Manifestation du 8 octobre à Paris
Alors que le cortège s'ébranle lentement de place de la République, c'est le sujet qui est sur toutes les lèvres. Au milieu des banderoles, des ballons CGT, des camionnettes, les manifestants disent spontanément leur sentiment de solidarité avec les salariés d'Air France.
« Un pauvre DRH qui y laisse sa chemise contre 3000 salariés qui y laissent leur emploi et on focalise sur le torse nu. Il y a dérive médiatique…, s'étrangle Éric, coordinateur CGT chez Total. On nous bassine avec le dialogue social, mais il n'y en a pas, c'est faux, c'est de l'esbroufe. On nous écoute poliment et on déroule tout pareil. C'est ça qui produit le désespoir des salariés. La violence est le dernier moyen de se faire entendre face à un rouleau compresseur. »
« C'est la criminalisation de l'action syndicale alors qu'on défend les emplois et notre compagnie », confirme Mehdi Kemoune, secrétaire général adjoint de la CGT d'Air France, venu avec plusieurs collègues.
Mais la communication autour de cette affaire est à double tranchant : « Nous avons reçu un ingénieur qui est arrivé chez nous en disant qu'il en avait marre de cette propagande antisalariés et antisyndicale et qu'il voulait se syndiquer chez nous », explique Sylvie, déléguée syndicale CGT au centre de Thalès, à Velizy.
« La violence est assénée par les patrons, lâche Agathe, 48 ans, cariste et élue CHSCT au dépôt SNCF de Châtillon. Les salariés qui perdent leur boulot, perdent bien plus que leur chemise, c'est beaucoup plus violent. Mais, c'est moins spectaculaire de s'enfoncer dans l'ombre et la misère. »
LA QUESTION DES SALAIRES DANS TOUTES LES TÊTES
Le PSE d'Air France cristallise les revendications sur l'emploi. Mais celles concernant les salaires ne sont pas en reste : « Depuis 2010, le coût de la vie augmente et on supporte le gel du point d'indice, explique Françoise, conseillère prévention des risques à la mairie d'Aulnay-sous-Bois. Sans compter qu'on se fait traiter de fainéants, qu'on ne sert à rien et on en demande toujours plus aux services publics ! »
Une infirmière de l'hôpital Pitié-Salpêtrière acquiesce. Refusant d'en dire davantage, elle lâche, fatiguée : « On n'en peut plus à l'AP-HP. Je ne me souviens même plus depuis combien de temps nous sommes mobilisés contre le projet Hirsch. »
Des drapeaux CGT de Pôle Emploi, de la Sécurité sociale, des organismes sociaux, des finances publiques, de la Ferc CGT, d'Éduc'action et même de l'Assemblée nationale sont visibles.
Particulièrement nombreux, les salariés de l'AFP dénonçaient le contexte hostile qui est fait à la profession (PSE, projet de loi Macron sur le secret des affaires…), mais aussi « une remise en cause générale de nos acquis sociaux, explique Maria Carbona, journaliste, et déléguée syndicale SNJ CGT. Horaires, RTT, mutuelle, tout y passe. La direction a dénoncé l'intégralité des accords de la convention collective. Le 30 octobre s'ouvre une période de 15 mois de négociation… »
Des badges CGT Axa, Crédit agricole, LCL, CIC, Groupama, Natixis étaient également visibles. « Les salariés des banques sont comme les autres salariés, à ne pas confondre avec les actionnaires, précise Nadia, élue CE CGT et analyste chez BNP Paribas depuis 1979. Je gagne 2 300 euros bruts mensuels sur 13 mois. Cette année, 45 % des résultats de la banque seront redistribués aux actionnaires au lieu de 25 % l'an dernier, et nous, on nous propose 400 euros bruts de prime et pas d'augmentation pérenne. »
En remontant une foule parfois clairsemée, on croise des retraités, des chômeurs, des ballons à l'effigie de nombreuses UL et UD CGT de la région parisienne. Les salariés de Carrefour Market, qui ouvrent le cortège CGT, réclament sur leur banderole d'« augmenter les salaires, pas les actionnaires ».
« Augmenter les salaires, pas les horaires », renchérissent un peu plus loin les salariés du commerce rassemblés autour du Clic-P, la plateforme intersyndicale du commerce de Paris qui bataille contre le travail du dimanche et de nuit.
Alors que Sephora annonçait, le matin même, avoir été plébiscitée par les salariés dans son projet d'ouverture de nuit – désormais autorisé par la loi Macron – Stéphanie, vendeuse au Bon Marché, lâche : « Cet accord signé est de la fumisterie. Les patrons perdaient devant les tribunaux, ils ont simplement demandé au gouvernement de changer la loi et voilà le résultat. »