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PORTRAIT

Les combats de Madeleine Vernet

1 août 2014 | Mise à jour le 25 avril 2017
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Les combats de Madeleine Vernet

C'est peu dire que Madeleine Vernet croyait en la solidarité, pour monter au début du XXe siècle un orphelinat, l'Avenir social, accueillant les enfants d'ouvriers.

C'est peu dire que Madeleine Vernet croyait en la solidarité, pour monter au début du XXe siècle un orphelinat, l'Avenir social, accueillant les enfants d'ouvriers à Neuilly-Plaisance (93) puis à Epône (78).

Financé tant bien que mal par les coopératives telles La Bellevilloise, L'Égalitaire ou La Libératrice, il est soutenu par la CGT naissante. Il faut dire que le programme est adéquat : élever les orphelins de la classe ouvrière, ne pas les envoyer, faute de moyens, dans les orphelinats religieux et, surtout, pas « aux mains de la classe qui l'opprime ».

Comme nous l'apprend Hugues Lenoir en traçant son portrait, cette grande femme, qui aurait dû connaître la postérité, défendait ses convictions en libertaire convaincue. « C'est le devoir du prolétariat de s'occuper lui-même des orphelins de sa classe ; il est du dernier illogisme de confier ses enfants à ses adversaires », écrivait-elle.

 

Seulement voilà, se charger de l'éducation libre et laïque des enfants de pauvres, de surcroît dans la mixité, ne pouvait qu'attirer les foudres. À l'image de l'orphelinat de Cempuis (60), dirigé par Paul Robin selon les mêmes principes, celui d'Epône subira calomnies et ragots.

De la part des curés – de tels lieux ne pouvaient devenir que des « porcheries », en menant les petits aux pires débauches – mais pas que.

Le code de l'enseignement de l'époque interdisait la « coéducation », entendez la mixité. Rappelons-nous qu'il fallut attendre les années 1960 pour qu'il en soit autrement.

 

Elle devra quitter l'Avenir social à compter de 1922, quand la CGT, devenue majoritairement communiste, reprend les rênes de l'établissement, alors que Madeleine refuse d'adhérer au PC. De 1906 à cette date, l'Avenir social aura accueilli 500 enfants. Rebaptisé l'Orphelinat ouvrier, il fonctionnera jusqu'en 1938.

Si le nom de Madeleine Vernet ne dit plus grand-chose aujourd'hui, c'est sans doute que sa clairvoyance sur l'éducation des enfants – devant devenir avant tout libres de choisir leur vie comme leurs opinions – faisait scandale.

Tout comme sa lucidité féministe. « Le mariage, c'est un contrat ; l'amour, c'est un baiser. […] Pour qu'il conserve sa beauté et sa dignité, l'amour doit être libre. » Son texte sur « L'amour libre » est un petit bijou qui fait brillamment la distinction entre désir et amour. À l'heure des « manifs pour tous » et des cris d'orfraie provoqués par l'apprentissage de l'égalité à l'école, c'est un plaisir de découvrir une telle penseuse.

 

 Madeleine Vernet,
d'Hugues Lenoir,
éd. du Monde libertaire,
70 p., 5 euros.