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DISCRIMINATION SYNDICALE

Tefal : justice de classe en place

21 novembre 2016 | Mise à jour le 28 novembre 2016
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Tefal : justice de classe en place

Mobilisation autour de l’inspectrice du travail, Laura Pfeiffer, à la sortie du palais de justice de Chambéry

La cour d'appel de Chambéry a confirmé les condamnations de l'inspectrice du travail Laura Pfeiffer et de Christophe M., informaticien, poursuivis pour violation du secret professionnel et recel de courriels de l'entreprise Tefal. La CGT dénonce la mise en place d'une « justice de classe ».

Dans l'affaire Tefal, tout commence en 2013, lorsque Christophe M., ingénieur chez Tefal, réclame le paiement d'heures supplémentaires à sa direction. En octobre, il découvre un document dans lequel son entreprise cherche à le licencier sans motif sérieux. Sauf peut être celui d'être un empêcheur de tourner en rond et de réclamer ses droits en tant que salarié. Se sachant menacé dans le maintien de son emploi, il transmet les documents à Laura Pfeiffer, inspectrice du travail déjà au fait de la cuisine interne de Tefal. Trop même au goût de son directeur qui lui reproche de trop s'intéresser aux dossiers sociaux de l'entreprise.

Révoltée par ce qui ressemble à un avertissement, l'inspectrice saisit le Conseil national de l'inspection du travail et transmet ces mails à sept syndicats. C'est cet envoi de mails internes qui vaut aux deux lanceurs d'alerte ce procès ubuesque, leur condamnation en première instance à une amende de 3 500 euros d'amende avec sursis et la toute récente confirmation en appel.

Un coup dur pour le monde du travail

Dans un communiqué commun, les syndicats CGT, FSU, Sud, FO et CNT se disent « consternés par la condamnation scandaleuse de l'inspectrice du travail et du salarié lanceur d'alerte » qui « ne sont pas des délinquants ».

Seul bémol de la justice : la non-inscription au bulletin numéro 2 du casier judiciaire de Laura Pfeiffer – consultable lors d'un recrutement dans la fonction publique – et la relaxe pour Christophe M. du chef d'accusation « d'accès frauduleux à un système de traitement de données ». Sans le reconnaître lanceur d'alerte, la justice reconnaît que Christophe M. n'est pas un hacker… Maigre consolation.

 

Coup dur pour l'ensemble des affaires où les lanceurs d'alerte ont un rôle essentiel à jouer pour limiter la toute-puissance des entreprises, cet arrêt s'assoit aussi sur la Convention 81 de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui garantit l'indépendance de la mission de l'inspection du travail.

Cette décision est d'autant plus incongrue qu'elle intervient peu de temps après un arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2016 qui, lui, venait renforcer la protection des lanceurs d'alerte, notamment en matière de liberté d'expression (voir la NVO d'octobre 2016, « Lanceurs d'alerte, une protection renforcée », page 43).

 

Les syndicats s'opposent à cet arrêt et ont décidé de « poursuivre avec toutes les voies judiciaires offertes le combat pour la relaxe pure et simple » de Laura Pfeiffer et de Christophe. Et ce d'autant plus que cet arrêt arrive en même temps que le classement sans suite de la double plainte de Laura Pfeiffer contre sa hiérarchie et contre l'entreprise Tefal. L'inspectrice entendait faire reconnaître les agissements de l'entreprise et de sa hiérarchie pour faire « obstacle à ses fonctions ». Le parquet d'Annecy a considéré qu'il n'y avait pas lieu d'agir. Comment ne pas y voir, comme le fait la CGT, la mise en place d'une « justice de classe ».

Saisie fin août par la centrale syndicale, l'OIT aura à se prononcer sur l'affaire Tefal. Une affaire symbole d'une justice qui passe au grill les droits des salariés et carbonise les lanceurs d'alerte.

Tefal et la loi « travail » L'affaire Tefal a sans doute inspiré la ministre du Travail pour durcir plus encore les conditions d'exercice des inspecteurs du travail, déjà si peu nombreux et trop mal considérés. Dans la loi El Khomri, un chapitre intitulé « De la déontologie des agents du système d'inspection du travail » prévoit qu'un « code de déontologie du service public de l'inspection du travail, établi par décret en Conseil d'État, fixe les règles que doivent respecter ses agents ainsi que leurs droits dans le respect des prérogatives et garanties qui leur sont accordées pour l'exercice de leurs missions définies notamment par les conventions n° 81 et n° 129 de l'Organisation internationale du travail sur l'inspection du travail et au présent livre Ier ». (art. L. 8124-1). Non encore en vigueur, ce code de déontologie risque de déployer tout un arsenal disciplinaire destiné à museler encore plus les agents de l'inspection du travail. À surveiller de près.

 

Lanceurs d'alerte : une protection renforcée

La Cour de cassation vient de renforcer est une jurisprudence importante la protection des lanceurs d'alerte. En cas de licenciement sanctionnant une dénonciation de bonne foi, c'est le régime de la nullité qui s'applique : le salarié a droit à sa réintégration dans l'entreprise. Dans une affaire récente, le directeur administratif et nancier d'une association avait été licencié pour faute lourde, après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements frauduleux de deux responsables de l'association. Un licenciement qui porte atteinte, selon les juges, à la liberté d'expression, et en particulier au droit des salariés de signaler des actes illicites constatés sur leur lieu de travail.

Cass. soc. 30 juin 2016, n° 15-10557, association Agrexam

 

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