1 octobre 2020 | Mise à jour le 2 octobre 2020
Renault a donné des précisions sur son plan d'économies qui prévoit, notamment, la fermeture de l'usine de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) et le transfert de l'activité sur celui de Flins (Yvelines). La CGT Renault dénonce la destruction de l'entreprise et réclame l'intervention de l'État avec une autre stratégie.
« Ce plan d'économies est vécu de façon dramatique et les gens sont atteints dans leur cœur. La population de Renault est désabusée. Elle se dit qu'on est en train de détruire l'entreprise en faisant un plan à cette hauteur, alors qu'on a tant de métiers et de richesses à valoriser », explique Jean-François Pibouleau délégué syndical central de la CGT Renault.
C'est ce mardi 29 septembre 2020 que se tenait le CCSE (comité central social et économique) qui devait recueillir l'avis des représentants du personnel sur le plan d'économies de deux-milliards voulu par Renault. Aucun membre de la direction exécutive de Renault n'avait fait le déplacement, ce qui en dit long sur le respect que porte la direction de Renault au dialogue social.
Symétriquement, l'ensemble des organisations syndicales a rejeté le plan mortifère visant à supprimer 15 000 emplois, dont 4 600, en France. Dans le détail, ces 4600 emplois concernent 2500 postes d'ingénierie et 2100 dans les emplois de production.
Jeu de chaises musicales
Par une subtilité rhétorique, la direction n'a pas confirmé la fermeture du site de Choisy-le-Roi, mais le transfert de son activité vers Flins (ce qui revient au même). Choisy est un site hautement qualifié dans l'échange standard (moteur, boîte de vitesses, échappement, etc.).
C'est aussi une véritable entreprise de l'économie circulaire. Ses salariés ont des compétences rares, dans le sens où il faut plusieurs années pour acquérir toutes les connaissances pour le reconditionnement des moteurs. « Choisy était le cœur d'une activité d'économie circulaire avec la valorisation des pièces d'occasion. Quant à Flins (4000 salariés), ils y arrêteraient le montage de voitures pour le reconditionnement des véhicules de reprise, afin qu'ils soient revendus comme véhicule d'occasion. Sauf que ce travail était effectué précédemment par les garages du réseau commercial… » s'étonne Jean-François Pibouleau.
Il en résulte que le réseau commercial perdrait cette activité. De même, Renault souhaite aussi que la Fonderie du Poitou d'Ingrandes-sur-Vienne se reconvertisse dans la rénovation de véhicules plutôt que dans la poursuite de son activité actuelle. Avec un tel projet se pose une question simple : que va-t-il rester de la production Renault en France ?
Le plan laisse planer une grande incertitude quant à l'avenir de la Fonderie de Bretagne, et le transfert des activités — notamment la partie électrique — de l'usine de Maubeuge vers l'usine de Douai, qui deviendrait le constructeur des véhicules électriques.
Le package est vendu sous l'appellation de « pôle d'excellence » dans le nord de la France comprenant les usines de Cléon, de STA Ruitz (production de boîtes de vitesses pour véhicules hybrides) et Maubeuge (qui produit le petit utilitaire Kangoo).
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Un pôle d'excellence qui interroge
« Un pôle d'excellence du Nord ? On demande ce qu'il en est, car il n'y a aucune perspective pour l'usine de Maubeuge. On sait que tous les véhicules électriques devraient être fabriqués à Douai, mais pour l'heure rien n'est engagé et les futurs véhicules électriques ne sortiront que dans deux ans », analyse Jean-François Pibouleuau.
La CGT Renault prône une autre stratégie. Selon elle, l'usine de Douai est aujourd'hui en sous-régime alors que la Clio est à 90 % produite en Turquie. Il ne serait donc pas aberrant de rapatrier une partie de cette production puisque la Clio est essentiellement vendue en Europe. « Il suffirait d'un investissement de dix millions pour que l'on puisse produire de la Clio ou de la Mégane hybride à Douai. On pourrait aussi y produire un Scénic hybride. On est en train de détruire notre outil de travail alors que nous, CGT, avons un projet industriel qui permettra de mobiliser les compétences des salariés de Renault en France, mais aussi à l'étranger », souligne encore le syndicaliste.
Une petite voiture électrique
« Notre projet prend en compte les besoins des populations et les enjeux environnementaux. C'est pourquoi la CGT défend l'idée d'un petit véhicule électrique modulable et répondant aux besoins de la population. Pour cela, des études ont déjà été réalisées. Il s'agit d'un véhicule quatre places, compact, bon marché qui, avec une autonomie journalière de 120 kilomètres, répondrait à 95 % des besoins de déplacement quotidien. L'aspect modulable fait qu'il pourrait être adapté comme utilitaire des derniers kilomètres (pour la livraison des petits commerces en milieu urbain). Ce concept est aussi le fruit d'une réflexion sur l'accessibilité à la mobilité pour les habitants de proche banlieue ou des campagnes périphériques des grandes villes », précise le délégué.
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Investir pour l'avenir
La CGT Renault ne parie pas que sur ce petit véhicule, mais aussi sur une gamme élargie avec les véhicules hybrides et le thermique (essence et diésel) dont les performances peuvent être améliorées pour réduire la pollution, pour peu qu'on y investisse.
Dans le projet CGT, la filière hydrogène est aussi à développer. Ce mode de propulsion non polluant est notamment bien adapté pour les camions et les petits utilitaires (type Masters ou Trafics).
Enfin, la CGT Renault fait aussi remarquer que toute la gamme Renault vendue au Brésil fonctionne au bioéthanol. Une technologie négligée en France, alors qu'elle représente aussi un intérêt stratégique. En effet, du fait de la perte du marché du sucre, plusieurs usines de transformation de betteraves à sucre sont menacées. Il y a donc matière à un projet industriel autour du bioéthanol pour les véhicules Renault (le bioéthanol est produit à partir du sucre de betteraves).
Enfin, Jean-François Pibouleau estime qu'en tant qu'actionnaire, l'État serait bien inspiré de taper du poing sur la table et de se mêler d'empêcher la firme au losange de foncer dans le mur.