Rétropédalage sur la place de la « sécurité sociale » dans la constitution
Il est toutefois manifeste que le gouvernement et sa majorité n'ont absolument pas l'intention de revenir en arrière, et que les menaces demeurent.
En premier lieu, il est proprement ahurissant que la majorité parlementaire agisse ainsi en catimini, et change sans la moindre discussion avec les partenaires sociaux la définition même de la Sécurité sociale, qui reste encore aujourd'hui définie « comme un service public dont la gestion est confiée à ses usagers ». Car, contrairement à la Sécurité sociale qui est une notion extrêmement précise, définie à de nombreuses reprises par la jurisprudence du Conseil constitutionnel et du Conseil d'État, et qui est fondée sur les notions de redistribution et de solidarité, la protection sociale ne recouvre aucune définition juridique précise. C'est aujourd'hui avant tout une notion statistique, utilisée par la comptabilité nationale notamment dans les comptes de la protection sociale, et qui regroupe la Sécurité sociale au sens habituel du terme, les retraites complémentaires et l'assurance-chômage, l'action sociale des départements et des communes, mais aussi les mutuelles et les institutions de prévoyance, qui relèvent du champ concurrentiel.
Qui plus est, alors que la Sécurité sociale est, au regard du droit communautaire, un service d'intérêt général non économique, les mutuelles et les institutions de prévoyance sont soumises au droit de la concurrence, comme le prouve le fait qu'elles sont soumises aux règles prudentielles européennes des assurances dites « solvabilité 2 ». Certes, le terme Sécurité sociale, comme s'en défend l'auteur de l'amendement, Olivier Véran, ne disparaît pas de la constitution : l'article 34 de la constitution continue à prévoir que la « Loi détermine les principes fondamentaux de la Sécurité sociale ». Mais il ne prévoit aucunement de définir d'éventuels « principes fondamentaux de la protection sociale ».
En fait, les choses apparaissent clairement : l'objectif de cet article est de soumettre l'assurance-chômage et les retraites complémentaires à des lois de financement la Sécurité sociale élargies, de même que la « dépendance » (que la CGT appelle droit à l'autonomie, ce qui est bien plus qu'un simple débat sémantique), et sans doute les régimes publics de retraite et les régimes spéciaux (industries électriques et gazières, régime de retraite de la SNCF et de la RATP, etc.).
Cela n'est guère surprenant, quand on sait que le gouvernement a prévu de financer par la CSG la suppression des cotisations d'assurance — chômage, et prévoit de baisser de 6 points les cotisations patronales et d'exonérer totalement l'assurance-chômage et les retraites complémentaires de cotisations employeur au niveau du SMIC. Or la CSG est actuellement totalement affectée au financement de la Sécurité sociale, et le flou est total sur la transformation du CICE en baisses de cotisations sociales, et sur la compensation des exonérations prévues par le Gouvernement. Le 3e objectif du gouvernement est donc bien, et cela apparaît clairement à la lecture de l'exposé des motifs de l'amendement un financement largement fiscalisé de cette protection sociale aux contours des plus flous, donc un recul massif du financement par cotisations sociales, qui sont un salaire socialisé, c'est-à-dire un élément de la rémunération des salariés.
L'objectif final est donc de baisser la part socialisée de la rémunération des salariés, c'est-à-dire de baisser les alaires pour augmenter les profits. Il existerait bien une solution alternative, celle de renforcer la place de la Sécurité sociale et d'étendre son champ. La CGT propose déjà que le droit à l'autonomie soit partie intégrante de la Sécurité sociale. C'est la voix que dessine le nouveau statut du travail salarié et la Sécurité sociale professionnelle défendue par la CGT, qui serait articulée à une réforme de progrès du financement de la Sécurité sociale.