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REPRÉSENTATIVITÉ

Représentativité syndicale

28 janvier 2015 | Mise à jour le 3 avril 2017
Par | Photo(s) : AFP
Représentativité syndicale

Suite à la loi du 20 août 2008 sur les relations collectives de travail dans les entreprises, la CGT et l'IRES ont évalué son impact sur la représentativité à travers une enquête sociologique menée entre 2012 et 2014. Entretien avec Adelheid Hege et Christian Dufour, deux des auteurs sociologues. Par Dominique Martinez.

NVO : QUELLE EST L'ORIGINE DE CETTE ÉTUDE ?

Adelheid Hege : Elle a été commandée par la CGT dans le cadre de l'agence d'objectifs de l'IRES en 2011. L'idée était d'étudier l'impact de la réforme de la représentativité impulsée par loi de 2008 sur les pratiques dans les entreprises selon deux aspects : sociologique et juridique. Nous, sociologues, avons mené une étude empirique en allant rencontrer les acteurs dans les entreprises, c'est-à-dire d'abord les délégués syndicaux, car avec le basculement vers le mode électif cela décidait aussi de la pérennité des délégués syndicaux comme acteurs de la négociation collective, et aussi d'autres représentants du personnels et des représentants des employeurs. Nous avons également rencontré des acteurs externes indirectement concernés par ces transformations : les UD, les Direccte. L'étude a porté sur un panel d'entreprises très divers par leur taille, secteur, région, situation syndicale. Nous avons privilégié les entreprises ayant une présence pluri syndicale et des majorités diversifiées.

Christian Dufour : Un tiers de notre panel était composé d'entreprises que nous connaissions bien et depuis près de 20 ans. Nous voulions mettre 2008 dans une histoire longue.

D'UN POINT DE VUE SOCIOLOGIQUE, QUELS SONT LES PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS DE VOTRE ÉTUDE ?

Adelheid Hege : Le premier, c'est que la loi a bien joué son rôle « couperet » : dans la moitié des entreprises des syndicats se sont effectivement retrouvés en dessous des 10%. Mais ces situations étaient un peu attendues indépendamment de la loi, elles correspondaient à des équipes en bout de course. Parfois, il ne restait qu'une ou deux personnes d'une équipe qui n'avait pas su se reconstruire après le départ de leaders syndicaux antérieurs. Cette perte de représentativité a généralement été interprétée aussi bien par les représentants restants que par les employeurs comme une clarification cohérente de situations dépassées.

Christian Dufour : La loi a eu un effet d'accélérateur.

LA REPRÉSENTATIVITÉ SYNDICALE EN A-T-ELLE ÉTÉ RENFORCÉE ?

Christian Dufour : Non. Et c'est bien l'autre enseignement majeur. L'idée de la loi était de dire qu'en éliminant les équipes faibles, encore présentes car on pouvait désigner des délégués syndicaux sans qu'il y ait vraiment de base, les équipes restantes seraient renforcées, re-légitimées. Or, ce n'est pas le cas. Au contraire, ces disparitions marquent un affaiblissement du syndicalisme : ceux qui votaient pour une équipe disparue ne votent pas pour les représentants qui restent car ils ne s'identifient pas à eux. Souvent, la disparition de certaines équipes correspond à une transformation sociologique du salariat.

Certaines entreprises ouvrières sont passées à être majoritairement composées de techniciens et de cadres. Les syndicats qui représentaient les ouvriers sont menacés, mais ça ne veut pas dire que les ouvriers qui restent se reconnaissent dans les syndicats de techniciens et de cadres. Les élus rencontrés sur le terrain nous disent : « la disparition des autres, plutôt que de nous renforcer, nous indique la menace qu'il y a pour nous ».

Le constat est clair : il y a moins de candidats aux élections, pas davantage d'électeurs ni d'adhérents… et les syndicats ne sont pas mieux entendus par l'employeur. Le seul renforcement est celui de la difficulté pour le syndicalisme à se renouveler, à se transformer. De plus, les élus qui restent se projettent beaucoup dans les difficultés personnelles des représentants éliminés, qui n'étaient pourtant pas leurs copains – perte du mandat, perte de fonction, perte de raison d'exister dans leur entreprise…

Adelheid Hege : Leur situation est ambigüe : d'une part, ils connaissent un renforcement institutionnel avec la responsabilité d'assumer la représentation et la négociation collective ; de l'autre, ils s'inquiètent de la fragilité de leur lien avec les salariés. Ceux-ci ne se reconnaissent pas en eux. Ce qui entraine des difficultés à assurer le renouvellement des candidats aux élections et à faire voter les salariés.

LA LOI N'A DONC PAS RÉUSSI À RENFORCER LA NÉGOCIATION COLLECTIVE ?

Christian Dufour : Les élus constatent que le calendrier des négociations collectives s'alourdit, mais que les résultats restent minces sinon nuls. Cela ne les renforce pas. Or, ils constatent également que la négociation s'est déplacée : il y a de moins en moins de négociations locales – les élections dont on parle, celles de représentativité, sont les élections de CE qui ont lieu au niveau des établissements – et de plus en plus de négociations à l'échelon du groupe. Ces négociations, très centralisées, sont menées par des délégués syndicaux centraux qui ont pratiquement leur vie propre.

Bref, la loi est censée redonner de la représentativité aux « élus locaux », mais ce ne sont pas eux qui négocient… Si d'un côté ils doivent assurer la représentativité et de l'autre n'ont rien à dire sur les négociations, à quoi servent-ils ? Ils en sont réduits à faire fonctionner les activités socioculturelles et à mettre en œuvre le résultat de négociations qui ne leur correspond souvent pas. Dès lors, qui serait tenté par des responsabilités locales ?

VOIR :

L'étude : « L‘influence de la loi du 20 août 2008 sur les relations collectives de travail dans les entreprises. Enquête sociologique et analyse juridique » par Adelheid Hege, Christian Dufour et Marcus Kahmann