mercredi 9 octobre. Attentif à la mise en scène de l'acte II (post gilets jaunes) de son quinquennat le président de la République, Emmanuel Macron, ne voudrait surtout pas âtre accusé de prendre les Français en traitre sur un dossier aussi sensible.

Le RUA est en effet destiné à fusionner les actuels minimas sociaux à l'horizon 2022 ou 2023 et, comme l'a affirmé Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre de la Santé, « une réforme qui touche massivement nos concitoyens doit être bâtie avec eux »

Une vaste consultation pour réformer notre système d'aides sociales

Le RUA est un axe majeur de la politique gouvernementale de lutte contre la pauvreté annoncée en septembre 2018 par Emmanuel Macron. Cet immense chantier qui vise surtout à réformer notre système d'aides sociales a été officiellement ouvert en juin dernier avec le lancement d'une concertation institutionnelle.

Outre l'ensemble de la population depuis ce mercredi, les collectivités territoriales, les organisations syndicales et les associations planchent donc également sur la question. De plus, une dizaine de minimas sociaux étant susceptibles d'être fusionnés dans le RUA, celui-ci revêt un caractère interministériel.

Il met autour de la table non seulement la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn et sa secrétaire d'État, Christelle Dubos, mais également Annick Girardin (Outre-Mer), Julien Denormandie (Ville et Logement), Sophie Cluzel (Personnes handicapées) et Gabriel Attal (Éducation nationale et Jeunesse). Olivier Noblecourt, le délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté, et Fabrice Lenglart, rapporteur général à la réforme du RUA étant eux-mêmes de toutes les présentations et autres conférences de presse consacrées au sujet.

Le revenu universel d'activité, volet pécuniaire du service public de l'insertion dans l'emploi

Pour l'heure la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, n'est pas de la partie mais il en ira probablement  autrement dès que le service public de l'insertion (SPI) sera élaboré. Autre pilier de la « stratégie nationale de lutte contre la pauvreté » placé sous sa tutelle celui-ci aura pour objectif de ramener vers l'emploi ceux qui s'en sont trop éloignés, le RUA (qui n'est pas un « revenu ») correspondant à son volet pécuniaire. Les deux ensemble – SPI et RUA – feront d'ailleurs l'objet d'un projet de loi conjoint courant 2020.

Car, pour rappel, le « A » de RUA signifie « activité » et qui dit « activité » dit « emploi », quelle que soit la qualité de celui-ci. Le tout s'inscrit dans une logique néo-libérale selon laquelle la protection sociale se mérite et l'efficacité des dispositifs se mesure à leur capacité à remettre au travail les bénéficiaires.

Le gouvernement veut fusionner dix minimas sociaux dans le revenu universel d'activité

Selon les plans du gouvernement une dizaine de prestations seraient donc visées pour une possible fusion, parmi lesquelles le revenu de solidarité active – RSA, prestation versée à 1,88 million de foyers fin 2018 – , la prime d'activité – 3,04 millions de foyers en fin d'année -, le minimum vieillesse et l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) – 455 651 bénéficiaires -, les aides au logement – l'aide personnalisée au logement (APL) bénéficiant à elle seule à 6,6 millions de foyers -, l'allocation adulte handicapé – AAH que touchaient 1,16 million de personnes fin 2017, etc.

La tâche s'annonce ardue sachant que ces allocations sont très différentes les unes des autres, ne sont pas calculées sur la même base, ne bénéficient pas au même profil de personne et qu'une même personne ne les perçoit pas toutes.

 

Levée de bouclier contre le RUA

D'ores et déjà, au terme de plusieurs mois de concertation sur le projet de création du RUA, les associations se montrent de plus en plus rétives au projet du gouvernement : 55 associations du champ du handicap ont réaffirmé le 8 octobre qu'elles disent « non à l'intégration de l'AAH dans le RUA ».

Craignant que le versement de celui-ci soit conditionné à l'exercice d'une activité, elles rappellent que « notre Constitution indique que la Nation doit garantir un revenu convenable d'existence à « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler. »

Un argument qui vaut pour les personnes les plus fragiles socialement : « Notre objectif, c'est d'obtenir une amélioration des conditions de vie des plus pauvres, sinon on se retirera du processus » a déjà averti Florent Guéguen, directeur de la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS). Christine Sovrano, représentante de la CGT au Conseil national de lutte contre l'exclusion (CNLE) enfonçant le clou : « l'exécutif s'exonère de ses propres responsabilités. Il faudra bien lui rappeler le devoir de solidarité, c'est-à-dire de protection, qu'à l'État envers les plus pauvres et les plus vulnérables ».

Dans les pas de l'Universal Credit britannique ?

Les parties prenantes de la concertation ont évidemment en tête le fiasco de l' Universal Credit britannique qui a inspiré le RUA. Mais, Christelle Dubos et Olivier Noblecourt assurent, qu'avec le gouvernement, ils ont retenu la leçon de leurs confrères d'Outre-Manche : l'échec du modèle anglais est à mettre sur le compte d'un déficit d'implication de la population lors de la création du système. D'où le savant dispositif de consultation citoyenne lancé mercredi 9 octobre.

Il comprend, d'ci à la fin de l'année, une plateforme de consultation publique en ligne ( consultation-rua.gouv.fr ) ouverte jusqu'au 20 novembre ; l'organisation en région de six ateliers qui rassembleront une centaine de citoyens (allocataires des aides sociales ou non, travailleurs sociaux, acteurs associatifs) entre le 14 octobre et le 2 décembre ; un jury de 15 citoyens représentatifs clôturera début 2020 l'ensemble de la concertation (institutionnelle et citoyenne).

Autre élément censé rassurer : à la différence de l'Universal Credit l'objectif du RUA « n'est pas de faire des économies sur les dépenses sociales » affirment Christelle Dubos et Olivier Noblecourt, qui oublient de rappeler que la réforme doit se faire à budget constant. Or, par un effet mécanique la réforme l'assurance chômage va, à elle seule, entraîner davantage de pauvreté.

In fine, les ministres seront les décideurs dans le respect de la feuille de route d'Emmanuel Macron

Bref, universalisant seulement vers le bas en gommant les spécificités, le RUA réforme notre système de solidarité et plus particulièrement tout un pan de notre protection sociale solidaire et mutualisée laquelle est en train de virer au simple flet de sécurité.  L'exécutif prend donc les précautions qui s'imposent pour poursuivre sa percée en ce sens sachant que récemment, via la suppression des cotisations salariales, il a réussi à reprendre en main l'assurance chômage.

Et si les personnes consultées doivent avoir « le sentiment que leur avis est pris en compte, in fine, précise Olivier Noblecourt, on ne substitue pas la concertation à la décision politique. Il y a des ministres qui seront les décideurs garants de la politique publique ».  Et en la matière la feuille de route est claire : il ne saurait être question pour les Français de revenir sur l'engagement d'Emmanuel Macron de fusionner au minimum le RSA, les APL et la prime d'activité.

Le constat qui la fonde est tout aussi clair et unilatéral, résumé ainsi par Agnès Buzyn, « notre système de solidarité (…) est devenu tellement complexe qu'il ne permet plus de lutter efficacement contre la pauvreté. Il est devenu illisible [et] ne permet pas un retour rapide et durable vers l'emploi ». Des arguments déjà entendus… Et rappeler que l'Universal Credit comprend aussi l'assurance chômage, n'est pas forcément outrageusement alarmiste.

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