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Tourisme

Leader mondial du tourisme, TUI sacrifie sa filiale française : quelque 600 emplois sont menacés

23 juin 2020 | Mise à jour le 22 juin 2020
Par | Photo(s) : DR
Leader mondial du tourisme, TUI sacrifie sa filiale française : quelque 600 emplois sont menacés

Lazare Razkallah, secrétaire CGT du CSE de TUI France.

La filiale française du numéro 1 mondial du tourisme a annoncé le 17 juin, au cours d'un CSE, qu’elle allait se séparer de près de 600 des 900 salariés qu’elle emploie dans l’Hexagone. Soit les deux tiers de ses effectifs à la suite de difficultés financières… Mais pour Lazare Razkallah, secrétaire CGT du CSE, encore abasourdi par l'ampleur des coupes sombres opérées au sein des effectifs, d'autres solutions préservant l'emploi existent. Entretien.
NVO : Aviez-vous vu venir ces suppressions d'emplois ?

Lazare Razkallah : Depuis le début du confinement, nous avons tenu des réunions CSE, des CSE extraordinaires, des commissions économiques à distance. On avait 30 millions d'euros sur nos comptes… Tout allait bien et, tout à coup, ça allait très mal.

On a commencé à nous parler de liquidation judiciaire. TUI a pourtant obtenu 1,8 milliard d'euros de prêt garanti par l'État allemand. Cet argent devait être distribué aux différentes filiales mais, visiblement, pas pour TUI France. On nous préparait à cette idée, le climat était devenu anxiogène.

Le 17 juin, on nous a annoncé la fermeture des 65 agences ou leur « franchisation ». […] Pour nous, c'est un choc, c'est le cinquième plan social en huit ans.

Le 17 juin, l'ordre du jour du comité social et économique (CSE) était intitulé : « Changement de modèle d’organisation et ses conséquences sociales ». C'est là qu'on nous a annoncé la fermeture des 65 agences ou leur « franchisation » dans le contexte sinistré du secteur du tourisme.

Les opérations de suivi de ventes, les services après-vente, les services à destination seront transférés au Maroc. Pour nous, c'est un choc, c'est le cinquième plan social en huit ans.

Marmara, Look Voyages, Nouvelles Frontières… Ces enseignes évocatrices de vacances inoubliables et de voyages découvertes appartiennent à TUI Group, leader mondial du tourisme. La multinationale dont le siège est basé à Hanovre, en Allemagne, prévoit de céder ses agences de voyage françaises à d'autres réseaux de distribution et opérer ainsi une restructuration massive, indispensable, selon la direction, pour « traverser » une crise sanitaire qui a aggravé sa situation financière.
NVO : Comment l'analysez-vous ?

L.R. : Il ne s'agit pas de nier les difficultés du secteur mais la direction de TUI va trop vite : ce groupe est numéro 1 mondial et le dispositif de chômage partiel dont il bénéficie pour ses salariés jusqu'à la mi-septembre peut permettre de voir l'évolution du secteur sans se précipiter, car on sait que nombre de tour-opérateurs plus fragiles risquent de ne pas survivre à la crise…

Ce projet était prémédité. Il a été anticipé et amplifié par la crise sanitaire. Il y a un an, la direction avait déjà œuvré en ce sens mais nous avions interpellé le gouvernement. La CGT est la première organisation syndicale de l’entreprise et nous avions porté l'affaire jusqu'aux ministères du Travail et de l'Économie.

Ils ont senti que ça allait faire du bruit et le projet avait été suspendu. L'entreprise avait alors envisagé de chercher un partenaire pour développer son réseau d'agences. Marietton Développement, qui possède Havas Voyages et Selectour, avait été approché, mais la chute de Thomas Cook avait, à l'époque, rebattu les cartes en faveur de TUI.

NVO : Qu'allez-vous faire aujourd'hui ?

L.R. : Nous allons défendre ce rapprochement qui pourrait être encore à l'ordre du jour pour développer le groupe en France et sauver des emplois. Dans le cas contraire, il faudra clamer la vérité de cette affaire au plus grand nombre. Ce n’est ni plus ni moins que de l'arnaque au chômage partiel.

La direction de TUI agit à la hâte car elle veut rembourser rapidement sa dette […]. Mais plus le contexte est à la reprise économique et moins [elle] a d'excuses pour se livrer à un plan massif de licenciements…

Or, notre ministre du Travail, Muriel Pénicaud, explique à qui veut l'entendre que le chômage partiel ne doit pas servir à licencier, au contraire. La direction de TUI agit à la hâte car elle veut rembourser rapidement sa dette, mais aussi parce que le signal envoyé par ces licenciements au secteur boursier va lui rapporter…

Le paradoxe, c'est que les réservations reprennent et qu'on rouvre des clubs de vacances en Grèce, en Italie, en Espagne, en Corse. Mais plus le contexte est à la reprise économique et moins notre direction a d'excuses pour se livrer à un plan massif de licenciements…

NVO : Comment envisagez-vous la suite ?

L.R. : Une assemblée générale en visioconférence est prévue aujourd’hui [entretien réalisé le lundi 22 juin, NDLR] entre les salariés et l'intersyndicale CGT-FO-CFE-CGC-CFDT. On verra ce qu'il en ressort. Nous allons par ailleurs être reçus jeudi prochain [le 25 juin] au ministère de l'Économie.

Nous allons être reçus jeudi prochain au ministère de l'Économie. Ce sera l'occasion de dénoncer l'arnaque au chômage partiel [et au] CICE…

Ce sera l'occasion de dénoncer l'arnaque au chômage partiel, en plus de l'injustice de voir tant d'emplois supprimés alors que TUI France vient de bénéficier de près de 10 millions d'euros de CICE. C'est de la casse sociale avec de l'argent public. Bref, on se fait plumer à nos frais.