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Les leçons du CICE

21 octobre 2014 | Mise à jour le 19 avril 2017
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Les leçons du CICE

Le deuxième rapport du comité de suivi du crédit d'impôt compétitivité emploi est paru fin septembre. Il relance les interrogations sur un dispositif fort coûteux pour les finances publiques et dont l'efficacité s'avère de plus en plus douteuse.

C'est à court terme une bonne nouvelle pour les finances publiques, mais une mauvaise surprise pour le gouvernement. Lancé en janvier 2013, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi qui allège l'impôt sur les sociétés d'un montant égal à 4 % de la masse salariale des salaires inférieurs à 2 500 euros, en 2013, et à 6 %, à partir de 2014, semblerait moins attractif que prévu.

Si son montant exact au titre de 2013 n'est pas encore connu, il apparaît d'ores et déjà qu'il sera sensiblement moins élevé que prévu. Initialement estimé à 13 milliards pour 2013 et 20,3 milliards pour 2014, le montant de la créance déclarée par les entreprises était de 8,7 milliards en septembre et ne devrait pas dépasser les 10,8 milliards en fin d'année. Ignorance, méfiance ou manque d'intérêt ?

Le rapport qui souligne l'importance de la phase d'apprentissage et les multiples facteurs qui peuvent expliquer cette moindre consommation, n'écarte en tout cas aucune explication. Pas même celle du « non-recours » qui, s'il se confirmait, « devrait être interrogé » et souligne combien, avec un décaissement décalé, « le risque existe qu'au bout de trois ans (1) les montants de créance à restituer aux entreprises constituent une somme beaucoup plus importante que prévu ». Déjà onéreux – il devrait représenter 24 milliards d'euros en 2018 – le CICE pourrait bien être une bombe à retardement. Et pas seulement parce qu'il a du retard à l'allumage…

QUI EN BÉNÉFICIE ?

Mais le CICE en chiffres, ce n'est pas seulement le montant de la créance de l'État, c'est aussi sa répartition entre entreprises bénéficiaires. Globalement, le deuxième rapport confirme en ce domaine les prévisions établies dans le premier. Ainsi, près de 40 % de la créance CICE 2013 est concentrée dans les deux secteurs les plus utilisateurs de main-d'œuvre : le commerce et l'industrie manufacturière (19,4 % pour chacun). Suivent ensuite les « activités de services administratifs et de soutien » (location, intérim, nettoyage…) et les transports, avec respectivement 10,5 % et 9,6 %.

Quant à la répartition par taille d'entreprise, deux blocs se dégagent : les entreprises de moins de 50 salariés, qui recueillent 39 % du total du CICE déclaré pour 2013, et les plus de 500 salariés, qui s'en octroient 35 %. Avec une nette polarisation vers le bas et le haut de la distribution : les entreprises de moins de 10 salariés représentent ainsi 17 % du total tandis que les plus de 2 000 s'en accaparent près du quart (22 %)…

LE CICE POUR QUOI FAIRE ?

Mais c'est évidemment sur l'utilisation et les effets du crédit d'impôt qu'on attendait le rapport. Le premier, publié en octobre 2013, s'était contenté en effet de lister les questions auxquelles il conviendrait de répondre. La liste était fort longue. Ainsi le comité de suivi s'interrogeait-il sur l'usage du CICE : serait-il « plutôt affecté à de l'investissement, à la création d'emploi, à la hausse des salaires, aux marges des entreprises, à des baisses de prix ? » Il posait également la question « des effets agrégés de ces comportements » sur le taux de marge, l'investissement, l'emploi, les salaires, les exportations et les importations…

UN DÉFAUT D’ÉVALUATION DES RÉSULTATS

Disons-le, le lecteur restera sur sa faim. Faute de données « ex post » – elles ne seront guère disponibles avant le premier trimestre 2015 – le rapport ne peut évaluer quantitativement les effets du CICE ni sur les décisions économiques des entreprises ni, par conséquent, sur les grands agrégats macroéconomiques (taux de marge, investissement, emploi, etc.). Il en est donc réduit à scruter les intentions des directions d'entreprises. Pour ce faire, il s'appuie sur trois sources : les enquêtes de conjoncture de l'Insee qui, depuis janvier 2014, intègrent un module de questions sur le CICE ; l'analyse du déroulement de la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise à partir d'une centaine de cas ; les résultats d'un questionnaire adressé à des DRH sur cette même consultation des CE.

