« Tu n'auras pas d'autre Dieu que le Profit. Tu achèteras toujours au plus bas pour vendre au plus haut. Tu privatiseras les bénéfices et mutualiseras les pertes. Tu préfèreras toujours une dictature qui soutient le marché à une démocratie qui le récuse… Tu proclameras qu'il n'y a pas d'alternative ! » Ces commandements du capital — ici nous n'en avons retenu que cinq sur le dix — selon Gérard Modillat et Bertrand Rothé donnent l'esprit du petit ouvrage que le cinéaste, spécialiste du monde du travail et l'économiste ont voulu nous livrer.
Dans le prolongement de la remarquable série documentaire diffusée le 15 octobre 2019 sur Arte, où 21 économistes, philosophes, historiens juristes et sociologues exposent leur vision de l'économie, de l'emploi, du travail, du marché, les auteurs reviennent sur ces différents aspects pour mieux les éclairer.
Ces concepts, qui nous semblent familiers au point qu'on en fait usage en se dispensant de les définir, méritent pourtant d'y consacrer une vraie réflexion. L'un de ces fondamentaux est l'économie elle-même, qui ne saurait être une science prétendant à la neutralité confiée aux seuls spécialistes.
Il faut donc que le public s'en empare, notamment pour y débusquer les ressorts idéologiques sous-jacents. Nous faisons aussi connaissance avec l'histoire et l'évolution des grands courants qui ont traversé la pensée économique, et ce depuis la naissance du capitalisme jusqu'à nos jours.
S'attelant à un véritable travail de pédagogie, les auteurs expliquent et décryptent les diverses écoles de pensée et leur évolution jusqu'au néolibéralisme contemporain. On détecte à travers les politiques menées les différentes paternités historiques et idéologiques, leurs conséquences aussi.
Cela ne surprendra personne, un ouvrage rédigé en 1867 demeure la référence majeure, en ce qu'il théorise le matérialisme historique (l'histoire est l'histoire de la lutte des classes). Dans nos écrits, nous restons « juchés sur les épaules de Marx », reconnaît Bertrand Rothé, qui indique également que Les lois du capital est écrit pour les syndicalistes.
Évolution du salariat, impacts des mutations technologiques, précarisation, réactualisation de la notion d'armée de réserve du capital, ubérisation, temps de travail, etc., tous ces sujets de luttes sont abordés dans l'ouvrage.
Les auteurs ne se gênent pas non plus pour accuser. Ils considèrent par exemple que la non-diminution du temps de travail est la faute historique majeure des « socialistes à l'eau de rose » et du gouvernement Valls — Hollande. L'argumentaire vaut la peine qu'on s'y penche, notamment à l'heure où la CGT revendique toujours les 32 heures et s'oppose avec force à la réforme des retraites.
Gérard Mordillat et Bertrand Rothé. Éditions Seuil/Arte éditions. 243 pages, 19,50 euros
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