2 juin 2023 | Mise à jour le 2 juin 2023
Ce jeudi 1er juin, des camarades de La Creuse, de l’Allier de la Haute-Loire, de la Haute-Vienne, du Puy de Dôme, d’Isère ainsi que des militants des syndicats local FO, FSU, Solidaire et UNSA se sont rassemblés dans le cadre d’une journée d’action nationale contre la répression syndicale aux côtés de leurs camarades à Montluçon, dans l'Allier. Sophie Binet était à leurs côtés. Reportage.
Les camarades avaient installé un buffet devant l'union locale. Un superbe bâtiment classé monument historique, qu'ils défendent bec et ongles. En effet, comme d'autres en France, la mairie de Montluçon a pris la décision d'expulser la CGT de la maison des syndicats “qui se trouve être dans ces locaux depuis plus de 120 ans ! Pour en faire une « Maison de l'entreprendre, une espèce d'incubateur d'entreprise” regrette Laurent Indrusiak, secrétaire Général de l'UD CGT de l'Allier. « En 1896, le maire de l'époque avait dédié ce bâtiment aux ouvriers pour qu'ils puissent se réunir, se restaurer, discuter, se cultiver, s'éduquer, pas un marché de la chambre de commerce !” La mairie a trouvé de bon ton de proposer à l'Union Locale CGT d'être relogée dans une des écoles qu'elle ferme l'an prochain.
Une répression syndicale très concrète
Jeudi, alors que la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet découvrait le bâtiment, les militants ont improvisé une Internationale vibrante d’émotions dans ces locaux emblématique de l'Histoire ouvrière du bassin industriel, plus motivé que jamais à ne pas se laisser faire. En effet, une répression syndicale très concrète vise les militants de la CGT locale. L’expulsion est annoncée pour le 1er juillet. Depuis qu'ils en ont connaissance, les militants s'activent. “Nous nous sommes rendus au conseil municipal qui devait délibérer sur la fermeture de deux écoles, dont celle dans laquelle le maire nous propose de reloger la CGT. Des parents avec leurs enfants, des militants de la CGT, Solidaires, de partis politiques (PCFet LFi), le conseiller régional LFi-Communiste étaient présents” détaille Laurent Indrusiak. Ils refusent que dans le même mouvement un syndicat soit expulsé et une école fermée.
Empoigné par la BAC
Fort de l'intervention de ce petit groupe, le maire décide de suspendre la séance, et appelle les forces de police puis demande un vote afin de poursuivre le conseil municipal à huis clos. Les syndicalistes quittent les lieux. Laurent Indrusiak fait alors sonner une sirène de manifestation, on lui demande de l'éteindre. Deux policiers de la BAC l'empoignent, lui disent qu'il est filmé et l'embarquent direction le commissariat. Des camarades tentent de s'interposer, il est trainé jusqu'à la voiture. Sur le chemin, les policiers ont l'ordre de le ramener à la mairie et de n'effectuer qu'un contrôle d'identité. Le secrétaire de l'UD a de multiples contusions, choqué par cette intervention qui semble n'avoir qu'un but : réprimer l'expression syndicale, faire taire ceux et celles qui sortent du rang. Cet événement n'est que l'une des péripéties qui confirme l'ambiance détestable autour du syndicalisme dans l'Allier ces derniers mois.
« Le département détient un triste record dans la répression syndicale”, constate Sophie Binet. Dans les jours qui viennent elle interpellera à ce sujet la première ministre Elisabeth Borne et le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin pour leur demander d'assurer la liberté syndicale, et que le harcèlement dont sont victimes les camarades cesse.
Ce jeudi, en début d'après-midi, devant le tribunal de Montluçon, face à la mairie, les intervenants se succèdent et égrènent une longue litanie : dix-sept convocations au commissariat ou à la gendarmerie, neuf passages en audience au tribunal, une mise en examen, deux relaxes, six condamnations pour Laurent Indrusiak. Il a encore six instructions en cours pour autant de jugements possibles et a été entre autres mis en cause pour agression sonore, pour avoir collé des autocollants sur un horodateur, coller des tracts sur le local du medef, participé à une opération escargot… En mars 2023, Laurent Indrusiak rentre de manifestation avec le véhicule du syndicat, encadré par trois motards de la police nationale. “Depuis février 2023, il a été interpellé pour contrôle d'identité faisant objet de violences policières qui ont occasionné 2 jours d'ITT constatés avec un dépôt de plainte”, confirme son avocat Maître Eric Nury. “Il a également refusé de se soumettre à un prélèvement ADN dans le cadre d'une interpellation, ce qui peut être susceptible de constituer une infraction pénale.” Le discernement dont font preuve le parquet et la police dans ces affaires interroge . “Ou nos militants dans l'Allier sont de dangereux délinquants, des terroristes, auquel cas il faut apporter des éléments, ou ils sont victimes d'un acharnement judiciaire” dénonce Sophie Binet.
Dans ce contexte national de répression syndicale, la CGT revendique l'arrêt des poursuites pénales et disciplinaires contre les militants
Le secrétaire de l'UD n'est pas le seul visé par la répression syndicale. Le secrétaire général du syndicat Allier Creuse Energie, Emmanuel Serret, est visé par deux convocations au commissariat de Montluçon et deux plaintes en cours d'instruction. Elena Blond, secrétaire générale de l'union locale à fait l'objet de huit convocations au commissariat de Montluçon, d'une condamnation de rappel à la loi et deux plaintes sont en cours d'instruction. Une autre membre de la direction de l'union locale, Caroline Berardan, est sous le coup d'une convocation en cours d'instruction. A Vichy, Antoine Jubin, membre de la direction de l'union locale, a été placé 48 heures en garde à vue suite à un incident sur un rond-point. Il a été renvoyé à une audience de jugement le 3 octobre prochain et placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de manifester jusqu'à cette date. Dans ce contexte national de répression syndicale, la CGT revendique l'arrêt des poursuites pénales et disciplinaires contre les militants dans le cadre d'actions de mobilisation ; l'amnistie pour toutes celles et tous ceux déjà condamnés ou sanctionnés dans le cadre de leur action syndicale et que l'on protège les unions départementale des expulsions.
“Laurent Indrusiak est membre du bureau confédéral de la CGT. Lorsqu'on touche à un cheveux d'un membre de la CGT, c'est toute la CGT que l'on agresse” prévient Sophie Binet. “Je reviendrai aux côtés de nos camarades autant de fois qu'il sera nécessaire jusqu'à ce que cet acharnement judiciaire contre la CGT cesse.”