Les résultats sont maigres. Certes, des trois vagues de l'enquête Insee se dégage une hiérarchie des usages du CICE constante. Les entreprises sont plus nombreuses à anticiper un effet du CICE sur l'investissement et l'emploi que sur les prix ou les salaires. Ainsi, en juillet 2014, 58 % des industriels répondaient que le CICE aurait un impact sur l'investissement, 34 % qu'il en aurait un sur l'emploi tandis que 30 % estimaient qu'il entraînerait une baisse des prix et 26 % une augmentation des salaires. S'agissant des services, les opinions ne diffèrent guère si ce n'est dans leur ampleur : 52 % anticipent un impact sur l'investissement, 48 % sur l'emploi, 41 % une hausse des salaires et 32 % une baisse des prix…

Mais l'affectation du CICE en 2014 apparaît surtout conditionnée par les perspectives conjoncturelles des entreprises. Autrement dit, les entreprises qui évoquent un effet CICE sur les prix sont celles qui sont confrontées à une situation conjoncturelle plutôt mauvaise, tandis que celles qui déclarent affecter prioritairement le CICE à l'investissement ou à l'emploi sont celles qui font face à des situations plus favorables en termes d'activité et de débouchés.

DES EFFETS ÉCONOMIQUES INEXISTANTS

Ces lapalissades ne nous avancent guère. Elles soulignent néanmoins combien les perspectives d'investissement ou d'emploi ont peu à voir avec la baisse du coût du travail qui est bien, pour l'instant, le seul effet avéré du CICE (voir encadré). Et les intentions déclarées sont à prendre avec des pincettes. Le rapport ne s'y trompe pas qui souligne que « les déclarations des entreprises sur les effets du CICE ne constituent en rien un travail d'évaluation ». On ne saurait mieux dire. Elles ne donnent en tout cas aucune indication sur ce qui se serait passé en l'absence de CICE, et ne permettent donc pas de mesurer les effets réels du dispositif.

La mesure de « l'effet CICE » pose d'ailleurs problème aux rapporteurs. Quelle que soit en effet la source utilisée, il existe une difficulté « à tracer les usages réels et à identifier l'effet propre du CICE ». Il est ainsi impossible de savoir si le CICE finance un supplément de dépense dans un registre précis ou s'il se substitue simplement à d'autres ressources. Au point que les rapporteurs s'interrogent sur l'exercice même de l'évaluation. Autrement dit, c'est bien la question des aides sans conditions, et de leur impossible suivi, que soulève le rapport.

C'EST BIEN LA QUESTION DES AIDES SANS CONDITIONS,
ET DE LEUR IMPOSSIBLE SUIVI, QUE SOULÈVE LE RAPPORT

Quant aux effets macroéconomiques, le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sautent pas aux yeux. La dernière note de conjoncture de l'Insee publiée le 2 octobre en atteste. Même le taux de marge des entreprises que l'Insee prévoyait jusqu'ici en hausse baisserait en 2014 (29,4 % contre 29,8 % en 2013) sous l'effet du ralentissement de l'activité et… des baisses de prix. Même chose pour l'investissement, qui devrait de nouveau reculer de 0,6 % cette année « en raison de l'atonie persistante de la demande »

Quant à l'emploi, l'Insee s'attend certes à ce que le CICE entraîne la création de 60 000 postes en 2014, ce qui n'empêcherait pas le chômage de poursuivre son ascension. « Mais, ajoute le chef du département de la conjoncture à l'Insee, sans le CICE, la hausse aurait été plus importante étant donné la conjoncture dégradée »… C'est ce « sans CICE, les choses seraient encore pire » dont semble vouloir se satisfaire le gouvernement qui, avec le pacte de responsabilité, entend poursuivre dans la même voie : donner aux entreprises, il en restera toujours quelque chose…

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IMPACT

LE « COÛT DU TRAVAIL » EN BAISSE

Le seul résultat tangible et mesurable du CICE semble bien être son impact sur l'indice du coût du travail (ICT). Dès sa création, l'Insee a en effet intégré le CICE dans l'indice du coût du travail en publiant un ICT révisé tout en s'engageant à maintenir la publication d'un indice non révisé. La comparaison des deux indices permet de mesurer « l'effet CICE ».

Les résultats sont sans équivoque. La prise en compte du CICE a entraîné dès le premier trimestre 2013 une réduction de 1,9 point de l'ICT et une nouvelle baisse d'un point au premier trimestre 2014, lors du passage du taux de crédit d'impôt de 4 % à 6 %. Au total, l'effet cumulé du CICE au premier trimestre 2014 est tel que l'ICT (pour l'ensemble des entreprises) est inférieur de plus de trois points à ce qu'il serait sans la prise en compte du CICE… Mais l'effet CICE est d'ampleur variable selon les secteurs et d'autant plus important que la proportion de salariés en dessous de 2,5 Smic est élevée. Ainsi, l'effet CICE qui, au deuxième trimestre 2014, atteignait 2,7 points dans l'industrie manufacturière, était de 3,5 points dans la construction et de 4 points dans l'hôtellerie et la restauration…