Enlisé depuis deux mois et demi, le conflit entre les ex-éboueurs d'Otus Veolia et leur nouvel employeur, la société Sepur, pourrait trouver une issue favorable. En lock-out, sans travail et sans salaire depuis le 2 novembre, les grévistes ont porté l'affaire aux Prud'hommes de Longjumeau, qui rendra son jugement le 7 février.
La justice va-t-elle trancher en faveur des 85 salariés, éboueurs du site du Siom (syndicat intercommunal d'ordures ménagères) à Villejust qui, depuis plus de deux mois, dénoncent les pratiques illégales et anti-sociales de leur nouvel employeur, la société Sepur ? Au sortir de l'audience qui se tenait au conseil des prud'hommes de Longjumeau, le 17 janvier dernier, Steeve Avisse, le délégué syndical CGT, est plutôt confiant : « Notre avocate a pu expliquer dans le détail les tenants et aboutissants de ce conflit du travail à l'appui de nombreuses preuves solides. En face, l'avocat de la partie adverse n'avait rien de probant en main, hormis des allégations mensongères que notre avocate a démenties » , assure-t-il à ses collègues et camarades rassemblés ce jour à Longjumeau, à l'appel de la CGT de l'Essonne.
Sepur, un prestataire aux pratiques anti-sociales bien connues
Pour rappel, ces éboueurs dénoncent un cas de lock-out organisé par Sepur depuis la reprise du marché de la collecte des poubelles sur une vingtaine de communes de la Vallée de Chevreuse en Essonne. Jusque-là détenu par Otus-Veolia, ce contrat de mission de service public a été attribué à Sepur par le SIOM (syndicat intercommunal des ordures ménagères), en dépit de la mauvaise réputation de cette entreprise aux pratiques anti-sociales pourtant bien connues, notamment en Essonne. Mais que peut bien valoir, pour un donneur d'ordre, en l'occurrence le SIOM, l'irresponsabilité sociale d'une entreprise qui présente, lors d'un appel public, une offre inférieure d'environ 700 000 euros à celle de son prédécesseur et concurrent, Otus-Veolia ? Aux yeux du SIOM, une juteuse économie. Certes, mais à quel prix ?
Imposer des rémunérations inférieures et une clause de mobilité
Transférés d'Otus-Veolia à Sepur, les 85 éboueurs en ont fait l'amère expérience : laissés sans travail, donc sans salaire pendant plus de deux mois, remplacés par des intérimaires, ils ont dû, chaque jour, se présenter et camper devant leur lieux de travail dont les accès, y compris ceux des sanitaires, leurs étaient barrés. Une situation de lock-out caractérisé, dans le but de les pousser à démissionner ou bien à accepter de nouveaux contrats de travail dont Sepur a le secret. Ceux-ci prévoyaient une réduction jusqu'à 50 % de la rémunération antérieure, des suppressions ou abaissements de diverses primes et, cerise sur la benne, l'introduction de la fameuse clause de mobilité qui permet à un employeur de remplacer ses salariés en cas de grève ; autrement dit, de contourner le droit de grève en le rendant inopérant.
Les contrats de travail transférés doivent s'appliquer
Au terme de deux mois de conflit, Sepur a pourtant été contraint de remettre les éboueurs au travail, début janvier. Un revirement qui signe en réalité la mise en échec sa stratégie du lock-out par des salariés déterminés et unis dans leur combat: « Chaque jour, nous nous sommes présentés à notre travail et les nombreux rapports de l'inspection du travail l'attestent. Jusqu'au 25 décembre, nous avons dit et redit à Sepur que nous ne signerions pas de nouveaux contrats de travail puisque les nôtres étaient automatiquement transférés et qu'ils devaient s'appliquer », précise Steeve Avisse en saluant la ténacité de ses collègue. Ajoutons à cela le soutien sans faille de la CGT 91 et d'un collectif de citoyens de l'agglomération Paris-Saclay. Enfin, l'aide inattendue apportée par l'entrée en vigueur du prélèvement à la source : « Si Sepur ne nous verse pas le salaire de janvier 2019, les impôts ne pourront pas prélever, or, c'est à l'employeur que revient la charge de collecter l'impôt », ajoute, amusé, un salarié.
Dénoncer l'enfer du harcèlement
La partie de bras de fer entre les éboueurs et leur employeur n'est pas terminée pour autant. Outre le volet prudhommal qui porte sur la reconnaissance du lock-out illégal et la récupération des salaires de décembre et de novembre 2018, les 84 salariés ont engagé la bataille contre le harcèlement qu'ils subissent depuis la reprise du travail : « Derrière chaque camion-benne, il y a un à trois véhicules et des agents de maîtrise qui guettent la moindre erreur, le moindre papier tombé d'une poubelle, voire qui nous poussent à la faute pour pouvoir nous sanctionner et nous licencier, on vient travailler la boule au ventre, c'est tous les jours un enfer, il faut le dénoncer et en finir» , s'indigne, ému, un salarié, salué par ses collègues, sous un tonnerre d'applaudissements.