Mai 68 : sous les clichés, la grève
Aujourd’hui, nombre de ses « experts » autoproclamés en détournent le sens, dans une France où ils entendent faire régner un nouvel ordre libéral. Lire la suite
C'est la plus grande usine de France : 33 000 salariés dont 8 000 employés, techniciens, ingénieurs et 25 000 ouvriers. En 1944, l'usine est nationalisée, Louis Renault étant accusé de collaboration.
La régie nationale des usines Renault a pour mission de participer à la reconstruction du pays, de produire des véhicules populaires, d'être à la pointe du progrès social. Cela ne se fera pas sans une intervention sociale permanente des salariés et d'une CGT forte (75 % environ de l'influence électorale). Ainsi, la troisième semaine de congés payés, puis la constitution de la première caisse de retraite complémentaire, puis celle d'un fonds de prévoyance chômage, ont été obtenues pour la première fois en France à la suite de luttes sociales fortes chez Renault. Aussi, Renault Billancourt va jouir dans le monde du travail et le pays d'une forte attention et sympathie.
Au premier trimestre 68, les luttes sociales s'accélèrent en France et dans toutes les usines Renault, avec 135 arrêts de travail partiels et limités à Billancourt et d'autres mouvements au Mans, à Cléon, à Flins… Le taux de participation à la grève nationale de 24 heures le 13 mai est exceptionnel, exprimant à la fois la volonté d'en finir avec la régression sociale et la solidarité avec les étudiants sauvagement réprimés.
Le 16 mai, la CGT Renault invite les travailleurs à décider dans chaque usine, chaque atelier, la poursuite de la lutte pour contraindre la direction de Renault à ouvrir des négociations sur les revendications. À midi, Renault Cléon est occupé. Suivent les sites de Flins, du Mans… À Billancourt, 2 000 salariés décident de se mettre en grève. Les autres rentrent à leur domicile. Au nom de la direction du syndicat CGT, je leur propose d'occuper l'usine pour la nuit et de consulter le lendemain matin les salariés. Dès le lendemain, à l'île Seguin, aucun salarié ne rejoint son poste de travail. Au nom des trois syndicats CGT, FO, CFDT, je propose au personnel de voter l'occupation reconductible de cette vaste entreprise. Une forêt de mains levées approuve. L'occupation sera reconduite durant 33 jours et 34 nuits.
Dès le 17 mai, de 8 à 9 millions de salariés se mettent en grève en France et occupent leurs entreprises. Il faut attendre dix jours pour obtenir les discussions de Grenelle. Le 28 mai, les travailleurs de Renault ont des résultats par les radios. Direction du syndicat, travailleurs dans les piquets de grève, responsables FO et CFDT : tous apprécient les nombreux résultats positifs mais estiment que nombre de questions sociales posées chez Renault ne sont pas satisfaites et qu'il n'y a pas lieu de reprendre le travail.
Avant l'arrivée de Benoît Frachon et de Georges Seguy, je propose aux 25 000 salariés, au nom de la CGT, de FO et de la CFDT, la poursuite de la grève,
ce qu'ils approuvent massivement, mains levées. Lorsque les deux dirigeants de
la CGT exposent les résultats de Grenelle, les points très positifs sont applaudis,
les points négatifs ou insatisfaisants sont sifflés. Pour Georges Seguy, il appartient aux salariés de se prononcer dans
chaque entreprise sur la suite à donner
au mouvement, comme viennent
de le faire les salariés de Billancourt.
Et dans des milliers d'entreprises, la lutte continuera après
Grenelle jusqu'à l'ouverture
de discussions.
Les discussions ouvertes dans l'entreprise permettent d'obtenir une réduction du temps
de travail, l'augmentation
des salaires avec révision des grilles et revalorisation
des qualifications, la reconnaissance des sections syndicales dans l'usine… Le 17 juin, près de 75 % du personnel, consulté par bulletins dans les ateliers et bureaux, décide la reprise…
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Médiapart et les Editions de l’Atelier se sont associés pour collecter des centaines de témoignages sur celles et ceux qui ont vécu Mai 68. Lire la suite