Les entreprises sous emprise de la finance
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Après avoir réduit de 20% les effectifs de la Banque de France entre 2016 et 2020, le Gouverneur qui la dirige, François Villeroy de Galhau, prévoit une nouvelle vague de 1000 suppressions d'emplois d'ici 2024. Alors que 18 000 agents y travaillaient dans les années 90 – et encore 14 000 agents en 2005 –, ils ne seraient plus que 8 700 d'ici trois ans. Informatisation, numérisation…
La tendance est inéluctable et se marie bien avec celles de privatisation, d'individualisation et de dégradation, car au-delà des postes non remplacés, c'est bien un service dégradé que subiront les usagers qui n'auront pas le matériel ni les compétences requises pour sauter le pas de la dématérialisation en cours.
« Les conséquences de ces suppressions de personnel sur les relations avec les usagers, qu'il s'agisse des particuliers ou des entreprises, seront catastrophiques, prédit Fabienne Rouchy, secrétaire générale de la CGT Banque de France. On sait très bien que le recours au numérique prôné par nos dirigeants ne remplacera jamais le contact et l'expertise humaine des agents du service public. »
Parmi le millier d'emplois supprimés, 600 le seront en effet dans le secteur tertiaire de l'institution. Or, dans l'ère post-pandémie, la Banque de France constituera un outil indispensable à la reprise économique. Pour les usagers, d'abord, qui seront de plus en plus nombreux en situation de surendettement et devront parfois recourir à la procédure du « droit au compte » (bancaire) en raison du chômage.
« Alors que les effets de la crise perdurent, il ne peut être exclu qu’en 2021 de plus en plus de ménages voient leur situation financière fragilisée, voire basculent vers une situation de surendettement », reconnaissait le ministre de l'Économie et des Finances dans le Journal Officiel du 25 mars. Mais pour les entreprises aussi, les services de la Banque de France sont utiles. Suite à la crise de 2008, la médiation du crédit assurée par l'institution a permis de sauver 400 000 emplois (soit environ 40 fois les effectifs actuels de l'institution). Or, après un an de crise sanitaire, le nombre des dossiers déposés a déjà été multiplié par 14 et les sollicitations des entreprises affluent.
L'autre inquiétude concerne la suppression de 400 postes dans les effectifs du secteur fiduciaire, c'est-à-dire les personnels qui gèrent le tri et la délivrance de la monnaie et des billets – moyens de paiement gratuits et sûrs pour tous. Le gouvernement de la Banque de France prétend en privatiser la gestion dans 13 points du territoire sur 37, où ses caisses fermeraient au profit de Stocks Auxiliaires de Billets gérés par les sociétés privées Brink's ou Loomis.
« C'est clairement une démarche de sous-traitance d'un service public par des entités privées qui seront rémunérées par l'institution, regrette la syndicaliste. Or, pour nous, cette mission, tout comme les implantations et les agents de la Banque de France, jouent un rôle irremplaçable au service des usagers et des territoires, dans l'exercice de leurs droits légaux en matière de lutte contre l'exclusion financière et de lutte contre l'exclusion du crédit aux entreprises. »
Avec ce dernier plan – « Construire ensemble 2024 » – la Banque de France aura perdu 50% de ses effectifs en moins de 20 ans. Alors que l'institution dégage en moyenne 6 milliards d'euros d'excédent par an depuis 10 ans, comment expliquer la logique comptable qui réduit le service public et s'oppose à l'intérêt général pourtant si souvent invoqué en ces temps de désastre sanitaire ?
« Il n'y a aucune justification, répond Fabienne Rouchy, c'est le crédo du libéralisme absolu, il faut réduire la masse salariale, point. » En vue du CSE central du 15 avril où les élus seront consultés sur ces mesures, la CGT – premier syndicat de l'institution – se mobilise.
Elle lance un appel à la grève des personnels et en appelle plus largement au moyen d’une pétition en ligne aux représentants du personnel, aux associations de consommateurs et d'usagers, aux associations d'élus locaux et aux représentants des TPE/PME pour exiger un débat sur l'avenir des missions de la Banque de France et un moratoire immédiat sur les suppressions d'emploi prévues.
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