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DÉPENDANCE

Salariés, directions et usagers « déterminés à obtenir satisfaction » pour les EHPAD

14 mars 2018 | Mise à jour le 14 mars 2018
Par | Photo(s) : Fred Tanneau / AFP
Salariés, directions et usagers « déterminés à obtenir satisfaction » pour les EHPAD

La mobilisation unitaire des personnels des EHPAD et de l'aide à domicile continue et s'élargit. Ce jeudi 15 mars, ils sont de nouveau en grève pour exiger les moyens de s'occuper dignement des personnes âgées dépendantes. L'appel de l'intersyndicale bénéficie de nombreux soutiens : directions d’établissements, familles…

S'il est un sujet sur lequel le président de la République, Emmanuel Macron, ne s'est encore jamais exprimé, c'est bien la situation dans les établissements d'hébergement (EHPAD) et dans les services d'aide à domicile pour les personnes âgées dépendantes. Or, pour assurer l'accueil de ces dernières avec davantage de dignité, les acteurs du secteur, toutes catégories confondues, réclament plus de moyens et de personnel. Ils disent être « arrivés à un point de rupture » et en appellent au chef de l'État.

Courrier adressé à Emmanuel Macron dès octobre 2017, pétitions, grèves, débrayages, rassemblements et mobilisations de plusieurs milliers de salariés sur tout le territoire le 30 janvier, à l'appel d'une très large intersyndicale appuyée par l'Association des directeurs d'établissements pour les personnes âgées (AD-PA, qui regroupe privé et public), avec le soutien d'organisations de retraités et de familles, de même que de l'opinion publique… Rien n'y fait. L'Élysée reste sourd à leurs demandes. Un appel à une nouvelle journée de grève et d'actions est lancé pour jeudi 15 mars.

« Mesurettes » et mépris

La délégation reçue par le cabinet de la ministre dans l'après-midi du 30 janvier est ressortie « déçue ». Si la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, a dit comprendre l'« épuisement » des personnels, elle n'a pas accordé d'autre rallonge que les 50 millions d'euros pour les EHPAD déjà annoncés en plus des 100 prévus au budget de la Sécurité sociale. La nomination d'un médiateur et la mise en place d'un groupe de travail, qui doit proposer « une stratégie nationale de lutte contre la maltraitance» des personnes âgées, mais aussi des personnes handicapées, sont également à l'ordre du jour.

L'AD-PA salue l'initiative mais affirme que cela ne règlera pas le problème et que la priorité est d'augmenter le nombre de professionnels, tant dans les établissements qu'à domicile. Des « gadgets » et des « mesurettes », estime la CGT qui a calculé que 50 millions de plus « c'est dérisoire, cela représente 80 euros par an et par résident.e ! » Dans sa « lettre ouverte aux citoyen.ne.s » , le syndicat dénonce également le « mutisme récurrent du président de la République » face auquel « les salarié.e.s, syndicats, associations se sentent méprisés ».

Le budget avant les besoins du grand âge

De deux choses l'une : soit l'exécutif n'a pas pris la mesure de la situation réelle dans les EHPAD et l'aide à domicile (ce qui est peu probable), soit il n'en tient pas compte. Et ce, pour des raisons budgétaires, tout comme ses prédécesseurs, lesquels n'ont cependant jamais été avares de lois. En effet, celles-ci se succèdent depuis quinze ans (« Plan vieillissement et solidarités » en 2003, « Plan solidarité grand âge » en 2006, « loi, relative à l'adaptation de la société au vieillissement » en 2016) mais sans jamais répondre au choc démographique (selon les estimations, la population des plus de 85 ans devrait être multipliée par quatre d'ici à 2060 et compter quelque 5 millions de personnes) ni même mettre en application certaines mesures votées.

