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PROTECTION SOCIALE

Menaces sur la Sécurité Sociale

25 août 2014 | Mise à jour le 27 avril 2017
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Menaces sur la Sécurité Sociale

La Sécurité sociale voit ses principes fondateurs de solidarité et d’universalité menacés par le désengagement progressif du patronat de son financement. Au profit d'une logique d'assistance pour les plus démunis et d'assurance pour les plus riches. La CGT revendique une réforme de son financement, aux antipodes des solutions libérales prônées aujourd'hui..

Ambroise Croizat, un des fondateurs de la Sécurité sociale1 et du système des retraites en France, était secrétaire général de la Fédération CGT des travailleurs de la métallurgie et Ministre du travail et de la Sécurité sociale de 1945 à 1947.

 

 

« Dans le mur » Chez ce syndicaliste rompu aux questions de protection sociale, la réponse a fusé à peine notre question posée : « Où va la Sécu ? » Qu'il semble loin le temps où l'ancien secrétaire général CGT de la métallurgie, Ambroise Croizat, « père » de la Sécu, déclarait en 1950 : « Jamais nous ne tolérerons que soit renié un seul des avantages de la Sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie cette loi humaine et de progrès. » La Sécu avait alors cinq ans. Sur son berceau, dans son ordonnance du 4 octobre 1945, le Conseil national de la Résistance avait annoncé son ambition :


« La Sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu'en toutes circonstances,
il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance. »

À l'étranger aussi, les jalons d'une protection sociale sont posés. À la fin du XIXe siècle, le chancelier allemand -Bismarck était à l'origine de lois sociales financées par des cotisations partagées entre salariés et employeurs. En 1942, en Grande-Bretagne, Lord -Beveridge initiait un système de protection peu élevé mais universel et financé par l'impôt.

Financée majoritairement par les cotisations sociales, la Sécu française s'inspire plutôt du système bismarckien. Mais son carac-tère universel emprunte aussi au système -Beveridge. Elle repose sur un principe d'obligation (salariés et employeurs y adhèrent) et de solidarité (entre régimes, entre malades et bien portants, etc.). Il existe plusieurs régimes de base : le régime général, divisé en quatre branches (maladie, famille, vieillesse et recouvrement), couvre 80 % de la population ; le régime agricole (Mutualité sociale agricole) et le régime social des indépendants (artisans…). D'autres régimes particuliers (RATP, SNCF, fonctionnaires…) complètent ce paysage.

 LES 4 BRANCHES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE :

1) FAMILLE, 17 % DES DÉPENSES DU RÉGIME GÉNÉRAL (CNAF)

2) Maladie, 50 % des dépenses du régime général, dont 3 % AT/MT (CNAMTS)

3) Vieillesse, 33 % des dépenses du régime général (CNAV)

4) Recouvrement, gestion de la trésorerie de la Sécu, recouvrement des cotisations (ACOSS)

 

LE PATRONAT, UN OPPOSANT DE TOUJOURS

À droite comme à gauche, on s'accorde volontiers à vanter notre système de soins ou à saluer le rôle d'amortisseur de notre système de protection sociale en période de crise. Mais, dans les faits, les déficits de la Sécu apparus il y a une trentaine d'années ont surtout permis au patronat de justifier sa remise en cause. « Depuis le début, il y a eu des forces pour tenter de mettre à bas l'édifice construit par Ambroise Croizat et Pierre Laroque. La Sécu devait par exemple prendre en charge 100 % des soins. Ce n'est pas le cas en raison de la bataille menée par les mutualistes », illustre Denis Lalys, secrétaire de la fédération CGT des organismes sociaux.

