À venir
Votre identifiant correspond à l'email que vous avez renseigné lors de l'abonnement. Vous avez besoin d'aide ? Contactez-nous au 01.49.88.68.50 ou par email en cliquant ici.
HAUT
52e Congres CGT

Syndicalisme : les affiliations internationales en débat

16 mai 2019 | Mise à jour le 16 mai 2019
Par
Syndicalisme : les affiliations internationales en débat

Les délégués du 52e congrès votent les amendements au document d'orientation concernant les affiliations syndicales internationales.

Au troisième jour du congrès de la CGT, à Dijon, les délégués ont abordé « les enjeux européens et internationaux, tant sur l'évolution du travail que sur notre activité syndicale », thème 5 du projet de document d'orientation. En présence des invités internationaux, avant leur retour dans leurs pays, ils ont adopté un amendement réintégrant une référence à la Fédération syndicale mondiale (FSM).

 

Mercredi 15 mai, c'est debout que les congressistes ont salué les délégations syndicales internationales invitées des cinq continents par la CGT à son 52e congrès. Les délégués ont d'abord tenu à faire part de la solidarité concrète déployée par leurs syndicats avec les organisations et militants de plusieurs pays : Palestine occupée, Turquie, Bangladesh, Mali… Puis, à l'occasion du débat d'amendements, plusieurs délégués ont posé la question des affiliations internationales de la CGT, le congrès adoptant un amendement au texte d'orientation réintégrant une référence à la Fédération syndicale mondiale (FSM).

Face au capitalisme mondialisé, l'internationalisme syndical

« Renforcer notre activité syndicale à l'international » : telle est l'ambition portée par la CGT, face aux ravages sociaux et environnementaux d'un « capitalisme mondialisé », qui nécessitent de fortes convergences syndicales européennes et internationales. C'est ce sur quoi a d'emblée insisté Nathalie Verdeil, en présentant le thème 5 du rapport d'orientation sur « les enjeux européens et internationaux, tant sur l'évolution du travail que sur notre activité syndicale ».

Il s'agit, a-t-elle rappelé, de construire des revendications et des stratégies dépassant nos cadres nationaux, « le seul terrain national n'étant pas suffisant à l'émergence d'un rapport de force nécessaire pour remettre en cause le capitalisme mondial ».

Solidarité avec les migrants, face au refus des gouvernements de « les accueillir dans des conditions dignes », lutte contre le dumping social et environnemental, combat pour gagner ensemble des droits nouveaux… : « la réflexion au sein de la CES et de la CSI doit porter sur les manières d'accroître efficacement le rapport de force », a-t-elle plaidé.

« La CGT ambitionne de construire des convergences revendicatives dans les filières, le territoires, les entreprises », en cherchant « constamment l'échange et l'unité avec toutes les organisations syndicales, affiliées ou non à la CES et à la CSI », lesquelles « doivent être des outils de convergences des luttes » a aussi précisé Nathalie Verdeil.

Et de proposer que « l'ensemble des confédérations internationales mettent en débat l'exigence de mobilisation dans un cadre unitaire pour rassembler largement les travailleurs dans le monde et développer les luttes revendicatives » comme ce sera le cas le 17 juin à Genève à l'occasion du centenaire de l'OIT

La solidarité en actes

Pour la CGT, c'est en actes que se construit la solidarité internationale. Plusieurs initiatives et actions ont ainsi été mises en lumière en amont du débat d'amendements.

C'est le cas avec la Palestine, contre l'occupation et la colonisation israéliennes qui violent le droit international et les droits humains élémentaires, comme l'a rappelé Shaer Sa'ed, secrétaire général de la PGFTU en Palestine, invité à s'exprimer devant le congrès. Ainsi de la campagne « Non aux liaisons dangereuses des banques françaises avec la colonisation israélienne », que la CGT mène avec des associations telles que l'AFPS ou le CCFD, et qu'a détaillée, notamment, Corinne Ferreira (CGT banques et assurances). Elle a ainsi rappelé que le système bancaire israélien constitue un outil essentiel de la colonisation, que l'enquête menée par les organisations de solidarité révèle des liens financiers entre ces banques et des groupes bancaires français (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BPCE AXA) et qu'il s'agit d'y mettre un terme.

La solidarité s'organise aussi avec les salariés du groupe Renault à Bursa, en Turquie, où le groupe a délocalisé une partie de sa production à la fin des années 1990. Eyüp Özer, de Disk Metal, a pu décrire aux congressistes la lutte des quelque 6 000 ouvriers du site pour choisir librement leur syndicat alors que la direction tente d'imposer un « syndicat jaune » et choisit la répression, le licenciement de militants (lui-même a subi la prison)… D'où la solidarité de la CGT qui, a rappelé Fabien Gâche (CGT Renault), est allée rencontrer les travailleurs turcs et a défendu leurs revendications dans toutes les instances du groupe. Une lutte qui est loin d'être terminée. « C'est grâce à la solidarité internationale que nous parviendrons à gagner la liberté d'exercer nos droits fondamentaux », a ajouté Eyüp Özer.

