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Sale temps pour les forêts

9 septembre 2018 | Mise à jour le 25 octobre 2018
Par | Photo(s) : DR
Sale temps pour les forêts

Marche pour la Forêt« Parce qu’elles sont aujourd’hui menacées par les décisions de la direction de l’Office national des Forêts (ONF) et du Ministère de l’Agriculture.
Les personnels de l’ONF,  regroupés en intersyndicale, ont décidé d’alerter l’ensemble des citoyens en organisant la Marche pour la Forêt. »

Aujourd'hui a lieu le ralliement en forêt de Tronçais de la Marche pour la Forêt initié par l'intersyndicale de l'Office national des forêts.  Nous rediffusons cette interview de Gilles Quentin, publiée début septembre, lors de la sortie du film Le Temps des forêts.

Dans Le Temps des forêts, le documentariste François-Xavier Drouet dresse un portrait révélateur et inquiétant de la gestion forestière française. Un constat partagé par Gilles Quentin, secrétaire général de la CGT de l'ONF. Entretien.

Symbole d'une nature authentique, la forêt française connaît depuis quelques années une phase d'industrialisation inédite. Mécanisation lourde, monocultures, engrais et pesticides, la gestion forestière est désormais calquée sur le modèle agricole intensif. C'est le constat que fait François-Xavier Drouet dans son documentaire Le Temps des forêts, à voir en salle à partir du 12 septembre. Gilles Quentin, secrétaire général de la CGT de l'ONF et agent forestier pendant quarante ans, nous livre son analyse dans un entretien.

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Gilles Quentin

Quelle est votre première réaction après la découverte de ce film documentaire ?

Son constat est très juste. Il montre la mise à mal de la culture traditionnelle de la Forêt qui suppose de longues années. C'est la différence avec une plantation d'arbres de même essence que l'on fait pousser rapidement pour des besoins de production. La biodiversité animale et végétale qui caractérisent une forêt n'ont plus leur place dans cette logique. On ne gère pas une forêt comme on gère un champ de maïs.

La question écologique occupe en ce moment le devant de la scène médiatique. Qu'apporte ce documentaire ?

Il a le mérite de poser les choses, de clarifier les enjeux écologiques et productifs autour des forêts, symbole de la nature. Or, aujourd'hui, malgré les beaux discours, on n'accompagne plus, on ne respecte plus le rythme de la nature. On est entré dans une logique de rentabilité censée répondre à des pseudo-besoins industriels ou à des injonctions du marché du bois qui impose des modes avec tel ou tel diamètre, etc. Il ne faut pas céder à tout cela. Un sol forestier regorge d'une richesse inestimable qui n'a rien à voir avec celui d'une plantation d'arbres ou d'une culture intensive comme il y en a tant. Le modèle productif s'impose à nous également. Il faut faire du chiffre quitte à détruire des espaces forestiers traditionnels séculaires.

C'est aussi l'orientation de l'ONF ?

Absolument. Seul compte le montant de mètres cubes de bois vendable rapidement. En forêt de Vierzon par exemple, où j'ai travaillé de nombreuses années, il y avait des centaines d'hectares d'un mélange de chênes, hêtres, frênes… Et sous prétexte qu'une essence rencontrait quelques difficultés, on a tout rasé pour replanter des pins maritimes et des pins sylvestres parce qu'ils ne vont pas générer de dépenses. Ils ont moins besoin d'eau et de protection du soleil et puis dans une cinquantaine d'année, quand ils seront exploitables, ceux qui sont aux responsabilités aujourd'hui ne seront plus là… Le titre du film est très juste : la question est bien celle du Temps des forêts qui est incompatible avec la logique de productivité immédiate aujourd'hui prioritaire.

Le documentaire montre le malaise des personnels de l'ONF… à quoi est-il dû ?

Quand il n'y a plus que le budget et la quantité de bois vendu qui comptent, on perd le sens de notre travail. Et cela ne fait que s'aggraver progressivement. Au-delà des suicides de plusieurs collègues ces dernières années, des jeunes agents démissionnent désormais. On ne devient pas forestier par hasard. On le devient souvent par passion et après une formation technique. L'appartenance à un service public constitue une dimension supplémentaire : la forêt qu'on a choisi d'accompagner est un bien commun. Elle appartient à tous, et donc aux générations futures. Or, la logique productiviste de la direction de l'ONF s'y oppose frontalement. Le nombre d'emplois en est une autre caractéristique : d'ici la fin de l'année, 135 postes seront supprimés sur 4 000. Nombre de maisons forestières dans lesquelles avaient obligation de vivre certains agents vont également être vendues. Nous n'échappons pas à l'austérité : réduction de la masse salariale et vente de l'immobilier.

Comment riposter ?
RepèresL'ONF gère 25 % des forêts françaises.
8500 personnels y travaillent, soit :
– 4000 agents (gardes forestiers de droit public),
– 3000 ouvriers forestiers (de droit privé),
– 1500 cadres et personnels administratifsLes 8 syndicats de l'intersyndicale représentent 85 % des personnels.

Les choses se sont considérablement dégradées depuis 2015 et l'arrivée du dernier directeur général qui n'hésite pas à dégainer son arsenal procédurier dès qu'il peut contre nous. Les huit organisations syndicales réunies en intersyndicale — Solidaires, CGT Forêt, CGT Fnaf, EFA-CGC, l'Unsa, deux organisations FO — ont d'ailleurs démissionné de tous leurs mandats en septembre 2017 pour marquer l'absence totale de dialogue social. Nous avons par ailleurs décidé d'organiser des marches pour la forêt en lien avec plusieurs organisations et d'associations de défense de la nature et de défense de la forêt pour intensifier notre démarche de contestation. Concrètement, nous sommes en train de lancer quatre marches au départ de Strasbourg, de Mulhouse, de Valence et de Perpignan. Ces parcours convergeront vers l'emblématique forêt de Tronçais où doit se dérouler la dernière vente de bois traditionnelle de l'ONF, le 25 octobre (toutes les informations sur : marche-pour-la-foret.webnode.fr). Ce sera l'occasion d'un grand rassemblement citoyen.

Le temps des forêtsSortie le 12 septembre. 1 h 43.