Sport et syndicalisme
Quels liens entre la CGT et le sport ? Quelles pratiques du sport des salariés ? Quelles visées managériales ? Quelle analyse de la candidature de Paris aux JO de 2024 et des grands évènements sportifs d'aujourd'hui ?
Des questions qui seront au cœur du colloque « Construire des alternatives », le 4 novembre, au siège de la CGT, à Montreuil. Entretien avec Jean-François Davoust, responsable confédéral en charge des questions de sport.
POURQUOI CETTE JOURNÉE ?
Pour deux raisons. C'est d'abord la réaction aux premières « Assises européennes sport et entreprises », organisées le 10 septembre au siège du Medef.
Il était impensable, pour nous, que l'enjeu du sport en entreprise soit uniquement pris en compte par le mouvement sportif et patronal qui, depuis quelques années, met en avant les pratiques du sport en entreprise avec une frontière très floue entre celui-ci et le management.
Or, la sphère économique, c'est aussi les salariés. Doit-on accepter l'idée selon laquelle le sport est uniquement un enjeu de management avec, pour prétexte, la santé au travail et son corollaire dévoyé qui dit que le travail, c'est la santé ?
La CGT porte une autre analyse, c'est pour cette raison que ce colloque s'intitule : « Construire des alternatives ».
C'était, en outre, l'occasion de mettre un coup de projecteur sur le sport à l'occasion des 70 ans des CE qui ont joué – et jouent encore – un rôle central dans l'accès des salariés aux pratiques sportives en tant que source d'émancipation.
L'HISTOIRE ENTRE LE SPORT ET LA CGT EST LONGUE…
Elle date des débuts de la CGT dans les années 1890-1895. À l'époque, c'est une vision étatique de mise en condition physique des jeunes en vue de faire l'armée et, potentiellement, la guerre qui s'impose.
Pour le patronat de la fin du XIXe siècle, la mauvaise condition physique des travailleurs est due au fait qu'en sortant du travail, ils dépensent leur solde dans les bistrots.
En accord avec l'Église, les premiers patronages catholiques de sport pour les travailleurs voient le jour.
En parallèle, les syndicalistes CGT s'emparent de la question et participent à la création des premiers patronages laïques…
C'est une double entrée : la pratique sportive alliée à une stratégie politique, qui permet de toucher les jeunes, de faire connaître les positions de la CGT. En 1945, l'émergence des CE marque la grande époque de démocratisation du sport avec l'avènement des clubs d'entreprise (qu'ils financent et dirigent selon les choix des élus) et l'entrée du sport dans la démarche d'éducation populaire.
Historiquement, la CGT était présente dans toutes les structures des bastions industriels – Renault, Peugeot, SNCF, EDF–GDF, PTT, Aérospatiale.
Les grosses entreprises publiques et privées industrielles avaient toutes des gros clubs de sport d'entreprise, alors qu'aujourd'hui, ils disparaissent progressivement, car les CE abandonnent le terrain des pratiques sportives pour s'en remettre à des subventions, au remboursement d'une partie des cotisations à une association ou carrément à une démarche de consommation marchande avec le chèque sport qui peut être utilisé dans n'importe quel club privé.
LE SPORT EST-IL UNE PRIORITÉ SYNDICALE ?
Hélas, non. La CGT est le dernier syndicat à avoir une activité confédérale dédiée au sujet, mais la question sportive reste secondaire. Dans le contexte économique et social actuel, on ne donne pas la priorité au sport.
Or, un salarié ne se coupe pas en tranches, il est une individualité globale, que ce soit au travail ou dans sa vie personnelle.
Il y a continuité, d'où l'importance de s'occuper des pratiques sportives, car elles sont source d'émancipation personnelle, d'évolution culturelle, de bien-être, d'esprit critique et d'efficacité au travail. C'est notamment pour cela que le patronat s'empare de la question.
QUE REVENDIQUE LA CGT ?
Nous revendiquons l'accès des salariés aux pratiques sportives, idéalement au sein d'un club de sport en entreprise (le coût, les pratiques, leur organisation sont des questions politiques).
Ou bien au sein du mouvement associatif, afin de leur permettre de pratiquer le sport de leur choix à moindre coût et au plus près de leur domicile. Nous ne sommes pas partie prenante du chèque sport porté par d'autres syndicats.
Quand la CGT revendique de développer le sport en entreprise à travers des clubs sportifs, cela implique de se donner les moyens d'avoir les infrastructures, le personnel salarié pour gérer tout ça.
Au final, c'est une pratique plutôt qu'un simple geste de consommation. Mais il ne faut pas oublier les 50 % de salariés des PME–TPE qui n'ont pas de CE.
C'est pourquoi nous sommes pour le développement des partenariats et du développement de comités inter-entreprises.
ET LES SALARIÉS DU SECTEUR ?
Ils représentent entre 250 000 et 300 000 équivalents temps plein allant de l'éducateur sportif aux joueurs et aux entraîneurs professionnels.
Or, nous n'avons aujourd'hui aucune structure syndicale adaptée pour pratiquer ce genre de syndicalisme. La plupart des organisations catégorielles, qui existaient et qui devaient s'adosser à une confédération dans le cadre des nouvelles dispositions sur la représentativité, ont rejoint la CFDT.
Concrètement, aujourd'hui, les syndiqués sont dispersés dans 5 fédérations CGT : la FERC (salariés UCPA et ministère des Sports), la Fédération du spectacle (animateurs), la Fédération des services publics (éducateurs sportifs-Etaps, qui relèvent cependant de la convention collective du sport), la Fédération du commerce (salariés des salles de sport privées et magasins type Décathlon…).
Une multitude d'organisations, dont il faut coordonner les actions afin d'avoir une stratégie cohérente qui définisse le positionnement de la CGT en la matière. C'est ce que nous faisons au sujet de la candidature de Paris aux JO.
Retrouvez l'analyse de la CGT sur la candidature de Paris aux Jeux olympiques dans la NVO à paraître le 17 novembre 2015.
En savoir plus :
– Livre : Du sport ouvrier au sport oublié ? Histoire mêlée de la CGT et du sport, de Jean-François Davoust et Igor Martinache, 218 pages, 10 €
– Programme du colloque « Construire des alternatives », du 4 novembre