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LGBT+

Marche des fiertés 2024 : un avenir plus sombre qu’arc-en-ciel

29 juin 2024 | Mise à jour le 29 juin 2024
Par | Photo(s) : PATRICK HERTZOG / AFP
Marche des fiertés 2024 : un avenir plus sombre qu’arc-en-ciel

Pour cette 31e édition de la Marche des fiertés qui a réuni, ce samedi 29 juin 2024, à Paris, 650 000 personnes, l'ambiance était un peu moins à la fête. En cause : la possible arrivée du Rassemblement national à l'issue des deux tours de législatives qui auront lieu le 30 juin et le 7 juillet. Une victoire qui serait synonyme de recul des droits pour les personnes LGBT, dans un contexte d'une hausse accrue des violences à leur encontre.

A 14h15, une foule dense et colorée a envahi l'avenue de Flandre, dans le 19e arrondissement, tout près de la Cité des Sciences et de l'Industrie. Direction place de la République. Après quatre éditions éco-responsables, la Marche des fiertés accueillait de nouveau ses mythiques chars, mais en version électrique. Au son des percussions et de la musique techno, certains étaient très suivis, comme celui du Centre gay et lesbien de Paris, du club de rugby des Coqs Festifs ou encore d'Act Up. Au milieu du cortège, l'intersyndicale CGT-FSU, Unsa, CFDT appelait à se mobiliser dans un contexte où depuis la dissolution « les paroles homophobes et racistes se sont libérées ».

Ce sera peut être notre dernière marche …

Si le mot d'ordre de cette édition est la lutte contre la transphobie, de nombreuses banderoles et pancartes tendaient à prouver que les esprits étaient ailleurs : « Ni le Pen ni sa bande, l’ED nuit gravement aux LGBTQIA+ » ; « Queer rage against racism » ; « Fier.e.s antifa »… « Ce sera peut-être notre dernière marche, il faut en profiter, dit Clémence, 26 ans. Mais l'urgence est de faire front face au Rassemblement national (RN), essayer de préserver ce qui a été gagné. On verra ensuite pour gagner de nouveaux droits. » A la veille du premier tour des législatives qui pourraient voir l'extrême droite arriver au pouvoir, le cœur n'est pas vraiment à la fête chez beaucoup de participants. « Le contexte politique me fait peur », reconnaît Patrick, dont c'est la 30e Marche des fiertés. On aura peut-être l'année prochaine un gouvernement qui décidera des bonnes et des mauvaises manifestations. Je suis venu de Nancy retrouver des ami.e.s, mais aussi pour dire qu'on ne se laissera pas intimider. J'entrerai en résistance, si le RN débarque à Matignon. »

« Il ne faut pas s'y tromper, à chaque fois que l'extrême droite est arrivée au pouvoir en Europe, les droits des personnes LGBT ont reculé »,  James Leperlier, président de l'Inter-LGBT

Car l'inquiétude est bien là dans la communauté LGBTQIA+ (pour Lesbiennes, Gays, Bisexuel·les, Trans, Queers, Intersexué·es et Asexuel·les). En 2022, Marine Le Pen ne parlait plus comme cinq ans auparavant d'abroger le mariage pour tous et d'empêcher l'ouverture de la procréation médicale assistée aux couples lesbiens. Mais elle militait pour un moratoire sur tous ces sujets, y compris sur l'adoption des couples de même sexe. « Depuis, le RN n'en parle plus, il a policé son image, comme sur le racisme et l'antisémitisme, observe James Leperlier, président de l'Inter-LGBT. Du coup, il paraît moins hostile à notre égard, qui plus est, avec plusieurs cadres du mouvement qui se disent ouvertement homosexuels. Mais il ne faut pas s'y tromper, à chaque fois que l'extrême droite est arrivée au pouvoir en Europe, les droits des personnes LGBT ont reculé. »

Une marche éminemment politique

Depuis son élection, la première ministre italienne Giorgia Meloni, tête de liste aux élections européennes de la formation d'extrême droite Fratelli d'Italia, ne se cache pas, par exemple, de vouloir faire la guerre aux familles homoparentales. Le maire de Milan a ainsi reçu une lettre du ministère de l'intérieur lui ordonnant de cesser d'enregistrer à l'état civil les naissances d'enfants de couples homosexuels. « Quant aux couples qui auraient recours à la gestation pour autrui, ils pourraient encourir jusqu'à deux ans de prison et un million d'euros d'amende », ajoute Fabio, qui attend un enfant pour le mois d'août avec son compagnon. « La Marche d'aujourd'hui est éminemment politique, dit celui est parisien depuis dix ans. Le fait de vivre en Europe et dans des démocraties ne garantit plus de voir ses droits préservés. » Christian, lui, arrive du Cameroun. C'est sa première Marche. Il voudrait s'installer en France, il a « envie de se sentir libre dans un pays de liberté ». Mais pas sûr qu'il reste en France avec le Rassemblement national à la tête du pays. « C'est un parti qui divise, qui trie. Chez moi, en tant que gay, on est pourchassé, on subit des violences physiques, morales, familiales. »

La mémoire courte

« Bardella Premier ministre ? Ce serait la preuve que l'on n'a tiré aucune leçon de l'histoire, estime Alice. On a la mémoire courte. Depuis le temps que le RN se rapproche du pouvoir, peut-être faut-il en passer par là… Même si j'ai peur pour ma sécurité. L'homophobie pourrait être plus décomplexée, exacerbée et banalisée. » Selon le dernier rapport de SOS Homophobie, les atteintes envers les personnes LBGTQIA+ ont augmenté de 13 %, en 2023, et les crimes et délits (agressions, menaces, harcèlement) de 19 %, avec près de 3 000 actes recensés.