LE DÉFICIT COMME PRÉTEXTE

Logique donc qu'aujourd'hui, le déficit de la Sécu largement alimenté par le chômage, la précarité et les exonérations de cotisations, serve de prétexte à ceux qui veulent en finir avec elle. Haro donc sur les « profiteurs ». La Sécu serait condamnée à se réformer sans cesse au détriment des assurés sociaux : déremboursements, franchises médicales, réformes successives des retraites, menaces sur la branche famille…

« Peu à peu, on revient à la situation d'avant-guerre avec la remise en cause du salaire socialisé et de l'universalité du système, dénonce Denis Lalys, le risque est grand d'aboutir à une architecture qui comprendrait un pilier dédié à l'assistanat pour les travailleurs pauvres, un autre pilier de protection obligatoire mais très minimale et un troisième pilier totalement privatisé. L'on se rapprocherait ainsi des objectifs minimalistes que s'est fixés la Commission européenne en matière de protection sociale. »
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LES EXONÉRATIONS FISCALES

La politique d'exonération des cotisations sociales patronales menée depuis plus de vingt ans mine le budget de la Sécurité sociale. Sans profiter à l'emploi.
Dans le cadre du pacte de responsabilité, le gouvernement a accordé aux entre-prises, en plus du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), une nouvelle réduction des cotisations sociales patronales versées à l'Urssaf et à la branche famille de la Sécurité sociale pour un montant d'environ 10 milliards d'euros. (Lire l’entretien avec Eric Aubin).

À vrai dire, cette politique n'est pas vraiment nouvelle puisqu'elle est appliquée dans notre pays depuis plus de vingt ans. Elle a été inaugurée par le gouvernement Balladur, qui a décrété en 1993 l'exonération totale des cotisations sociales famille sur les salaires au voisinage du Smic, pour un coût de 3,4 milliards d'euros. Et poursuivie avec entrain par les gouvernements Juppé, Aubry, Fillon… L'addition a dépassé l'an dernier 27 milliards d'euros, en incluant les mesures « ciblées » en direction des territoires et des publics particuliers. Et plus de 370 milliards d'euros en l'espace de vingt ans !

ALLÈGEMENTS DE CHARGES, QUELLE EFFICACITÉ ?

Pour quelle efficacité ? L'expérience montre que cette politique n'a jamais permis de réduire le niveau du chômage, contrairement au discours de ses promoteurs. Elle a plus sûrement servi à alimenter les marges des entreprises et des dividendes versés aux actionnaires. La Cour des comptes, dans un rapport rédigé en 2006, relève que « les nombreux dispositifs d'allégements de charges sont insuffisamment évalués en dépit de la charge financière croissante qu'ils représentent pour les finances publiques ». En jugeant leur « efficacité trop incertaine pour ne pas amener à reconsidérer leur ampleur, voire leur pérennité ». Les magistrats de la rue Cambon n'ont toujours pas été entendus.
Cette politique constitue en outre une véritable « trappe à bas salaire » puisque la réduction de cotisations est maximale au niveau du Smic. « Est-ce compatible avec l'objectif de montée en gamme de l'économie française ? », interroge Henri -Sterdyniak, de l'OFCE. Et elle fragilise considérablement le financement de la -Sécurité sociale, dont une part croissante est transférée sur l'impôt (les cotisations ne représentent plus que 59 % des recettes du régime général).

200 MILLIARDS D’EXONÉRATIONS PAYÉS PAR LES MÉNAGES

Sachant que les exonérations de cotisations sociales sont compensées à 90 % par le budget de l'État, les ménages paient donc deux fois : par le biais des impôts, d'une part, et de la baisse des prestations, d'autre part. Pour toutes ces raisons, la CGT réclame une remise à plat et une évaluation sérieuse de cette politique d'exonération des cotisations sociales. Et plus généralement de l'ensemble des aides publiques versées aux entreprises, dont le montant avoisine quelque 200 milliards d'euros chaque année. La distribution d'argent public doit être contrôlée et conditionnée à des objectifs mesurables et vérifiables.

Conformément à l'esprit de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui a valeur constitutionnelle : « Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »