25 octobre 2019 | Mise à jour le 25 octobre 2019
Dans son dernier opus paru aux éditions de l'Atelier en octobre 2019, Jean-François Naton s’attache à penser l’avenir de la Sécurité sociale. Avec, pour ambition, d’assurer une seconde vie, durable et prospère, à ce prodigieux système de santé qui, bien qu’attaqué, a vocation à demeurer le socle fondateur de notre modèle de société.
Trois quarts de siècle après la naissance de la Sécurité sociale, il ne s’agissait par, pour Jean-François Naton, de commettre un énième ouvrage célébrant l’audace et le génie politique des pères fondateurs de la « Sécu » qui, au sortir de la deuxième guerre mondiale, imaginèrent un système solidaire de santé pour tous, financé par le travail de chacun.
Analyser le réel, pour le transformer
Sans faire l’impasse sur les conditions historiques de la genèse de cet extraordinaire projet de société – conditions qui furent tout sauf idylliques, rappelle-t-il dans l’introduction – mais sans céder à la nostalgie, l’auteur poursuit un double objectif: examiner les causes de l’effondrement de notre système de santé, d’une part; et d’autre part, offrir des perspectives concrètes et réalistes pour sa nécessaire rénovation.
Revenir aux fondements de la Sécurité sociale, à « l’ordre ancien », oui, mais dans le but d’ouvrir des perspectives transformatrices du « désordre présent« , telle est ici l’intention de l’auteur qui précise: « Relire cette histoire pour comprendre que nous devons, comme nos ainés, tenir compte du réel, l’analyser, non pour nous en satisfaire mais bien pour œuvrer à le transformer » .
Sortir de l’insécurité sociale
En commençant par renverser l’ordre actuel, invite l’auteur. C’est à dire sortir de sa logique d’inspiration néolibérale qui, au cours des 70 années écoulées, a pernicieusement presque parachevé son projet de marchandisation de la santé. A rebours de quoi, Jean-François Naton préconise une « nouvelle mise en sécurité sociale » qui serait davantage axée sur la prévention.
Ne plus se contenter de soigner les maux, mais interroger leurs causes, y compris et surtout, environnementales, climatique et managériales, tel est le changement de paradigme proposé pour sortir de l’insécurité sociale. Non pas, donc, abandonner la logique curative qui a prévalu, jusqu’à prendre le pas sur la logique préventive, mais harmoniser les deux dimensions, en axant davantage l’action de la Sécurité sociale sur la prévention et le lien avec les assurés.
Au fil des huit chapitres qui le composent, ce livre dresse un diagnostic circonstancié sur les causes de la fragilisation progressive de notre système de santé, aujourd’hui rendu au stade de crise profonde. Une fragilisation orchestrée par ses détracteurs historiques, patronat et gouvernements successifs, depuis sa naissance en 1946 et jusqu’à nos jours.
Conditions de persistance d’une idée née de la Résistance
L’auteur fait remarquer, et c’est tout l’objet du premier chapitre, que par-delà toute considération d’ordre idéologico-politique, la « Sécu » aura surtout souffert de sa banalisation, et d’abord dans l’esprit des assurés. En dépit de quoi, cette idée belle et juste née des cendres de l’après-guerre, a persisté et résisté à nombre d’assauts pour des raisons consubstantielles à sa vocation d’intérêt général: assurer des jours heureux, c’est à dire en bonne santé, à l’ensemble de la société.$
Les sept chapitres suivants s’attachent à tirer les leçons de 70 ans d’histoire de la Sécurité sociale. Non pas pour sacraliser le projet d’origine tel qu’il fut conçu dans les circonstances de l’époque, mais pour tracer un chemin vers son renouveau et, osons le mot, vers sa réforme profonde et nécessaire afin de l’adapter aux exigences des conditions de vie du 21ème siècle, depuis sa conception nouvelle jusqu’à son financement et au rôle des acteurs susceptibles de la gérer.
A lire, à relire et à méditer par toutes celles et ceux qui, aujourd’hui comme hier, considèrent qu’une société en bonne santé suppose, à minima, la possibilité pour chacune et chacun de pouvoir se soigner. Ou, comme avec Juvenal, la possibilité d’un « corpore sano » comme condition d’une société « sana ».