
Dossier 137, un film qui joue sur les contrastes
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Nadir Dendoune, journaliste, écrivain et réalisateur, le 16 mai 2018
Quand mon père, malade d'Alzheimer, a été placé dans une maison de retraite, ma mère, qui en avait gros sur la patate, me parlait beaucoup. J'ai commencé à la filmer, dans l'idée de laisser une trace. Les témoignages comme ceux de ma mère sont rares. Qui peut mieux parler de l'exil qu'un exilé ? Son pays ne l'a jamais quittée. Quand elle est venue me voir en Australie, la chose qu'elle a retenue, c'est que les figues poussent en avril, alors qu'elle en mangeait en juillet en Algérie.
Ma mère est avant tout une femme. Mon film évoque l'exil, mais aussi l'amour entre une mère et ses enfants, entre une femme et son mari. Je pensais être un fils de prolo. En réalisant ce film, j'ai pris conscience que je suis un fils de paysan. Pour ma mère, le plus gros déracinement n'est pas tant d'avoir quitté son pays pour la France, que d'avoir quitté son village pour la ville. Un exode qui parle à beaucoup. Ma mère, qui ne sait ni lire ni écrire, parle des classes sociales, alors que les partis politiques, aujourd'hui, sont obsédés par la question identitaire.
Mes parents ne nous en ont jamais parlé, ils ne voulaient pas qu'on ait la haine. C'est quand j'ai commencé à lire que j'ai découvert la torture, les milliers de morts… Plus jeune, j'en ai voulu à mon père d'être venu sur la terre des anciens colons quémander du pain. Après, j'ai compris que mes parents s'étaient sacrifiés pour leurs enfants. Ma génération s'est construite sur leur silence, il n'y a rien de pire. Je n'ai pas à dire merci à la France plus qu'un autre. C'est en partant en Australie que je suis devenu Français. Là-bas, les gens ne faisaient pas la différence entre Guillaume Canet et moi !
« Pour venger ma race », comme dit Annie Ernaux, en référence à sa condition de femme et à ses origines sociales. J'ai commencé à écrire, puis à faire des films, car j'en avais ras-le-cul d'être dépossédé de mon histoire, de voir ma classe, mes origines ethniques dénigrées sans cesse. L'école de journalisme m'a fait perdre mon double complexe de classe et de fils de colonisés. Avant, j'étais persuadé que les pauvres n'avaient pas le droit d'écrire.
J'en n'ai rien à foutre d'avoir trois passeports, français, algérien, australien. Je me définis d'abord comme un banlieusard qui vit en Seine-Saint-Denis. Je suis fier que mes livres, mes films soient lus et vus par les habitants des quartiers populaires. La plupart des films qui ont pour décor ces quartiers, ne leur parlent pas. Idem pour les théâtres de banlieue, mais personne ne se remet en cause. Aujourd'hui, le mot « pauvre » est péjoratif ! Moi, je suis fier d'être un fils de prolo. Je me sens plus proche de quelqu'un né dans les quartiers populaires, quelle que soit son origine, que du fils de l'ambassadeur du Maroc. Quand tu es né dans un quartier populaire, si tu as le malheur d'être moyen, t'es mort !
Des figues en avril : le 16/06 à Marseille ; le 19/06 à Angers ; le 25/06 à Chambéry… Infos sur : facebook.com/DesFiguesenAvril/
Article paru dans le no 109 de juin 2018 d'Ensemble
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