Pour une poignée de dollars
Après avoir fait entendre, pendant près de 3 ans, leur cri de ralliement « Fight for $15 » (battez-vous pour 15 $), les travailleurs du secteur de la restauration rapide laissent déferler leur joie sur les réseaux sociaux depuis le 22 juillet. Le dernier obstacle avant la ligne d'arrivée venait d'être franchi: le comité sur les salaires dans l'industrie de la restauration rapide publiait ses conclusions sur la question d'un salaire minimum dans le secteur, pour l'État de New York.
Dans son rapport de 21 pages, le comité souligne « qu’il y avait peu de place pour le doute étant donné le volume et la constance des témoignages des travailleurs de la restauration rapide, et des données apportées par les experts : les salaires dans le secteur sont trop bas. » Le comité recommande l’augmentation du salaire minimum au sein des chaînes de fast-food à 15 $ d’ici à 2018, pour la ville de New York, et 2021 pour le reste de l’État.
Si les villes de Chicago, Los Angeles ou encore Seattle ont déjà franchi le pas avec des salaires minimums de 13 à 15 $, à atteindre d'ici les prochaines années, une telle mesure, sur l'ensemble de l'État de New York, toucherait près de 180 000 travailleurs.
« C’est un superbe exemple d’un point de vue social, au niveau de la solidarité, souligne Gilles Bombard, secrétaire générale du syndicat CGT de McDonald’s Paris – Île-de-France. Il fallait quand même la mener, cette lutte ! »
UNE AVANCÉE SOCIALE PLUS QUE LÉGITIME
C’est une avancée substantielle pour des milliers de travailleurs et leurs familles, bien souvent contraints de jongler entre plusieurs emplois pour joindre les deux bouts, à l’exemple de cet homme, cité dans le rapport : asthmatique, ses revenus ne lui permettaient pas d’acheter un inhalateur. Autre exemple avec cette mère de famille, gagnant moins de 200 $ et dont le loyer, pour une maison partagée avec des inconnus, s’élève à 125 $. Son témoignage, dans lequel elle raconte que son bébé ne porte pas de couches – elle doit choisir entre acheter des couches ou de la nourriture –, est également cité.
« Ils ne vivent pas, ils tentent de survivre », décrit Amel Ketfi, secrétaire CGT à la fédération des commerces, en charge de la restauration rapide. Au cours de leur lutte, Amel Ketfi a pu rencontrer ces travailleurs à plusieurs reprises. « Avec 8,75 $ de l’heure, ils sont obligés de cumuler 3 voire 4 emplois à temps partiels, parfois dans une même enseigne, pour arriver à la fin du mois à devoir choisir entre payer un ticket de métro, à manger ou une facture. »
Temps partiels imposés, emplois du temps variables du jour au lendemain, couverture sociale faible, voire inexistante, absence de pourboires – qui permettent souvent aux employés de la restauration traditionnelle aux États-Unis de doubler, voire tripler leur salaire, et ainsi atteindre un certain revenu minimum : autant de critères qui ont poussé le comité sur les salaires à faire valoir les demandes de ces travailleurs.
LE SECTEUR PEUT ABSORBER CETTE AUGMENTATION
Pour appuyer sa décision, le comité relève que le salaire moyen des PDG de ces chaînes de fast-food s'élevait à 23,8 millions de dollars en 2013 ; que ces chaînes avaient distribué 5,1 milliards de dollars de dividendes entre 2010 et 2014, auxquels s'ajoutent 5,7 milliards consacrés au rachat d'actions.
« Les profits considérables et croissants dégagés par les entreprises de restauration rapide ainsi que les salaires énormes alloués à leur PDG laissent à penser, explique le comité, que le secteur est en capacité d'absorber une augmentation d'ampleur des revenus des travailleurs. »
Un signal fort, pour Gilles Bombard : « Si aujourd’hui, on reconnaît qu’un salarié de la restauration rapide est en mesure de recevoir un salaire de 15 $ de l’heure, c’est que ces entreprises ont les moyens de payer un tel salaire, explique-t-il. S’il est possible, comme le prouve l’État de New York, de rémunérer à 15 $ de l’heure les salariés, alors, il n’y aurait aucune raison, logiquement, pour que nous, salariés de la restauration rapide en Europe ou en France, ne puissions pas prétendre à la même chose. »
CETTE MESURE POURRAIT FAIRE DES ÉMULES
La publication de ces recommandations devrait permettre au gouverneur de l'État de New York, Andrew Cuomo (démocrate), largement favorable à cette augmentation, d'entériner la mesure. Il a d'ailleurs reçu, depuis, le soutien de Hillary Clinton. Mais, fédéralisme oblige, cette mesure ne s'appliquera que dans cet État.
C'est d'ailleurs la principale critique à l'encontre de cette mesure, elle ne s'applique qu'aux travailleurs de la restauration rapide de l'État de New York. De plus, seules les enseignes dénombrant au moins 30 restaurants à travers le pays sont concernées. C'est le cas, par exemple, de McDonald's, bien sûr, mais aussi de Starbucks, KFC, Domino's Pizza ou encore Ben & Jerry's.
« Pour faire plier tout le secteur, il faut cibler le plus grand employeur du secteur et le plus sournois », explique Amel Ketfi, avant de pointer du doigt la marque « aux arches dorées ». Quant aux autres secteurs d’activité, comme les travailleurs plus qualifiés mais moins payés du milieu pharmaceutique, Amel espère que cette victoire « les incitera à se battre […] S’ ils ont été capables de faire plier une première fois, il ne faut rien lâcher et lever tous les autres verrous. »
Les arguments avancés par le comité, selon lesquels une augmentation du salaire minimum permettra d'économiser l'argent du contribuable, en faisant sortir des milliers de travailleurs pauvres d'une dépendance à l'aide publique, et permettra de créer des emplois en relançant le pouvoir d'achat de ces travailleurs, pourraient cependant faire des émules dans le reste du pays.
« Les projecteurs étaient rivés sur New York, explique Amel Ketfi. Car si New York augmente les salaires, il y a de fortes chances que les autres États suivent, jusqu’à élever, peut être, le salaire minimum fédéral. Ce qui toucherait alors tous les emplois non qualifiés. »
À lire également sur nvo.fr…
Mobilisation faste dans les MacDo
Mc Donald's fait de l’optimisation fiscale
… et sur Twitter