Privatisation des barrages hydrauliques
À l'embauche de Super Bissorte, un barrage de la vallée de la Maurienne en Savoie, un matin de novembre, une petite délégation de militants CGT s'avance à la rencontre des salariés. En quelques minutes, la grève est décidée, et dans la salle des commandes les pompes de la centrale hydroélectrique sont mises à l'arrêt.
Un geste symbolique destiné à « marquer le coup », nous dit un jeune technicien d'exploitation. Pour lui pas de doute, « le passage des barrages au privé entraînerait un risque de déstabilisation du réseau électrique ». Le 4 novembre, de nombreux électriciens et gaziers ont répondu à l'appel de la fédération des mines-énergie CGT et de FO en menant des actions de blocage du réseau sur tout le territoire français.
UN CADEAU AUX LOBBIES
Une journée d'action destinée à alerter l'opinion sur l'article 29 de la loi de transition énergétique prévoyant la mise en concurrence des concessions du secteur hydraulique.
Alors que 20 % des concessions de gestion des barrages français arrivent à échéance d'ici 2015, le gouvernement donne satisfaction à la commission de Bruxelles qui souhaite que le renouvellement donne lieu à un appel d'offres européen. « C'est un cadeau aux lobbies, estime l'ex-ministre de l'écologie, Delphine Bathot, qui s'était opposée à cette mise en concurrence. L'hydraulique est l'actif le plus rentable en matière énergétique, les ouvrages réalisés sont un investissement de la nation. Il y a un risque de perte de souveraineté nationale, car la logique du marché n'est pas celle du long terme et de l'investissement. »
« LA MÊME ERREUR QUE POUR LES AUTOROUTES »
Fin 2013, le rapport parlementaire Battistel avait estimé que cette décision politique entraînerait « une hausse inéluctable des prix de l'électricité ». Un scénario qui alarme Fabrice Coudour, secrétaire du syndicat CGT énergie Savoie : « La production hydroélectrique contribue au faible coût des tarifs électriques car c'est l'électricité la moins chère. Demain, les concessionnaires privés pourront spéculer pour faire monter les prix sans se soucier de l'équilibre du réseau ! Quand on voit ce que cet outil rapporte, on se dit qu'on refait les mêmes erreurs qu'avec les autoroutes… » La rente hydraulique est estimée à 1,25 milliard d'euros par an.