Travailleurs migrants : victimes condamnées
Jugés pour détention et usages de faux documents administratifs, six jeunes travailleurs migrants ont été condamnés par le tribunal d’Albi, alors qu’ils ont été... Lire la suite
Des travailleurs sans papiers en lutte pour la régularisation à Paris, le 18 octobre 2023.
On pensait naïvement avoir touché le fond, au gré des lois restreignant avec constance les droits des personnes immigrées. Depuis sa nomination place Beauvau, le ministre de l'Intérieur montre qu'il n'en est rien. Il n'a de cesse de durcir les conditions – déjà draconiennes – d'obtention de titres de séjour et de régularisation des sans-papiers. Dernier tour de vis en date pour complaire encore et toujours à l'extrême droite : la publication au Journal officiel, le 22 mai, de la liste actualisée des métiers dits « en tension ». Prévue dans la loi relative à l'immigration adoptée sous l'ancien ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, en janvier 2024, cette liste doit permettre aux hommes et aux femmes sans papiers, et travaillant dans les métiers identifiés comme tels, d'obtenir un titre de séjour temporaire, à condition de justifier de douze mois de bulletins de salaire dans l'activité sur les vingt-quatre derniers mois, et de trois ans de présence en France.
Elaborée par régions, cette liste avait fait l'objet d'une concertation paritaire en début d'année. La CGT, pourtant opposée à cette logique de tri, y avait fait du forcing pour élargir le champ. Mais Bruno Retailleau, qui s'était opposé au titre de séjour exceptionnel pour les métiers en tension lorsqu'il était à la tête du groupe LR au Sénat, a imposé une liste extrêmement restrictive. En Ile-de-France, par exemple, le gros œuvre du BTP, les plongeurs et commis de cuisine de la restauration, les secteurs de la propreté et du nettoyage, de la collecte et du traitement des déchets, le tri et la livraison logistique, qui emploient bon nombre de travailleurs immigrés (avec ou sans titre de séjour) en sont exclus. « Bruno Retailleau impose une nouvelle fois sa vision dogmatique et xénophobe de la société, interdisant à des dizaines de milliers de travailleuses et travailleurs étrangers d'exercer leur métier et d'occuper des emplois qui, pour la grande majorité, sont essentiels à nos concitoyens. Ainsi, les salariés étrangers travaillant dans ces secteurs se verront dans la quasi-impossibilité de bénéficier d'un premier titre de séjour, de renouveler leur carte de séjour et, donc, de travailler en étant déclarés », a dénoncé la CGT dans un communiqué de presse. « On se retrouve avec une liste amputée de nombreux métiers. Bruno Retailleau livre en pâture des milliers de travailleurs franciliens à des patrons qui vont profiter de leur fragilité administrative pour dégrader leurs conditions de travail », commente Bernard Rondeau, membre de la commission confédérale CGT chargée des droits des travailleurs étrangers.
Toujours dans la même logique répressive et inefficace, la circulaire Retailleau du 23 janvier 2025 durcit les conditions d'admission au séjour pour les sans-papiers en abrogeant la circulaire Valls de 2012. Loin d'être parfaite, celle-ci permettait toutefois des régularisations par le travail au compte-goutte pour celles et ceux qui attestaient de trois ans de présence en France et d'une activité professionnelle de vingt-quatre mois. Dorénavant, il faudra avoir vécu la boule au ventre en France au moins sept ans. Tout refus par les préfectures devra être systématiquement assorti d'une OQTF (Obligation de quitter le territoire français). « Comme Bruno Retailleau ne peut pas produire une énième loi sur l'immigration en 2025, il fait pression sur les préfets pour qu'ils fassent des sept ans de présence en France un indice d'intégration parmi d'autres. La logique, c'est de multiplier les reconduites à la frontière, pas les régularisations », décrypte Jean-Albert Guidou, coordinateur des travailleurs migrants au sein de l'Union régionale Ile-de-France (Urif) CGT. « La circulaire Valls, même très imparfaite, fixait un certain nombres de critères connus pour la régularisation par le travail. Aujourd'hui, nous sommes dans l'incapacité d'apprécier ce qui est attendu. La préfecture de police de Paris dit évaluer la situation globale de la personne et notamment son insertion professionnelle. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Tout est affaire d'interprétation.Sept ans avant d'être régularisé, c'est autant d'années d'exploitation. Des milliers de personnes sont maintenues dans une extrême vulnérabilité, par pure idéologie d'un homme qui n'aurait jamais dû se retrouver au pouvoir si le résultat des urnes [aux élections législatives de juillet 2024, où le Nouveau Front populaire est arrivée en tête, NDLR] avait été respecté », analyse Adèle Tellez, secrétaire à la politique revendicative de la CGT Paris.
Plus globalement, le syndicat dénonce « l'évolution délétère de l'accueil des travailleurs étrangers à la préfecture de police de Paris ». « Il est devenu de plus en plus difficile pour les travailleurs étrangers, en situation régulière ou non, d'obtenir un rendez-vous en vue d'une première demande ou d'un renouvellement. Des salariés voient leur contrat de travail suspendu, parfois du fait de l'expiration de leur titre de séjour de dix ans », observe Adèle Tellez. Bernard Rondeau, par ailleurs militant dans les Hauts-de-Seine, partage le même constat kafkaïen. D'autant que la dématérialisation des démarches a rendu les procédures encore plus dysfonctionnelles. « Un agent de la RATP, en France depuis ses cinq ans, a failli être suspendu de son poste au lendemain de l'expiration de sa carte de séjour de dix ans », raconte le militant, qui en appelle à la responsabilité sociale des entreprises pour aider leurs salariés à renouveler leur titre de séjour. « La particularité de la période, c'est que même les travailleurs étrangers en situation régulière sont attaqués, ce qui témoigne d'une politique xénophobe », enchaîne Jean-Albert Guidou. Les portes, simplement entrebâillées se referment, des milliers de personnes sont maintenues ou vont basculer dans la clandestinité et la précarité. Une politique de dumping social qui, au bout du compte, dessert l'ensemble de la classe ouvrière, dénoncent unanimement les militants rencontrés.
Jugés pour détention et usages de faux documents administratifs, six jeunes travailleurs migrants ont été condamnés par le tribunal d’Albi, alors qu’ils ont été... Lire la suite
Alors que ce 18 décembre nous célébrons la 24ème Journée internationale des migrant.e.s, la situation des personnes exilées en Europe et en France est plus préoccupante que... Lire la suite