22 mai 2020 | Mise à jour le 25 mai 2020
« Il a vu la mort et il n'a droit à aucune reconnaissance ». Employé dans un Monoprix à Boulogne (Hauts-de-Seine), Zouhir Zerrouki a contracté le coronavirus début avril avant d'être hospitalisé. Il vient d'apprendre que son arrêt-maladie le privera de sa prime de 1 000 euros.
Zouhir Zerrouki travaille au Monoprix « Les Passages » de Boulogne depuis « l'ouverture du magasin il y a 19 ans ». Joint par téléphone, l'homme d'une cinquantaine d'années montre encore des signes de fatigue et explique avoir toujours « quelques kilos à reprendre ». Pour cause : il a contracté le coronavirus au début du mois d'avril et a passé près de deux semaines à l'hôpital. Et c'est dans ce contexte que cet assistant au rayon fruits et légumes a appris « l'injustice » dont il est victime de la part de son employeur.
Double peine
Car si Monoprix a annoncé verser une prime de 1000 euros aux salariés mobilisés pendant le coronavirus, Zouhir Zerrouki en sera exclu. En arrêt-maladie depuis le 7 avril, il ne devrait en effet toucher que « 300 ou 350 euros maximum », car la prime sera versée au prorata de la présence sur site pendant le confinement.
La décision est d'autant plus injuste que ce délégué CGT est persuadé d'avoir contracté la maladie au travail. « Je ne sortais que pour me rendre au Monoprix. Il y a une opacité sur cette question, car la direction n'alerte pas lorsqu'un salarié est contaminé. Mais nous, nous savons qu'il y a eu plusieurs cas, car nous avons échangé entre collègues », assure-t-il.
Zouhir Zerrouki est le seul employé de ce Monoprix à avoir dû être hospitalisé. Après avoir ressenti les premiers symptômes le 2 avril, son état s'aggrave rapidement : fièvre à 39 degrés, toux et insuffisance respiratoire. « Je n'ai pas été intubé à l'hôpital, mais j'ai failli l'être », explique-t-il. Et le comportement de son employeur durant son rétablissement l'a pour le moins « choqué ». « J'ai informé la direction dès les premiers symptômes, mais cette dernière n'a pas pris de mes nouvelles par la suite. »
La sécurité au travail avant les primes
Le salarié assure que c'est une collègue de travail qui l'a alerté du versement de la prime au prorata. Et la médiatisation récente de son histoire n'a pas changé la donne : « La direction ne m'a toujours pas fait signe », promet-il. Contactée, l'enseigne n'a pas pu répondre à temps à nos questions.
Mais dans d'autres médias, Monoprix a assuré avoir contacté directement Zouhir Zerrouki. Après presque deux mois d'arrêt dus à ses symptômes lourds, il devra bientôt reprendre le chemin du travail. « Mon arrêt prend fin le 31 mai. Mais j'ai prévenu mes collègues qu'après ce qui m'est arrivé, je n'étais plus la même personne. »
La situation indigne du côté de la CGT Commerce : « Cet homme a vu la mort et il n'a droit à aucune reconnaissance», dénonce Amar Lagha, secrétaire de la fédération. Il rappelle par ailleurs que « la première revendication de la CGT est la sécurité au travail, pas l'annonce de primes. » Selon lui, cette opération est même «une escroquerie intellectuelle. Les groupes qui ont décidé d'octroyer des primes l'ont fait pour la communication. Mais derrière, chacun a fait ses calculs. Et avec le prorata, cela débouche sur des situations discriminatoires et inégalitaires. »