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Interdit en salles dans son pays et premier film kenyan sélectionné au Festival de Cannes, Rafiki est une histoire d'amour lesbien qui dénonce l'homophobie dans une société conservatrice et religieuse. L'œuvre n'est pas sans maladresses, mais l'énergie du récit l'emporte.
Il y a, dans Rafiki, deux affaires. La première est celle d'un film qui raconte dans une version pop, acidulée et métropolitaine une histoire d'amour entre deux lycéennes ; la deuxième est celle qui en tant que plaidoyer contre l'homophobie lui vaut d'être interdit de diffusion par la commission de censure kényane. Motif : « son thème homosexuel et (…) son but évident de promouvoir le lesbianisme au Kenya, ce qui est illégal et heurte la culture et les valeurs morales du peuple kényan ». Pour lui permettre de briguer une nomination aux Oscars, la justice a fini par lever la censure sur le film, qui pourra être vu du 21 au 30 septembre par « des adultes consentants ».
Rafiki signifie ami en Swahili. C'est comme ça que les gays et lesbiens nomment pudiquement leur partenaire au Kenya. Histoire de ne pas heurter. Car cela heurte et reste même interdit. Le titre du film donne le ton du récit. De nos jours, à Nairobi, Kena et Ziki, deux lycéennes — que tout oppose sur l'échelle sociale et culturelle — tombent amoureuses alors que leurs pères, candidats aux élections, font campagne l'un contre l'autre dans un quartier animé de la capitale. Inspiré du roman ougandais de Monica Arac de Nyeko, Jambula Tree, le scénario est en fait classique : un jeune amour interdit et contrarié sur fond d'affrontement des clans familiaux.
La mise en scène prend le parti d'un traitement énergique, d'une photographie colorée, d'un montage parfois proche du clip musical sur fond de décor néoréaliste. Wanuri Kahiu, passée par l'université américaine UCLA, a aussi eu le courage de ne pas totalement éluder les séquences amoureuses. Il y a dans son film un défilé de tenues et de maquillages acidulés, l'amorce de petites chorégraphies de rue, mais aussi la vie quotidienne avec les parties de foot sur un terrain vague, les déambulations entre les séries de linge qui sèchent, les rencontres au bouiboui du coin, carrefour obligé des ragots. La dimension familiale revêt également une épaisseur et contourne bien des clichés. C'est un des points forts du film, qui ne caricature pas les personnages. Si les parents, en général, condamnent cette relation amoureuse, ils ne sont pas non plus totalement enfermés dans cette posture. A l'inverse, la peinture de la religion institutionnelle fait, elle, froid dans le dos.
Si le récit prend parfois des accents sirupeux, il impose un vrai relief dès lors que la crise survient, dès lors que le couple doit faire face au regard des autres. Le ton change : l'optimisme, les rêves, les espoirs en ont pris un coup.
Rafikide Wanuri Kahiu, 1 h 23. Sortie nationale : le 26 septembre 2018
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