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AÉRONAUTIQUE

Le secteur aérien dans la tempête

19 juin 2017 | Mise à jour le 3 juillet 2017
Par | Photo(s) : Balint Porneczi/Signatures
Le secteur aérien dans la tempête

Groupe Airbus. Chaine d’assemblage de l'Airbus A380. Usine Airbus, Toulouse, France, 17 juillet 2014

Mirage ? Les carnets de commandes pleins à craquer dans le secteur cachent une réalité contrastée sur le front de l'emploi et une exigence de rentabilité préjudiciable.

Coup de tonnerre dans un ciel bleu. En novembre dernier, Airbus annonçait la suppression de 1 164 postes en Europe – dont 640 en France – et la fermeture de son centre de recherche à Suresnes (Hauts-de-Seine). Sur les 500 personnes qui travaillent sur le site historique de l'ancienne usine de Louis Blériot, 150 devraient être reclassées au siège toulousain de l'avionneur, mais plus de 300 verraient leur poste disparaître. Pourtant, le groupe affiche de solides résultats. « Le carnet de commandes d'Airbus, tiré essentiellement par le succès de l'A320, dépasse les 1 000 milliards de dollars (895 milliards d'euros), soit quasiment quinze années de production et la moitié du PIB français annuel », commente Xavier Petrachi, délégué du personnel CGT chez Airbus. Plus globalement, selon le Gifas (Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales), « 2016 a été, une nouvelle fois, une année record avec une progression du chiffre d'affaires à 60,4 milliards d'euros, en hausse de 4,1 %. Le carnet de commandes global de la profession représente environ cinq années de production. »

Le trafic aérien devrait doubler d'ici 2036. Déjà, Airbus a livré 688 avions en 2016. Pour autant, les embauches marquent le pas en interne, 80 % de la valeur ajoutée d'un avion étant confiée à un sous-traitant.

L'aéronautique et l'industrie spatiale constituent ainsi le premier solde excédentaire de la balance commerciale en 2016, avec 18,6 milliards d'euros. Le bilan en termes d'emplois est plus nuancé. Si le secteur a recruté 60 000 salariés entre 2009 et 2016, le rythme devrait ralentir en 2017, après la création nette de 2 000 emplois seulement en 2016. Lui non plus n'échappe pas à la logique de financiarisation, au détriment de l'emploi, de la recherche et de l'investissement. « Les actionnaires sont venus supplanter les visionnaires », écrit la CGT dans un hors-série diffusé à l'occasion du Salon du Bourget. « En 2000, le capital flottant coté en bourse s'élevait à 34 %, contre 74 % en 2017 chez Airbus. Depuis 2013, la moyenne des dividendes annuels a été multipliée par trois, dans le même temps le niveau de recherche et de développement est passé de 5,8 % du chiffre d'affaires à 4,5 % », observe Xavier Petrachi.

L'externalisation va, quant à elle, bon train. Chez Airbus, par exemple, 80 % de la valeur ajoutée d'un avion est confiée à un sous-traitant, avec une politique de « partenaires à risques partagés » qui fragilise les fournisseurs de rang 1. « Dès le début d'un programme, sur l'A380 ou l'A350, par exemple, les fournisseurs en question s'engagent sur les coûts d'industrialisation, le design. En contrepartie, ils sont assurés de participer au carnet de commandes, au prix d'un endettement massif », explique Xavier Petrachi. Autre tendance, la délocalisation vers des pays low cost. « Safran a délocalisé une partie de la fabrication au Mexique, au Maroc et en Tunisie », confie Frédéric Bourges, animateur de la coordination CGT chez Safran. Afin de mieux défendre la communauté de travail de l'aéronautique en Midi-Pyrénées, un noyau dur de cinq syndicalistes d'Airbus et de sous-traitants anime une coordination depuis 2014. L'idée est notamment d'appréhender davantage les effets de la stratégie industrielle sur l'ensemble de la chaîne de fabrication et d'infléchir un plan de vol moins court-termiste.

Salon du BourgetLa CGT Métallurgie, la Fédération nationale CGT des travailleurs de l'État et la NVO seront présentes au Salon aéronautique et spatial du Bourget, du 19 au 25 juin. L'occasion de rappeler qu'il n'existe aucune industrie prestigieuse sans le savoir-faire des femmes et des hommes qui l'animent. Parmi les temps forts, une visite du Salon en présence de Philippe Martinez aura lieu le jeudi 22 juin.

 

Paroles de syndiqués
Frédéric Bourges, animateur de la coordination CGT chez Safran.

Frédéric Bourges, animateur de la coordination CGT chez Safran.

 

L'aéronautique est en forte croissance, et pourtant une partie de la production est délocalisée dans les pays à bas coûts. L'excellence industrielle de ce secteur s'est doublée d'une reconnaissance sociale, remise en question aujourd'hui.

 

 

 

 

 

Florent Coste, DS CGT chez Latécoère

Florent Coste, DS CGT chez Latécoère

 

L'entreprise familiale centenaire a été rachetée par deux fonds de pension anglo-américains en 2015. Elle, qui n'avait jamais connu de plan social, a annoncé en 2016 le licenciement de 314 salariés sur les 900 du site historique de Toulouse et la création d'une usine en Bulgarie.

 

 

 

 

Robert Amade, DP CGT chez Sogeti High Tech

Robert Amade, DP CGT chez Sogeti High Tech

 

Quand Airbus a réduit la voilure sur l'aérostructure et l'ingénierie fin 2014, notre entreprise a accusé le coup. En trois ans, les effectifs sont passés de 1 400 à moins d'un millier. Le prix des prestations a diminué, les salariés sont devenus la variable d'ajustement. Dans l'opinion publique, l'aéronautique embauche et sauve la balance commerciale… La réalité sociale est différente.

 

 

 

 

Pierre Giacomini, DSC CGT chez Airbus Safran Launchers : La privatisation de l'espace a franchi une nouvelle étape depuis la création, en 2016, d'Airbus Safran Launchers (ASL), chargée de la fusée Ariane 6. 400 à 500 départs naturels sont prévus d'ici cinq ans. Mais sur le site du Haillan (33), la CGT a saisi l'inspection du travail après avoir répertorié les salariés intérimaires… une cinquantaine est passée en CDI.

Étienne Gremmel, membre CGT du comité de groupe Safran

Étienne Gremmel, membre CGT du comité de groupe Safran

 

Le lean management monte en puissance ; les réunions « sécurité-qualité-délai » sont quotidiennes pour maintenir la pression ; des postes de supplier performance manager fleurissent pour doper la productivité. Mais des postes d'ouvriers sont supprimés alors que dans mon usine, en Alsace, la direction fait pression pour travailler les jours fériés et multiplier les heures supplémentaires.

 

 

 

 

Cet article est paru dans Ensemble ! n° 99 de juin 2017 Logo_ensemble

 

 

 

 

Notre supplément sur le salon du Bourget 2017.