Autre pays, autre situation, même solidarité de la CGT : le Bangladesh et ses travailleurs –et travailleuses- du textile. Première richesse du pays, l'industrie textile y broie des vies humaines. Le 24 avril 2013, l'effondrement du Rana Plaza provoquait la mort de plus de 1200 ouvriers, et l'on déplorait plus de 2 500 blessés graves. Pour Amirul Haque Amin, président de la Fédération du textile du Bangladesh (NGWF) venu de Dacca à Dijon, il ne s'agit pas d'un accident, mais de l'assassinat de travailleurs du fait de « la négligence des donneurs d'ordres », comme les grandes marques de distribution de vêtements en Europe, ainsi que « des propriétaires des usines et du gouvernement ». La mobilisation internationale, en particulier de la CGT, a permis de contraindre les groupes donneurs d'ordres à indemniser les victimes ou leurs familles, tandis que le gouvernement a dû accepter d'imposer une meilleure protection de salariés. Amirul Haque Amin, lui, a plaidé en faveur d'un socle de droits sociaux pour les travailleurs du monde entier.

D'autres solidarités s'organisent dans les entreprises, multinationales, professions… et ont été saluées au congrès. Ainsi par exemple du soutien, militant et financier, de la CGT cheminots aux cheminots maliens qui, à l'issue de la privatisation des chemins de fer ont vu péricliter la ligne reliant Bamako à Dakar (Sénégal) et ont dû se battre durant plus de dix mois pour recevoir leurs salaires. Ils viennent de gagner. En France, les cheminots appellent quant à eux dans l'unité (CGT, Unsa, Sud-Rail et CFDT) à manifester le 4 juin prochain, dix mois avec le pacte ferroviaire, pour peser sur les négociations et défendre leurs droits…

Débat et amendements sur les affiliations internationales

Invités du congrès, Owen Tudo, secrétaire général adjoint de la CSI, et Luca Visentini, secrétaire confédéral de la CES, ont défendu la nécessité d'un syndicalisme international fort face aux attaques dont sont victimes les travailleurs dans le monde, face au dumping social et environnemental, et plaidé la solidarité contre les concurrences. Luca Visentini a rappelé également que le congrès de la CGT, à la veille de celui de la CES, se tient à un moment essentiel pour l'Europe, alors que « la démocratie et les droits des travailleurs sont assiégés » et que « nous voyons la montée de partis d'extrême droite, nationalistes et néo-fascistes ». Dans ce contexte, a souligné Owen Tudo, la mobilisation du 17 juin à Genève, à l'occasion du centenaire de l'OIT, pour la défense des droits des travailleurs et le droit du travail sera un moment particulièrement important.

La question des affiliations internationales de la CGT a de ce point de vue fait débat. On s'en souvient : en 1995, a CGT avait fait le choix sur le fond et stratégique de quitter la Fédération syndicale mondiale (FSM) et avait adhéré en 1999 à la Confédération européenne des syndicats (CES) puis en 2003 à la Confédération syndicale internationale (CSI). Ce sont ces choix qu'ont questionnés et mis en cause plusieurs délégués lors du débat d'amendements, faisant des affiliations de la CGT une question centrale des discussions de cette partie du rapport d'orientation.

Pour certains délégués en effet, la CES et la CSI ne sont pas assez « offensives », « n'affrontent pas le capital ». Un délégué rappelle en outre la participation de la Histadrout (Fédération nationale des travailleurs d’« Eretz Israël ») à la CSI, alors que, dit-il, la Histadrout « soutient la politique d'apartheid » du gouvernement israélien en Palestine occupée.

D'autres regrettent qu'il n'y ait pas débat sur ce que doit défendre la CGT au congrès de la CES et s'interrogent sur la future présidence envisagée de Laurent Berger. Boris Plazzi, membre de la direction confédérale répond, pour la commission, que la présidence tournante de la CES sera peut-être en effet prochainement assurée par Laurent Berger, qu'il s'agit d'un titre honorifique et symbolique contrairement au secrétariat qui est exécutif. Il ajoute que la CGT va « évidemment y porter ses orientations » et ce sans « en rabattre ».

S'appuyant sur l'idée qu'un large rassemblement syndical international est nécessaire, certains délégués ont plaidé en faveur d'une double affiliation de la CGT à la CSI et à la FSM. D'autres ont proposé que la CGT réintègre la FSM avec un statut d'observatrice. Boris Piazzi répond que la CGT n'observe pas mais agit, et qu'elle le fait avec le maximum d'organisations dans le monde quelle que soit leur affiliation.

A l'issue de ce débat, les délégués ont finalement adopté un amendement précisant que la CGT doit « rechercher constamment l’échange et l’unité avec toutes les organisations syndicales possibles, affiliées ou non à la CES et la CSI » comme le proposait la commission, mais aussi « à la FSM ». Pour Boris Plazzi, la CGT se veut une organisation ouverte et entend gagner la convergence des luttes et revendicatives.