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SUBPRIMES

Standard and Poor’s condamnée

29 janvier 2015 | Mise à jour le 3 avril 2017
Par | Photo(s) : AFP
Standard and Poor’s condamnée

Plus de six ans après le début de la crise financière de 2008, les agences de notation sont rattrapées par la justice. L’une des trois grandes enseignes, Standard and Poor’s, s’est ainsi fait sanctionner, le 21 janvier, par l’autorité de contrôle des marchés financiers et la justice américaines pour avoir menti à ses clients sur ses critères de notation concernant les fameux «subprimes», dans le but d’augmenter ses parts de marché dans ce domaine. Résultat: plus de 66 millions d’euros de pénalité et, plus inédit, une interdiction de noter les titres de dette concernant l’immobilier commercial aux Etats-Unis pendant une durée d’un an.

Entretien avec Jean-Marie Roux, membre de la direction de la Fédération des finances CGT, chargé des dossiers européens et internationaux. Par Dominique Martinez

NVO : COMMENT RÉAGIT LA FÉDÉRATION DES FINANCES CGT À CETTE CONDAMNATION?

Jean-Marie Roux : Précisons d’abord que, de façon générale, les Américains ont réagi de façon plus vigoureuse vis-à-vis de l’ensemble des acteurs financiers depuis la crise que les Européens. Cela, tant en termes de régulation du système financier avec la loi Dodd-Frank adoptée dès 2010 (même si sa mise en place n’est pas achevée car les lobbys bancaires sont puissants), qu’en termes de séparation entre les activités bancaires dites de détail et celles dites d’investissement. Tout cela n’est pas parfait, mais ils sont allés bien plus loin que le gouvernement français ou l’Union européenne.

L’autorité de contrôle des marchés financiers et la justice américaines n’hésitent pas à s’attaquer au porte-feuille des acteurs financiers. On a vu les amendes infligées aux banques et, dans le cas présent, Standard and Poor's se voit imposer des pénalités financières non négligeables, mais elle se voit surtout privée pendant un an d’exercer une de ses activités les plus lucratives. On peut mettre cela en regard de ce qui se passe en Europe: le printemps dernier, l’autorité des marchés financiers européenne a également sanctionné Standard and Poor's, mais à travers une simple réprimande publique.

NVO : QUE VOUS ÉVOQUE LE FOND DE LA CONDAMNATION?

C’est l’aspect le plus intéressant: l’agence est sanctionnée pour avoir fait passer en priorité «ses intérêts», c’est-à-dire ceux de ses actionnaires, au détriment de la qualité du service dû à ses clients investisseurs en cherchant à développer ses parts de marché. L'objectivité de ses notations était secondaire. On touche au cœur du problème: on reproche à Standard & Poor's de faire ce que fait toute entreprise privée qui est de chercher à faire du profit, d’élargir ses parts de marché.

Il y a une contradiction fondamentale. Car si l'on considère que dans le système financier qui est le nôtre, l’évaluation des actifs financiers relève de l’intérêt général et doit être la plus objective possible, alors elle ne peut être laissée aux mains d’une entreprise privée, qui a nécessairement ses propres intérêts – sans compter que l’on sait ces structures aux mains des acteurs financiers et pour certaines trempant même dans des pratiques frauduleuses.

NVO : CETTE DÉCISION DE JUSTICE SONNE COMME UNE CONFIRMATION DE CE QUE DÉNONÇAIT LA CGT À L’ÉPOQUE DE LA CRISE FINANCIÈRE…

Tout à fait et il est urgent d’en prendre conscience. Surtout, quand on sait l’importance accordée à ces notations qui évaluent, entre autres, des dettes publiques, donc des États, et qui ont dès lors un impact direct sur les politiques suivies par ceux-ci. On pense aux politiques d’austérité infligées aux pays européens…

Cette responsabilité doit être relevée par des organismes publics, dont nous disposons qui plus est: les banques centrales nationales font déjà ce travail. Au niveau européen, on peut très bien imaginer de mettre en commun leurs différentes capacités pour leur confier ce rôle en lien avec la BCE. Il n’appartient qu’à nous de décider de cesser de sous-traiter ce type de service.