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PAUVRETÉ

L’impasse de l’exclusion

16 juin 2017 | Mise à jour le 16 juin 2017
Par | Photo(s) : DR
L’impasse de l’exclusion

Début juin, ATD Quart Monde organisait un colloque international rassemblant quatre-vingt universitaires, praticiens et personnes vivant la pauvreté, pour échanger sur « ce que la misère nous donne à repenser ». Des interventions précieuses à retrouver sur Internet.

À l'occasion des cent ans de la naissance du père Joseph Wresinski, ATD Quart Monde a organisé un colloque international pour échanger sur la pauvreté à partir de la pensée et de l'œuvre de son fondateur. L'idée-force étant de partir du savoir des personnes vivant dans la grande pauvreté et de le confronter à celui des praticiens ou chercheurs. Seul moyen de construire un combat efficace contre la misère : être à l'écoute des plus pauvres.

Comme le déclare Moraene Roberts, militante d'ATD Quart Monde en Grande Bretagne : « Toute recherche sur la pauvreté sans consultation approfondie des personnes qui la vivent sera toujours incomplète. Nous savons ce qui est important et ce qui doit changer ». Écoutez son intervention, elle est précieuse pour prendre conscience des préjugés tenaces qui sont autant de freins à l'amélioration des conditions de vie des plus pauvres.

Des victimes combattantes

Mêlant approches historiques, philosophiques et sociologiques, le colloque a balayé des questions essentielles telles que le respect des droits de l'homme, au cœur de la réflexion du père Joseph. « Au nom des droits fondamentaux, il nous faut libérer progressivement les plus pauvres de cet état de dépendance, au cours des années qui viennent. Et affirmer que la grande pauvreté constitue un déni des droits de l'homme, c'est lutter pour que l'humanité se donne les moyens d'y répondre par de véritables politiques qui assurent à tous leur application », déclarait-il. Et l'idée est ancienne, comme le rappelle l'historienne Michèle Grenot, alors que le roi convoque les états généraux en 1789, les plus pauvres sont exclus de ces assemblées primaires. Le député Dufourny de Villiers propose, en vain, que soit représenté, en plus du tiers état, un quatrième état, celui des pauvres, des infirmes et des indigents. Il publiera les Cahiers du Quatrième Ordre. Ceux qui souffrent le plus doivent avoir voix au chapitre pour construire une société égalitaire. Cette pensée est reprise par Joseph Wresinski dans la notion de Quart Monde. « Une appellation libératrice pour moi, confie Marie Jahrling, qui a vécu dans le camp de Noisy-le-Grand. J'étais un monde et non plus un parasite. On n'était plus des coupables mais des victimes combattantes. »

Sortir de l'aide punitive

« À en juger par ce que ces populations nous enseignent, les plus pauvres payent les droits accordés comme en pièces détachées par un surcroît d'humiliation », déclarait le père Joseph. Les intervenants du colloque ont mis en avant les différents combats menés pour sortir du silence et faire reconnaître les souffrances endurées par les plus pauvres. Ainsi, Marie-Rose Blunschi, volontaire d'ATD Quart Monde, a rappelé les mesures coercitives mises en place en Suisse jusque dans les années 1950, sous prétexte d'assistance : internements administratifs, placements forcés des enfants… En 2013, la ministre de la Justice a présenté ses excuses aux victimes.

En ligne– Retrouvez les interventions du colloque sur le site d'ATD Quart monde.

– Visitez le site dédié à Joseph Wresinski où l'on retrouve ses écrits et réflexions.

Mieux, une loi prévoit qu'une recherche historique soit menée conjointement par les historiens et les victimes. Le philosophe Patrice Meyer-Bisch est quant à lui revenu sur l'importance des droits culturels, leviers de tous autres droits, au cœur de la dignité. Quand accéder aux savoirs, y participer et y contribuer conditionne au final le droit au logement, au travail ou à la santé. Des réflexions riches d'enseignements alors que la chasse aux pauvres continue : plusieurs départements renforcent actuellement les contrôles et les sanctions à l'encontre des bénéficiaires du RSA, au point que 45 000 allocataires du Nord risquent de voir leur revenu raboté.