Ras-le-bol ou, plutôt, ras-la-benne qu'ils en ont les éboueurs parisiens qui, depuis ce mardi 17 novembre, se sont lancés dans un mouvement de grève reconductible.
Faire respecter le protocole sanitaire
« Tout ça s'est agglutiné depuis des mois et aujourd'hui, ce n'est plus possible. On ne s'en sort plus », justifie Régis Vieceli, secrétaire général de la CGT de la filière traitement des déchets, nettoiement, eau, égouts et assainissement qui regroupe éboueurs et égoutiers de la Ville de Paris.
Les raisons de cette colère longtemps renfermée sont nombreuses. « On s'est battu pendant le confinement pour faire respecter le protocole sanitaire et aujourd'hui, parce que ce n'est pas un “vrai” confinement, ce protocole n'est plus de rigueur. Les chefs nous disent d'aller au charbon et négligent les décalages horaires pour les entrées en service, le respect des jauges de personnels dans les ateliers ou la nécessité d'avoir des équipements de protection individuelle adéquats », explique le responsable syndical d'autant plus outré contre ces mauvaises conditions sanitaires qu'« un rapport dissimulé depuis onze ans montre que dans nos ateliers de maintenance, qui sont en souterrain, la plupart des ventilations dysfonctionnent ou ne fonctionnent plus ! »
Face à des droits à la baisse
La « gestion » de cette deuxième vague sanitaire n'est cependant pas la seule source d'exaspération. « Alors qu'on était en train de négocier nos grilles indicielles et nos déroulements de carrière fin 2019, on s'est lancé dans la bagarre contre la réforme des retraites et derrière, il y a eu le confinement.La ville nous dit aujourd'hui qu'elle ne reprendra pas les négociations. Pire. Anne Hidalgo (maire de Paris, ndlr) annonce des baisses dans les promotions pour tous les agents sur les trois ans à venir », précise Régis, qui remarque également que « la prime de 35 € par jour de travail mise en place pendant le premier confinement a disparu pendant le deuxième ».
Et ce n'est pas fini. Car, alors que le marché de la collecte des déchets devrait être rediscuté l'année prochaine, le budget prévisionnel pour les effectifs de 2021 est déjà arrivé. « On nous propose en tout et pour tout cinq postes d'éboueurs supplémentaires ! Ce n'est pas avec cinq postes que l'on va “remunicipaliser” le service. On risque plutôt d'aller vers une privatisation », craint le syndicaliste. D'autant qu'entre temps, « il y a eu 30 % de surface de trottoirs supplémentaires, 20 000 arbres plantés pendant la dernière mandature ». Bref, du travail, beaucoup de travail en plus.
Reste une autre question, une autre source d'inquiétude qu'alimente l'annonce d'un dispositif « SI Nettoiement en cours de conception » par la direction. Dispositif qui consistera à équiper « chaque éboueur d'un GPS pour pouvoir le tracer pour, comme c'est le cas pour la société privée chargée des amendes de stationnement, l'appeler dès qu'il y a un peu trop de souillures ici ou là. Au lieu de faire du préventif, on va donc faire du curatif et du clientélisme », précise Régis. Intelligence artificielle pour gérer la propreté de Paris qui aura aussi pour conséquence, et non des moindres, de « peu à peu remplacer nos encadrants de terrain or nous avons besoin d'eux ».
Ajoutez à tout cela « près de 400 agents contaminés par la Covid-19, un millier de cas contact et 25 hospitalisations à l'heure actuelle » selon le syndicat, et l'on comprend que la cocotte des éboueurs ait débordé. Que, face à une direction qui parle d'« intox » de la part des syndicats et rappelle que « le dialogue est permanent », la pression ne risque pas de retomber de sitôt.