À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
PÉNIBILITÉ

Une réforme au bénéfice du patronat

13 juillet 2017 | Mise à jour le 11 juillet 2017
Par | Photo(s) : J.-P. Amet / Divergence
Une réforme au bénéfice du patronat

Alors que le patronat refuse de mettre en œuvre la loi sur la pénibilité, le gouvernement vient de lui donner raison en indiquant ce week-end les grandes lignes de la réforme qu'il souhaite adopter. Sans concertation, il remet en cause les règles de prise en compte de la pénibilité.

C'est dans une lettre adressée aux syndicats samedi 8 juillet que le premier ministre Édouard Philippe annonce la réforme du « compte pénibilité » alors que celui-ci, créé en 2015, est à peine entré en vigueur avec 797 000 salariés déclarés en situation de pénibilité en 2016.

Des critères retoqués

Ce compte visait notamment à compenser le recul de l'âge de la retraite en prenant en compte certaines conditions de travail le rendant plus épuisant que d'autres, avec des conséquences sur la santé et l'espérance de vie. Travail de nuit, postures pénibles, manutention de charges lourdes, températures extrêmes… dix critères avaient été retenus comme justifiant l'attribution de points annuels aux salariés concernés, points utilisables au cours de la vie professionnelle pour se former et aussi, en fin de carrière, partir plus tôt en retraite.

Mais c'était encore trop pour le patronat qui n'a eu de cesse de dénoncer cette reconnaissance de la pénibilité et de plaider la complexité du système. En jeu notamment : son financement (une cotisation de 0,01 % de la masse salariale, portée à 0,2 ou 0,4 % dans les entreprises où les conditions de travail sont plus pénibles).

Quatre changements annoncés

Le gouvernement, lui, entend satisfaire le Medef. Il veut ainsi être libre de modifier, par ordonnances, « les règles de prise en compte de la pénibilité au travail (…) ainsi que les modalités de financement des dispositifs correspondants. » Les grandes lignes de la réforme ont donc été annoncées par le premier ministre, sans concertation avec les organisations syndicales. Elles sont de quatre ordres.

  1. Suppression de 4 des 10 critères retenus pour considérer qu'un salarié est en situation de pénibilité. Seront toujours pris en compte, suivant des modalités et des mesures qui pourront être reprécisées : le travail de nuit (strictement défini, minuit/5 h du matin), le travail répétitif (type travail à la chaîne), le travail en horaires alternés (type 3X8) et le travail dans un milieu exposant à de fortes nuisances (milieu hyperbare, milieu dépassant un certain seuil de décibels, milieu de températures extrêmes basses ou hautes). En revanche, ne seront plus pris en compte : manutention de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques. Lorsque l'on sait l'explosion des troubles musculosquelettiques dans de nombreux métiers ou que l'on pense au scandale de l'amiante, on voit combien les quatre critères retirés de la liste sont pourtant essentiels.
  2. Individualisation, au détriment des mesures collectives. Pour les quatre critères supprimés, en effet, il n'y aurait plus qu'une visite médicale en fin de carrière, permettant de partir plus tôt en retraite en cas d'incapacité permanente supérieure à 10 %. On sait que ce type de dispositif a les faveurs du patronat puisqu'il s'agit seulement de constater l'usure de la santé d'un travailleur particulier… que l'on pourra toujours soupçonner, dans un second temps, de n'avoir pas assez pris soin de son « capital santé » tant dans les postures physiques prises au travail que dans son hygiène de vie générale. Sans remettre en cause la nature du travail, sans généraliser des mesures de prévention, sans systématicité de la compensation.
  3. Modification du financement. Le prélèvement de 0,01 % de la masse salariale, porté à 0,4 % pour les entreprises les plus nuisibles à la santé de leurs salariés, est sans doute considéré comme excessif… Aussi « Le financement des droits en matière de pénibilité sera organisé dans le cadre de la branche accidents du travail/maladies professionnelles », indique Édouard Philippe.
  4. Changement de nom, enfin, car l'idée que le travail puisse être pénible et/ou dangereux pour la santé n'est idéologiquement correcte ni pour Pierre Gattaz ni pour Emmanuel Macron. Le compte pénibilité devient le « compte professionnel de prévention ». Sans pour autant que la prévention soit à l'ordre du jour…