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Birmanie

Un an après le coup d’État, l'opposition démocratique birmane résiste

3 février 2022 | Mise à jour le 3 février 2022
Par | Photo(s) : AFP
Un an après le coup d’État, l'opposition démocratique birmane résiste

Birmanie. Manifestant brandissant une pancarte de l'opposition à la junte militaire qui s'est emparée du pouvoir.

Le 1er février 2021, une junte militaire prenait, par un coup d'État, le pouvoir en Birmanie, renversant un régime démocratiquement élu tout juste trois mois auparavant. Un an après, la situation sur place est désormais insurrectionnelle.
« Ce qu'il se passe en Birmanie ? C'est une révolution. Une révolution démocratique pour renverser cette dictature militaire. » Aung Myo Min, le ministre des Droits humains du gouvernement parallèle d'unité nationale (NUG) crée au lendemain du coup d'État perpétré par les militaires le 1er février 2021, ne peut pas être plus clair. Depuis cette date, le pays est en effet plongé dans une spirale de violences brutales, d'atrocités orchestrées par des militaires qui, face au refus général suscité par leur prise de pouvoir et le renversement d'un gouvernement démocratiquement élu en 2020, n'ont trouvé d'autres moyens que de semer la terreur dans le pays pour assurer leur domination.

Les civils font face à une répression aveugle et sanglante

« Cette violence extrême des militaires qui détruisent des villages entiers, exécutent les gens sans autre forme de procès, pillent, violent, brûlent des personnes vivantes, ces crimes contre l'humanité et crimes de guerre, mais aussi l'apathie de la communauté internationale ont poussé les populations à bout. Certains ont donc décidé qu'il était de leur devoir et de leur responsabilité de protéger leurs biens et les leurs et de se regrouper dans des Forces de défense populaires », explique le ministre. Résultat : depuis le coup d'État il y a tout juste un an, c'est plus de 1 500 civils qui ont été abattus et près de 9 000 qui ont été arrêtés par la soldatesque birmane quand, côté militaire, on enregistre jusqu'à une centaine de morts par jour lors des opérations de « rétablissement de l'ordre » menées un peu partout à travers le pays.

Syndicalistes et fonctionnaires sont les premiers visés par la répression

Cette résistance armée, de facto justifiée par le NUG, n'est cependant pas la seule « arme » utilisée par les révolutionnaires. « Des manifestations pacifiques sont régulièrement organisées par les populations locales, comme l'opération “Ville morte” qui a paralysé Rangoun  [le 1er février, NDLR]. Et il y a aussi les actions du mouvement de désobéissance civile des fonctionnaires », détaille Aung Myo Min. Fonctionnaires qui, dès le début, se sont engagés contre la junte et, pour certains, l'ont payé de leur vie. « Les syndicalistes ont aussitôt réagi en se mettant en grève, rappelle Sylvain Goldstein, conseiller confédéral CGT pour l'Asie et la zone Pacifique. Et ils ont été parmi les premiers à se faire arrêter, à être recherchés, assassinés. »

Les militaires contrôlent l’économie à leur seul profit

Si la situation sociale est plus que critique, l'économie ne va désormais guère mieux. « Les militaires n'ont jamais eu à cœur les intérêts du pays ou des populations, ils ne pensent qu'à leurs propres avantages », déplore le représentant du NUG. Et ceux-ci sont énormes. Les militaires et leurs amis contrôlent en effet quasiment toute l'économie, tous les revenus du pays au travers de sociétés écrans sans lesquelles, au moyen de pots-de-vin plus que substantiels, il ne peut y avoir d'investissements, d'implantations dans le pays pour des multinationales qui souhaiteraient le faire. « C'est pourquoi nous appelons les responsables des multinationales à cesser de soutenir financièrement la junte, à bloquer leurs investissement et à arrêter de faire des affaires avec les militaires tant que ceux-ci n'auront pas été renversés », plaide Aung Myo Min.

Total annonce (enfin) son retrait du pays

Le géant de l'énergie français Total, qui exploite depuis 1992 des champs gaziers en Birmanie, aurait-il entendu cet appel ? Dans un communiqué officiel, le pétrolier annonçait en effet le 21 janvier son intention de se retirer du pays dans les six mois, invoquant « un État de droit et des droits humains qui ne cessent de se détériorer depuis le 1er janvier 2021 ». Une prise de conscience un peu tardive derrière laquelle se cacheraient d'autres raisons, plus pragmatiques. « Total est dans une période un peu charnière. Le groupe essaye de se refaire une virginité environnementale en affirmant son grand virage énergétique et veut effacer le fait qu’il continue d'être un pétrolier et gazier important derrière toutes ces nouvelles activités d'énergie renouvelable, rectifie Éric Sellini, de la CGT Chimie. Sans oublier de possibles pressions de la part des fonds d'investissement qui, eux aussi, essayent de verdir leurs revenus et arrêtent d'investir dans des entreprises non éthiques ou polluantes. »

L’opposition démocratique reconnaît aux Rohingyas le droit de vivre

De quoi encourager néanmoins le gouvernement parallèle birman et une population acquise en quasi totalité à sa cause dans la lutte contre les militaires. « Nous sommes en train de poser les fondations d'une véritable union fédérale démocratique dans laquelle toutes les différences, toutes les ethnies seront reconnues », assure le ministre birman, insistant sur le fait que cette union fédérale s'adressera bien a tous. « Le NUG a pris une décision très importante en juillet dernier en reconnaissant aux Rohingyas, y compris ceux réfugiés au Bangladesh, le droit de vivre en Birmanie en tant que citoyen à part entière, ainsi que les crimes contre l'humanité et les violations flagrantes des droits de l'homme dont ils ont été les victimes. » Et Aung Myo Min en est maintenant convaincu : « Le soutien de la population et son engagement sont essentiels dans la gestion d'un pays. Nous avons déjà gagné cette bataille. »