Plan de relance : la solidarité européenne à l’épreuve
Les 27 États membres de l’UE ont finalement abouti à un accord le 21 juillet pour un plan de relance de leurs économies frappées par la pandémie. Lire la suite
Le 21 juillet dernier, les chefs d'État et de gouvernement européens s'accordaient, après d'âpres négociations, sur un plan de relance de 750 milliards d'euros destiné à surmonter la crise sanitaire. En jeu : la répartition entre les subventions accordées au nom de la solidarité, européenne, que souhaitaient limiter les pays dits « frugaux » (Pays-Bas, le Danemark, Suède, Autriche) et les prêts remboursables.
L'accord de la chancelière Angela Merkel quant au principe d'une dette commune européenne avait finalement permis d'aboutir à un compromis. Et le plan européen va ainsi financer des programmes nationaux dans l'ensemble des États membres, sous forme de subventions (390 milliards d'euros) et de prêts (360 milliards d'euros).
De fait, l'Allemagne a subi, avec la crise sanitaire, une très importante chute d'activité, perdant 9,7 % sur un an, avec une augmentation du taux de chômage (à 6,4 %), l'amenant à abandonner les règles de rigueur budgétaire et à accepter le principe des subventions de l'Union européenne (UE). Par ailleurs, Berlin devait contracter des dettes de l'ordre de 217,8 milliards d'euros en 2020 et de 96,2 milliards en 2021.
Mais les fonds européens alloués dépendent d'une procédure européenne stricte en matière de contrôle des politiques économiques des États concernés. Ainsi, la procédure de supervision des politiques macro-économiques, dite « Semestre européen » (les États devant expliciter leurs orientations sur les réformes structurelles, les politiques budgétaires et la prévention des déséquilibres macro-économiques), est-elle renforcée.
Pour recevoir les fonds de l'UE, les États devront soumettre leur plan à la Commission, laquelle devrait décider de leur conformité à ses recommandations ainsi qu'à l'orientation d'une partie des financements sur deux domaines : 37 % des dépenses devront être consacrées à la transition écologique et 20 % à la transition numérique.
Avant de lever un tel emprunt, la Commission européenne devra y être autorisée par l'ensemble des parlements nationaux. Les plans devraient être présentés à la Commission à partir du 15 octobre et au Conseil de l'Union européenne pour validation.
Si un État membre considère qu'un plan national ne respecte pas les critères définis, il peut demander la saisine du Conseil européen, alors que certains « États frugaux » réclamaient initialement un droit de véto.
De son côté, le Parlement européen considère le budget pluriannuel de l'UE insuffisant, dénonçant notamment des coupes claires aux programmes pour l'éducation (Erasmus) et la recherche.
Mais il souhaite aussi que les subventions du plan de relance soient liées au respect par les gouvernements des traités et de l'état de droit.
Or, deux États s'y opposent, la Hongrie et la Pologne, en dépit de leurs besoins financiers. Ces deux États sont membres du groupe dit de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie), qui s'opposent aussi à tout accueil de réfugiés.
La Hongrie et la Pologne font déjà l'objet de procédures de l'UE suivant l'article 7 du traité de l'Union (lancée par la Commission contre la Pologne en décembre 2017 et par le Parlement contre la Hongrie en septembre 2018), au nom d'un risque clair de violation grave des valeurs de l'UE (mise en cause de l'indépendance de la justice, de la presse…).
Ces deux pays menacent dès lors de ne pas ratifier le plan de relance — ce qui en suspendrait la mise en œuvre — s'il est conditionné au respect de l'état de droit.
Or, la Commission européenne a dévoilé, fin septembre, un premier rapport sur le respect de l'état de droit dans chacun des États membres de l'UE, qui concerne en particulier l'indépendance de la justice, la lutte contre la corruption, le pluralisme, la liberté de la presse, l'équilibre des pouvoirs et le respect de la société civile.
Il confirme les « inquiétudes » européennes sur les conséquences des réformes de la justice sur l'indépendance des magistrats en Hongrie et en Pologne, ou encore sur l'indépendance du système judiciaire en Bulgarie, Roumanie, Croatie et Slovaquie. Il met aussi en cause l'efficacité des enquêtes, poursuites et jugements concernant les affaires de corruption en Hongrie, en Bulgarie, en Croatie, en Slovaquie, en République tchèque et à Malte. Il s'inquiète de menaces contre l'indépendance des médias en Hongrie, en Pologne, en Bulgarie et à Malte, des attaques contre des journalistes en Bulgarie, en Croatie, en Hongrie, en Slovénie et en Espagne et de « graves difficultés » subies par les ONG en Bulgarie, en Hongrie et en Pologne.
Dans ce contexte, l'Allemagne, qui occupe la présidence tournante de l'UE, a proposé un compromis qui consiste à suspendre, ou à restreindre, le versement des fonds européens à un État membre si les violations de l'état de droit « affectent d'une façon suffisamment directe la bonne gestion financière du budget de l'UE ou la protection des intérêts financiers de l'Union ».
Une conditionnalité a minima, donc.
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