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Il ne se veut ni porte-parole, ni modèle, mais peut-être l'exception qui confirme la règle. Nadir Dendoune chronique dans Nos rêves de pauvres la métamorphose d'un enfant des cités.
De quelle étoffe nos rêves sont-ils faits ? Ceux du petit Nadir vont-ils se limiter au béton de la Cité Thorez où il grandit ? Petit dernier d'une famille très modeste, une famille unie, de belles rencontres et une saine colère vont le faire quitter le parcours tout tracé d'un gamin de banlieues aux parents illettrés pour bâtir un chemin d'exception.
Pourtant, le gamin part avec plus d'un handicap : « Je devais être très jeune, pas plus haut que trois figues, quand les mots ont commencé à faire la grève ». Affligé d'un bégaiement qui ne lui facilite ni le contact, ni la scolarité, Nadir Dendoune l'affirme, il aurait pu mal tourner.
Ce qui l'a sauvé : des rencontres, comme celle de Salah, un voisin, qui va laisser tomber sa belle situation d'ingénieur pour devenir animateur de quartier et donner une immense ouverture à des gosses en friche.
Puis une amourette qui va pousser Nadir ado à vouloir retrouver sa belle partie en Australie, et plus tard la rencontre avec la belle Nedjma « une intello » rencontrée « à une soirée distinguée où tout le monde faisait des longues phrases sans virgule et sans point final ».
Mais aussi des hasards, comme ces militants communistes insistants qui viennent vendre l'Humanité dimanche en porte-à-porte à la famille Dendoune et à qui il « était difficile de dire non : c'étaient des prolos comme nous et ils habitaient la cité ». Cette lecture, d'abord très difficile va ouvrir les yeux du jeune homme « sur les mécanismes du monde ». Il s'y forge une culture et une conscience politique qui ne le quitteront plus et lui donneront plus tard l'énergie de se battre pour entreprendre des études de journalisme.
Autre moteur, une immense colère contre le mépris de la société envers ses parents, un couple d'immigrés kabyles comme il y en eu tant dans les années d'après-guerre. Mohand, le père d'abord venu seul qui va vivre dans un bidonville et trimer pour faire venir sa femme et ses premiers enfants. Avec son épouse, Messaouda, il en élèvera neuf. « Avec tous les Français qu'il a mis au monde et élevés, Mohand Dendoune mériterait la Légion d'honneur pour service rendu à la Nation » écrit fièrement son fils.
Après quelques rudes années de collège où Nadir ressent la grande violence des inégalités sociales, c'est en intégrant le Centre de Formation des Journalistes « un peu par hasard » qu'il va retrouver l'envie de travailler et de se cultiver. « Plus armé intellectuellement, j'ai mieux compris mon histoire et celle de mes parents ».
Nadir Dendoune va se fixer des défis incroyables, comme celui d'être le premier maghrébin au sommet de l'Everest, ce qu'il réalisera et relatera dans ce mélange de colère et d'humour qui le caractérise dans le livre Un tocard sur le toit du monde, adapté au cinéma (L'Ascension)
N'ayant jamais oublié d'où il vient, Nadir Dendoune sait où il va, humainement, intellectuellement, politiquement. L'ensemble des chroniques qui composent ce récit où la tendresse pour sa famille, la rage contre le racisme ordinaire et l'exclusion sociale sont contés avec une grande justesse et un style qui oscille entre précision et verve populaire se lit avec un vrai plaisir.
L'auteur a aussi signé le documentaire Des figues en avril, magnifique et touchant portrait de sa mère, symbole de toutes celles à qui on ne donnait jamais la parole.
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