22 janvier 2021 | Mise à jour le 21 janvier 2021
La photographe et militante Joss Dray revient, avec son dernier livre sur l'histoire du camp de réfugiés palestiniens de Jénine en Cisjordanie occupée, à travers des textes en français et en arabe, et ses photos et celles des habitants, à l'issue d'ateliers de création artistique.
« Tout au long du débat sur le maintien ou non du statu quo dans les camps de réfugiés, l'individu palestinien est invisible. Ce merveilleux livre de photos de Joss Dray rendra visible cet individu en tant qu'être humain vivant sa vie quotidienne et en tant qu'acteur politique de la résistance contre le projet colonial israélien, en tant que réfugié et citoyen », écrit avec beaucoup de justesse le sociologue palestinien Sari Hanafi dans un texte introductif au livre de la photographe Joss Dray Revenir à Jénine.
Joss Dray a commencé à photographier la Palestine et le peuple palestinien en 1987, l'année du début de la première Intifada, quarante ans après l'exil forcé de la majorité du peuple palestinien de sa terre par les forces devenant en 1948 armée israélienne, et la dépossession de leur territoire. Et vingt ans après le début de l'occupation de la Cisjordanie, de Jérusalem-Est, et du petit territoire de Gaza. Plusieurs générations connaissent alors, déjà, l'exil ou l'occupation et la colonisation. Et la jeunesse palestinienne, malgré la répression, invente de nouvelles formes de résistance. C'est le début de l'Intifada -littéralement « soulèvement »- des pierres, contre une armée d'occupation sur puissante.
Photographier la vie
Très loin du spectaculaire qui anime certains, Joss Dray s'attache à comprendre la vie des femmes et des hommes qui vivent et résistent en Palestine. Elle donne à voir et à comprendre les comités populaires qui, clandestinement, organisent l'éducation pour les enfants dont l'armée israélienne a fermé les écoles, ou la culture de tomates sur les toits de tôle des camps de réfugiés. Elle photographie les enterrements de celles et ceux qui se sont tombés, mais aussi les préparatifs de mariage des autres, car tous veulent continuer de vivre, de rester sur leur terre, en dépit de l'occupation et des conditions de la Résistance. Elle conjugue une grande exigence professionnelle et une vraie sensibilité à l'Autre, dans le respect de chacune et de chacun. Elle dira, plus tard, que c'est en Palestine qu'elle est réellement devenue photographe.
En juin 2002, elle est à nouveau en Palestine qu'elle connaît alors intimement. L'armée israélienne a réenvahi les villes et les camps dont les accords d'Oslo pour un processus de paix avaient pourtant scellé l'autonomie, jusqu'à ce qui devait être l'indépendance de l'Etat de Palestine dans le respect du droit du peuple palestinien à l'autodétermination. Les bombardements et les bulldozers ont rasé, notamment, le camp de réfugiés de Jénine, en Cisjordanie occupée.
Solidarité et création
Joss Dray organise alors une « mission civile de protection du peuple palestinien ». C'est en fait la 25ème mission de militantes et militants de la solidarité. 25 artistes, créateurs, journalistes participent à cette mission, « déterminés à créer sur les décombres ».
Commencent des ateliers avec la population du camp autour de la mémoire de celui-ci, et de celle d'Arna Meir-Khamis, « juive palestinienne » comme elle se définissait, qui y était engagée auprès des enfants. Pour les Palestiniens, lutter contre leur effacement de l'histoire comme de la géographie participe de leur Résistance. Naîtront une exposition « Mémoire de Jénine », une sculpture, « Le Guetteur » et un film, « Le petit peuple des guetteurs », réalisé par son fils Samuel Albaric, qui avait alors une vingtaine d'annés.
En 2017-2018, avec des habitants du camp, elle met en place des ateliers de photographie et d'écriture et crée avec une vingtaine d'habitants l'exposition « La Liberté commence ici ».