Simon Delétang, planches de salut
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Lorsqu'on pénètre dans la salle enfumée, on craint les quintes de toux, mais dès que Rosa Luxemburg surgit dans le brouillard comme un fantôme, on l'écoute en silence. À la veille d'être assassinée par un soldat et jetée à l'eau un 15 janvier 1919, elle nous conte sa vie et ses batailles.
« Je suis vieille et ils me jettent à terre. Ils me traînent sur le sol. La peau écorchée. Les soldats rient. L'un d'entre eux brandit l'une de mes chaussures en riant. Ils jettent mon corps dans le canal. Je coule. Ils disent “Voilà la vieille salope qui nage maintenant”. Comme une pierre au fond de l'eau. » Le texte de Filip Forgeau – un long poème à la gloire de la révolutionnaire – est magistralement porté par Soizic Gourvil, qui incarne une Rosa contemporaine, en jean et sweat à capuche.
Au fil des mots qui claquent, on suit ses combats pour la liberté. On découvre une Rosa intime, petite fille boiteuse et « juive méritante », qui quitte à peine adulte la Pologne pour mener bataille en Allemagne. Laissant sa famille, dont les membres sont représentés par des ballons rouges qui s'éclairent dans la pénombre du plateau, désemparée face à ses choix de vie. Une femme qui aime à pleine chair ses amants et qui se désole de ne pas avoir eu d'enfants.
Pointe sans cesse la rebelle, assoiffée de savoirs, qui enrage face aux injustices du monde, pacifiste, mais déterminée : « Rien ni personne n'empêchera ma pensée d'être libre. Aucun chien, aucun soldat, aucun maître. La main qui te caresse pour te faire remuer joyeusement la queue, mords-la jusqu'au sang ! »
Rosa la rouge fustige encore et toujours le nationalisme qui n'est qu'une « illusion, une régression, qui mènera au fascisme » et « au nazisme ». Anachronisme ? Hagiographie ? Qu'importe, la force du poème, par moment slamé par la comédienne, nous transporte dans la vie d'une femme hors du commun et au final dans les combats pour la liberté et les fureurs réactionnaires, au-delà d'une époque.
Rosa Liberté, texte et mise en scène de Filip Forgeau.
Jusqu'au 27 mars à l'Épée de bois – route du Champ de Manœuvre – Paris 12e.
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