14 août 2018 | Mise à jour le 17 août 2018
Alors que l’Aquarius a de nouveau erré en Méditerranée à la recherche d’un port qui le laisserait débarquer les migrants sauvés des eaux, plusieurs ONG dénoncent des violences et des intimidations à l’encontre des bénévoles qui en recueillent d’autres à Calais.
L’Aquarius, le retour. Nouveau refrain d’une ritournelle qui gronde en fond de cale et auquel on pourrait presque s’habituer. Deux mois après avoir provoqué une grosse crise diplomatique, le navire Aquarius avec 141 migrants à bord, recherche de nouveau un port d’accueil en Méditerranée. À nouveau, les pays européens méditerranéens se défaussent les uns après les autres et lui ferment leurs portes. Et vogue la galère pour ces malheureux rescapés entre Malte et l’Italie, à deux pas des plages bondées de vacanciers. Et continue la honte de l’Europe à nouveau mise face à ses contradictions et ses responsabilités. Il aura fallu 4 jours d’errance et de bras de fer pour qu’un accord pionnier autorise le navire à accoster à Malte et prévoit que les 141 migrants soient secourus puis accueillis en France, en Allemagne, au Luxembourg, au Portugal et en Espagne.
Ce navire, affrété par les ONG SOS Méditerranée et Médecins sans frontières, a secouru le 10 août dernier au large de la Libye des migrants, essentiellement originaires de Somalie et d'Érythrée, dont la moitié sont des mineurs et plus d’un tiers des femmes. Mais comme en juin où le bateau avait erré pendant une semaine avec plus de 600 personnes à bord faute de ports où accoster, Malte et l’Italie ont refusé d’accueillir l'embarcation. De son côté, l’Espagne, qui avait accueilli l’Aquarius lors de sa dernière errance, rechigne à se proposer à nouveau arguant que « l’Espagne n’est pas le port le plus proche ». Pour sa part, la France, dont le président Emmanuel Macron avait été vivement critiqué en juin pour ne pas avoir accueilli l’Aquarius, estime elle aussi que ses ports ne sont pas les plus proches. Des discussions seraient en cours avec les autres pays méditerranéens de l’UE pour trouver rapidement un port d’accueil. Mais pas un mot sur les propositions du port de Sète (Hérault) et de la Corse.
Devoir d’humanité
« C’est la dimension humanitaire qui doit prévaloir, il s’agit de sauver des vies, des familles » , a soutenu l’ancien ministre communiste Jean-Claude Gayssot, président du port de Sète, alors que chacun se renvoie la balle. « La France doit prendre ses responsabilités dans la crise migratoire et autoriser sans délai l'entrée de l'Aquarius dans ses ports» , a réagi la CGT, le 14 août, jugeant le comportement du gouvernement français dans ce contexte « inhumain, cynique et inacceptable » et dénonçant « les agissements des gouvernements européens qui font des migrants des objets d'une stratégie politicienne ».
Et de continuer : « dans un pays qui se targue d’être la patrie des droits humains, il n'est pas concevable de refuser à des personnes en détresse, qui ont été secourues en haute mer, l'accès à la terre ferme, à des soins médicaux et à une prise en charge administrative respectueuse de leurs droits» . Dans un contexte européen où l’immigration est devenu un sujet de crispation majeure et où la droite dure impose sa ligne contre les migrants, la question d’une véritable politique migratoire commune – bien qu’ayant miné l’été des dirigeants européens – ne semble pourtant pas prête d’aboutir.
Humanitaires sous pression policière
Les choses vont même se compliquer du côté des bénévoles qui œuvrent à sauver et à aider les migrants. Gibraltar vient par exemple d’annoncer qu’il allait retirer son pavillon à l’Aquarius après lui avoir demandé de suspendre ses activités de sauvetage, pour lesquelles il n’est pas enregistré dans le territoire britannique. SOS Méditerranée a dénoncé « une manœuvre politique du gouvernement de Gibraltar » visant à « entraver son action de sauvetage ». Des pressions que les bénévoles de Calais connaissent bien.
Moins médiatisés alors les regards sont tournés vers la Méditerranée où une majorité de vacanciers européens sont en vacances, ils n’en dénonçaient pas moins dans un rapport transmis le 14 août au défenseur des droits des « violences policières excessives » et « l’intimidation » des CRS envers les bénévoles. Les associations fustigent « la systématicité et la persistance du harcèlement des volontaires » qui « interrogent fortement sur le dévoiement de l’utilisation par les forces de l’ordre des moyens de coercition ». Les associations dénoncent régulièrement des « violences policières » envers les migrants mais c’est la première fois qu’elles pointent de la sorte le harcèlement qu’elles disent subir.