L’État directement interpellé pour empêcher le démantèlement de Nokia France
Arrivés à Paris depuis Lannion (Bretagne) mercredi 8 juillet, 400 salariés de Nokia ont manifesté depuis la gare Montparnasse jusqu'à l'esplanade des Invalides en clamant ce refrain : « Nokia, ton plan, on n'en veut pas ! » Avec eux, trois élus des Côtes-d'Armor venus interpeler le président Emmanuel Macron et la nouvelle ministre de Bercy en charge de l'industrie, Agnès Pannier-Runacher, qui devait recevoir une délégation intersyndicale CFDT-CGT-CFE-CGC au cours de l’après-midi.
Éric Bothorel député des Côtes-d'Armor
Avec leurs collègues du site de Nozay (Essonne) et divers élus (Fabien Roussel, PCF ; Éric Coquerel et Mathilde Panot, LFI) qui les attendaient sur place, ils ont alterné les prises de parole au micro afin d’exprimer tour à tour leurs revendications. Sans surprise, l'intersyndicale dénonce et rejette en bloc le plan de licenciement annoncé le 22 juin par la direction de Nokia France. Lequel vise à supprimer une partie substantielle des emplois de la branche internationale d'Alcatel-Lucent et, en l'occurrence, 1 233 postes en France, soit, 402 à Lannion et 831 à Nozay.
C'est le 4e plan social en quatre ans depuis le rachat d'Alcatel-Lucent par Nokia et c'est, à l'évidence, le PSE de trop, incompréhensible et inacceptable pour les salariés comme pour les élus.
Claude Josserand, CGT Nokia Nozay
« Who’s next ? » (« Qui sera le prochain ? ») ; « Embauché en mars, débauché en juin » ; « 280 millions d'euros de CIR pour financer la fin de Nokia France » ; ou encore, « Nokia Firing People » (« Nokia licencie des gens »), en écho ironique avec le slogan de la firme « Nokia Connecting People »…
Les pancartes arborées par les militants illustrent bien l'état d'esprit général, de colère et à l'offensive contre la direction de Nokia et le gouvernement français. En particulier, contre le président Emmanuel Macron qui, lorsqu'il était ministre de l'Économie, avait organisé et facilité la cession d'Alcatel-Lucent à Nokia en assurant aux syndicats que les 4 200 emplois de l'époque seraient maintenus, voire que la vente du fleuron français des Télécoms à son homologue finlandais permettrait de renforcer la position de Nokia dans le cadre du très concurrentiel marché de la 5 G.
Or, en quatre ans à peine, 1 200 salariés ont déjà été licenciés. En supprimer 1 233 supplémentaires, dont plus de la moitié des effectifs du site de Lannion et un bon tiers de celui de Nozay, il y a en effet de quoi enrager.
La filière R&D déstructurée
Évoquant le CSE qui s'est tenu le 7 juillet, un élu CFE-CGC cite le maître-mot, « défragmentation » (sic) employé par la direction Nokia pour justifier sa stratégie de regroupement des petits sites sur de plus grands sites. En fait, « l'objectif est très clair, c'est la déstructuration totale de Nokia France, de sa R&D qui va être délocalisée en Pologne, en Inde, mais aussi dans des pays à hauts coûts comme l'Allemagne, la Finlande et les États-Unis, alors que Nokia n'est pas en difficulté et que nous réalisons 900 millions d'euros de chiffre d'affaires en France », s'insurge l’élu.
Intervenant au titre de la fédération de la métallurgie CGT, Stéphane Flégeot dénonce ce énième PSE incompréhensible et d'autant plus scandaleux que Nokia France a largement bénéficié de fonds publics depuis le rachat d'Alcatel-Lucent. En l'occurrence de 280 millions d'euros de CIR en quatre ans, rien de moins.
Stéphane Flégeot, FTM-CGT
Un courroux partagé par le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui dénonce, lui, une direction de « margoulins qui ne respectent pas leurs engagements », réclamant dans la foulée le retrait du PSE et le remboursement des aides publiques.
Laurent Berger, CFDT
Difficile donc d'imaginer le démantèlement d'une entreprise, de sa R&D avec ses qualifications et compétences accumulées, dans un secteur qui a montré son importance stratégique durant toute la période de confinement, et pour lequel l'État a investi. Celui-ci est dorénavant directement interpelé.