Aujourd'hui « il y a en France 7 200 EHPAD et 10 000 services à domicile qui assurent l'accueil et l'accompagnement de 1,4 million de personnes âgées. Ils emploient plus de 700 000 professionnels », rappelle le communiqué de l'intersyndicale (CGT, CFDT, FO, CFTC, Ufas, CFE-CGC, Unsa, Sud), soutenue par l'AD-PA. Il souligne que « l'application du ratio prévu par le “Plan solidarité grand âge” de 2006 [un agent ou un salarié par résident], ainsi que l'augmentation du temps passé à domicile, nécessite la création de 300 000 postes ! ». Une revendication à laquelle la ministre a coupé court en indiquant : « L'objectif est l'augmentation des postes pour tendre progressivement vers ce fameux ratio de un pour un, … que nous ne pouvons atteindre aujourd'hui pour des raisons structurelles et budgétaires », rapporte le communiqué.

Le mutisme de Macron

Volonté de désamorcer la crise ou avancée minimaliste ? Le 7 mars, Agnès Buzyn s'est engagée, de façon évasive, à « neutraliser les effets négatifs » de la réforme du financement des EHPAD. Or, sur ce sujet, la revendication est précise : « arrêt des baisses de dotations » induites par la réforme, « mettre fin à l'application » de celle-ci et retirer les décrets qui s'y rapportent. De plus, la ministre n'a toujours rien annoncé concernant le secteur de l'aide à domicile et celui des hôpitaux gériatriques en cours de fermeture, « tout aussi concerné par la crise profonde que vit le secteur de l’aide aux personnes âgées dans son ensemble », indiquent l'intersyndicale et l'AD-PA. Les organisations jugent « pire » le silence du président de la République.

En effet, il ne s'est toujours pas exprimé sur l'enjeu sociétal que recouvre la lutte en cours dans les EHPAD et l'aide à domicile : comment notre société va-t-elle répondre dignement à la question du vieillissement de la population et aux professionnels qui les accompagnent ? « Il s’agit ainsi d’engager une large réflexion sur le regard que porte notre société sur le vieillissement, les personnes âgées et les professionnels à leur service », estiment l'intersyndicale et l'AD-AP qui portent ce point au nombre de leurs exigences. De surcroît, seul Emmanuel Macron « a l'autorité sur Bercy » et peut « obtenir des arbitrages financiers différents », explique Pascal Champvert, président de l’AD-PA.

L'absence de financement ? Un choix politique

Plusieurs faits ne peuvent qu'interpeller : l'exécutif, si jaloux de ses performances budgétaires, dit ne pas être en mesure de répondre à l'urgent besoin de moyens dans les EHPAD et l'aide à domicile. Or, la seule réforme de l'ISF prive l'État de 3,2 milliards d'euros (et de plus de 5 milliards pour l'ensemble de la réforme fiscale). Un choix. La France, championne d'Europe des dividendes versés aux actionnaires (et 3e sur le podium mondial), est, inversement, dans la queue de peloton concernant l'aide aux personnes âgées, tant à domicile qu'en établissement. D'une façon ou d'une autre, la plupart de ses voisins européens ont su répondre à deux questions essentielles : celle du financement de la perte d'autonomie (l'intersyndicale et l'AD-PA demandent à Emmanuel Macron qu'il soit pérenne et solidaire) et celle du coût des maisons de retraite. 

Un mouvement qui prend de l'ampleur

Latent pendant ces dix dernières années (luttes d'aides à domicile, etc.), le conflit enfle depuis plus d'un an, tout particulièrement dans les EHPAD : en 2017, une centaine de grèves y ont été recensées, la plus médiatisée étant celle des Opalines à Foucherans (Jura) qui a duré plus de trois mois. De plus, le mouvement du 30 janvier dernier, qui était une première, prend de l'ampleur : pour le 15 mars, non seulement la FSU et la FA-FP ont rejoint l'intersyndicale (les communiqués arborent désormais onze logos) mais  les soutiens se sont également étoffés avec l'arrivée parmi eux des organisations de médecins et d'aidants. Tous sont « déterminés à obtenir satisfaction ».