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Santé au travail

Monsanto condamnée... la France empêtrée dans le glyphosate

16 août 2018 | Mise à jour le 21 août 2018
Par | Photo(s) : Jean-François Monier / AFP
Monsanto condamnée... la France empêtrée dans le glyphosate

Un agriculteur manipule un sac de Roundup pour préparer une pulvérisation

Alors que l'Europe prolonge l'autorisation du glyphosate pour cinq ans et que le gouvernement français tergiverse à réduire cette période à trois ans, la victoire d'un jardinier contre Monsanto, confirme la dangerosité du Roundup et atteste d'un scandale sanitaire.

C'est la victoire de David contre Goliath. Dewayne Johnson, un jardiner californien de 46 ans atteint d'un cancer à qui les médecins n'accordent plus que deux ans d'espérance de vie, a obtenu le 10 août dernier de la justice américaine une condamnation de la multinationale Monsanto – récemment rachetée par Bayer- à lui verser 289 millions de dollars. En cause, les herbicides auxquels l'intéressé a été exposé dans son travail sans avertissement de danger ; le Roundup et le Ranger Pro.

La décision ne tombe pas vraiment au mieux de l'actualité pour le gouvernement français, empêtré dans ses déclarations contradictoires sur l'interdiction initialement annoncée pour dans trois ans par Nicolas Hulot, puis repris par le ministre de l'Agriculture et Emmanuel Macron, lui-même, sur cette échéance qui ne serait qu'en 2021…. Pourtant, ce sont des milliers de salariés, notamment, de la production agricole qui sont exposés à ce produit en France.

Le principe de précaution foulé aux pieds

Bien que le jugement soit frappé d'appel Jocelyne Hacquemand, économiste de la Fédération CGT de l’agro-alimentaire et de la forêt (FNAF) se félicite de la décision juridique prise outre-Atlantique, et déplore que le principe de précaution ne soit pas appliqué. « C'est la première décision de justice qui reconnaît directement l'impact du glyphosate sur la santé et c'est très important. Par ailleurs, nous pensons qu'il y a un problème puisque le Centre international de Recherche contre le Cancer classe le glyphosate comme cancérogène probable. Cela questionne aussi sur le processus de mise sur le marché de tels produits, car il n'y a pas d'études sur l'impact à long terme sur la santé des salariés et l'environnement. C'est donc potentiellement un scandale du même type que ce qui s'est produit sur l'amiante.»

Le profit ou la santé

Pour la FNAF CGT, il faut donner les moyens à la recherche agronomique française, et notamment à l'INRA (Institut National de Recherche Agronomique) pour développer des produits de protection des végétaux respectueux de la santé des utilisateurs et de la population. L'UE, qui a récemment donné le feu vert au rachat de Monsanto par Bayer, a permis qu'au niveau mondial trois multinationales se partagent aujourd'hui 75% du marché des pesticides et un maximum de brevets. Une monopolisation qui favorise un type de développement industriel qui entre violemment en conflit avec les enjeux de l'environnement, de la biodiversité et de la santé publique.

Une reconnaissance encore difficile

Mais si l'affaire Dewayne Johnson est de nature à faire réfléchir les multinationales, il n'en demeure pas moins que la reconnaissance de l'utilisation de Roundup comme produit étant à l'origine d'une maladie professionnelle se heurte toujours à des obstacles dans notre pays. La maladie de Parkinson et le lymphome non hodgkinien sont inscrits au tableau des maladies professionnelles agricoles, mais très peu de procès ont été intentés sur ce terrain, et le lien entre l'exposition et la pathologie demeure difficile à établir.

Une multiplication des procédures judiciaires au cours de ces prochains mois pourrait sans doute changer la donne en faisant évoluer la jurisprudence. Dans cette attente, les décisions du gouvernement quant à l'interdiction du glyphosate seront sans-doute un indicateur de la réalité de son attachement aux les enjeux de santé publique… ou à l'image des décisions européennes de son degré de perméabilité vis-à-vis de l'influence des lobbies des firmes agrochimiques.