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AÉRONAUTIQUE

L’utilisation des 15 milliards de soutien à l’aéronautique doit être contrôlée

16 juin 2020 | Mise à jour le 16 juin 2020
Par | Photo(s) : Daniel Derajinski/AFP
L’utilisation des 15 milliards de soutien à l’aéronautique doit être contrôlée

Bercy, le 9 juin 2020. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des Finances, lors de la présentation du plan de soutien à l’aéronautique qui doit permettre au secteur de surmonter les difficultés économiques liées à la crise sanitaire.

Depuis la crise du Covid-19, les compagnies aériennes et l'industrie aéronautique affrontent un ralentissement sans précédent. Le gouvernement vient d'annoncer un plan d’aide de 15 milliards d'euros, dont 7 milliards pour Air France. Selon la CGT, les aides doivent être assorties de garanties pour l'emploi.

L'annonce par le gouvernement le 9 juin 2020 d'un plan d'aide de 15 milliards d’euros à l'aéronautique — dont 7 milliards pour Air France — intervient dans le contexte de graves inquiétudes pour l'ensemble de la filière. D'ores et déjà, des milliers d'intérimaires ont perdu leur emploi et de nombreux sous-traitants sont au bord de la rupture.

L'interruption d'une ampleur inédite des vols commerciaux durant la crise du Covid-19 a mené plusieurs compagnies aériennes au bord de la faillite, et cela a des incidences, naturellement, sur le nombre de commandes de nouveaux appareils. L'intervention du gouvernement était donc attendue, mais le plan présenté n'est pas exempt de critiques du côté syndical.

Pas de remake du plan Sarkozy

La crise économique de 2020 et les plans de sauvetage du gouvernement actuel présentent des similitudes avec 2008-2009. À l'époque, Nicolas Sarkozy — qui, dit-on, a aujourd'hui l'oreille d'un Emmanuel Macron — avait notamment impulsé un plan d'aide envers l'automobile, dont les principaux bénéficiaires étaient les grands donneurs d'ordres, tandis que les équipementiers étaient assez largement laissés pour compte. Pis, les aides octroyées à ces derniers servaient même d'argument aux donneurs d'ordres pour tirer vers le bas les prix de vente de leurs sous-traitants captifs.

En conséquence, les aides étatiques ont finalement pu servir à amplifier les politiques délétères des constructeurs définies avant la crise : accélération des délocalisations ; vassalisation et fragilisation des tissus de PME ; et surtout précarisation et destructions massives d'emplois en France.

Les années qui ont suivi ont vu se mettre en place le deuxième étage de la fusée avec des plans dits « de compétitivité » et des chantages toujours plus pressants : licenciements  augmentation du temps de travail, sacrifices de RTT ou d'avantages divers.

Leurs tout nouveaux avatars s'appellent aujourd'hui « plans de performance ». Dans l'aéronautique, c'est l'équipementier Derichebourg, près de Toulouse, qui vient de l'inaugurer avec un accord signé par FO prévoyant des baisses de salaires. La colère des salariés de cette entreprise —  où la CGT n’est pas implantée — montre à quel point la dérive est inacceptable.

Aider l'aéronautique à traverser le trou d'air

Mais quelle est la situation réelle de l'aéronautique ? La crise actuelle de ce secteur qui n'a cessé de croître depuis des décennies est-elle comparable en tout point à celle de l'automobile ? Certains prédisent pour Toulouse un avenir similaire à Detroit (où le déclin de l'automobile a conduit la ville à la ruine).

Mais ce n'est pas du tout l'analyse de Xavier Pétrachi, délégué CGT à Airbus Toulouse : « Le patronat projette une baisse mondiale de 5 000 avions à produire sur les cinq années à venir. Avant la crise, les carnets de commandes d'Airbus et Boeing étaient pleins avec des projections de production de 40 000 avions sur vingt ans. Même si on baisse les cadences pendant deux ans et qu'on passe à 35 000, cela ne justifie en rien une baisse drastique des emplois. »

« En fait, il y a du travail et il y a des moyens de passer le trou d'air en formant les gens, en attribuant des aides à la R&D destinées aux bureaux d'études des PME et ETI… On nous présente les choses d'une certaine manière et d'aucuns ont peut-être intérêt à noircir le tableau », ajoute Michel Molesin, responsable du secteur aéronautique à la fédération CGT Métallurgie.

Dans l'immédiat, il faut écarter le risque de voir les salariés et leurs savoir-faire sacrifiés durant cette période. Les aides publiques doivent donc être consacrées à préserver les emplois. « Mais j'ai noté que Macron commence à parler de travailler plus… », relève encore le syndicaliste. La solution que préconise la FTM-CGT se situe exactement aux antipodes : « La diminution du temps de travail permettrait de préserver des emplois. »

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Booster les bassins d'emplois

Pour Michel Molesin, on doit certainement réfléchir aux actes de consommation de l'aéronautique, mais c'est aussi une filière stratégique pour l'indépendance nationale indispensable au pays. « Nous allons inviter nos syndicats à porter des projets par bassin d'emplois. Le plan prévoit aussi un investissement pour les recherches sur l'avion du futur.

L'idée est que l'argent public doit être utilisé pour passer la période, par exemple en abondant le chômage partiel, quand c'est nécessaire. Pas question qu'ils servent à licencier ou fermer des sites. » Michel Molesin, responsable du secteur aéronautique à la fédération CGT Métallurgie

C'est une bonne nouvelle, car il faut inventer des avions moins polluants, imaginer tout le processus de la construction à la déconstruction, mais il faut aussi que ces fonds soient contrôlés. L'idée est que l'argent public doit être utilisé pour passer la période, par exemple en abondant le chômage partiel, quand c'est nécessaire. Pas question qu'ils servent à licencier ou fermer des sites. »

Exiger la transparence de l'utilisation des fonds

La CGT exige en effet que les fonds destinés à l'aéronautique soient contrôlés par Bpifrance (BPI), banque publique d’investissement vouée au financement et au développement des entreprises, et les représentants des salariés. Elle demande par ailleurs que l'attribution d'aides aux grands groupes soit conditionnée à des garanties en matière d’investissements et d'emplois sur le territoire.

Particulièrement sensible à la situation des sous-traitants des PME et ETI en régions, la CGT se dit ainsi disponible pour prendre part, jointe à d’autres organisations syndicales, à des tables rondes avec les pouvoirs publics et le patronat dans les bassins d'emplois. Les salariés et les forces vives de la région toulousaine et de la Mecanic Vallée sont en effet disposés à s'investir pour que jamais l'histoire de Toulouse ne soit, de ce point de vue en tout cas, comparable à celle de Detroit.