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ÉLECTIONS

Urgence démocratique, exigences sociales

24 avril 2017 | Mise à jour le 25 avril 2017
Par | Photo(s) : DR
Urgence démocratique, exigences sociales

À l'issue du premier tour de l'élection présidentielle, il s'agit de barrer la route à l'extrême droite et en même temps de faire entendre les exigences sociales et économiques des salariés et du monde du travail. Premier rendez-vous le 1er Mai.

Ce sera donc un second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Autrement dit, entre le représentant des intérêts des banques et l'héritière de l'extrême droite française. Ce dimanche, à l'occasion du premier tour de l'élection présidentielle, 78,7 % des citoyens inscrits ont participé au scrutin, soit un peu moins qu'en 2012 (79,48 %). Quatre des candidats ont récolté un peu plus de 80 % des suffrages. Emmanuel Macron, dont c'était la première campagne, est arrivé en tête avec 23,7 % des exprimés (18,2 % des inscrits) et Marine Le Pen le suit avec 21,53 % des exprimés (16,5 % des inscrits) soit, avec 7,643 millions de voix, un peu plus de 1,2 million de voix de plus qu'en 2012 (où elle en obtenait 6,421).

La campagne aura été à de nombreux égards inédite : état d'urgence, affaires financiaro-judiciaires (en l'occurrence concernant la candidate du FN et celui de la droite), lâchage d'un candidat officiel par les dirigeants de son parti (en l'occurrence Benoît Hamon, la direction du PS lui ayant préféré Emmanuel Macron)…

Les résultats aussi.

Les facettes contradictoires d'une aspiration au changement

Les partis successivement au gouvernement depuis des décennies, qui mènent en fait des politiques économiques s'inscrivant dans la même continuité libérale et austéritaire, ont été éliminés. Et des aspirations profondes au changement se sont exprimées.

Aspiration au changement à gauche, avec le score (lui aussi inédit depuis des décennies pour ce courant de la gauche) de la France insoumise. Là s'est sans doute d'abord exprimée la volonté de mettre un terme à des politiques nationales et européennes guidées par les tenants des marchés et de la finance.

Mais la volonté de nouveau s'est aussi, paradoxalement, manifestée parmi une partie des électeurs d'Emmanuel Macron. Car si celui-ci a été, dans le gouvernement de François Hollande, le promoteur d'une loi antisociale qui porte son nom et de la loi « travail » portée par Myriam El Khomri contre laquelle s'est prononcée une majorité massive des citoyens, il a su cependant se présenter, ou se faire dépeindre par de grands médias aux mains de ses amis de classe, non seulement comme le rempart le plus sûr contre Marine Le Pen, mais aussi comme un homme jeune. Ce qui a très vite été traduit par homme neuf, renouvelant la politique et les façons de la pratiquer.

L'aspiration au changement, enfin, s'est aussi manifestée, mais de la pire des façons, dans le vote en faveur de la candidate d'extrême droite. Ses affidés ont eux aussi annoncé un changement radical dont leur cheffe seule serait porteuse. Pour cela, ils stipendient un système dont Marine Le Pen est pourtant issue et qui a fait la fortune familiale ; ils rejettent l'Europe plutôt que de vouloir en changer les règles et les orientations ; et ils présentant l'Autre, le migrant, l'étranger, comme le dangereux concurrent en quête de prestations indues et menaçant l'identité nationale.

Extrême droite : une menace pour toute la société

La menace d'extrême droite est bien réelle. Certes, Marine Le Pen, quinze ans après son père, n'est arrivée que seconde au premier tour contrairement à ses espoirs, et n'a pas atteint les 30 % qu'elle escomptait. Elle progresse tout de même, captant une partie des colères nées de décennies de politiques inégalitaires au profit du grand patronat, des banquiers, des actionnaires, et bénéficiant de la légitimation de ses thèses d'exclusion les plus nauséabondes par une partie de ses concurrents en quête de voix…

Solidarité : l'ADN de la CGT

La CGT, parce qu'elle fait de la solidarité le moteur de son combat, de l'égalité des droits, du progrès social et du respect de la planète son horizon, a toujours combattu l'extrême droite dont les thèses comme les pratiques s'inscrivent aux antipodes de cette ambition et de cette démarche. Le FN (au-delà même d'une naissance et d'une histoire marquées par le colonialisme et les guerres coloniales autant que par les provocations négationnistes et les « dérapages » antisémites), c'est aujourd'hui encore et d'abord la mise au ban de l'étranger, et non du patronat lorsque celui-ci surexploite les uns au détriment de tous. C'est la discrimination revendiquée. C'est la division sociale pour rendre obsolètes les luttes communes. C'est la haine du syndicalisme, et en particulier de la CGT. C'est aussi la volonté d'une sortie de l'Europe et de l'euro au nom de la nation, qui se retrouverait en réalité isolée et avec une monnaie dévaluée, au détriment à la fois des consommateurs et des salariés. Bref, tout l'inverse d'une société de progrès et de mieux vivre pour laquelle s'engagent les militants de la CGT.

Les faux-semblants sociaux du FN

Après avoir joué la carte du ripolinage, se présentant comme un parti du peuple, des ouvriers et des perdants de la mondialisation, Marine Le Pen, dès avant le premier tour, a fait des appels du pied à l'électorat traditionnel de l'extrême droite la plus rance. Pas seulement par ses diatribes guerrières contre le « fondamentalisme islamiste » à l'intérieur comme à l'extérieur du pays. Mais aussi par ses provocations sur la rafle du Vél' d'Hiv', ou même sur les protestants, cette minorité religieuse qui en réclamerait trop. À la veille du second tour, la voilà dans une contradiction stratégique : elle va devoir à la fois  tenter de se présenter comme l'alternance aux oligarchies financières représentées par Emmanuel Macron, et séduire une partie des électeurs de droite.

L'antifascisme est une donnée essentielle de l'ADN de la CGT et de son combat. Hors de question donc de laisser l'extrême droite accéder au pouvoir.

Se mobiliser pour les exigences sociales

Pour autant, en aucun cas, cela ne saurait signifier, bien au contraire, un blanc-seing à celui à qui l'on doit la loi « travail », la remise en cause du droit du travail, l'inversion de la hiérarchie des normes, le travail du dimanche dans les zones commerciales, la séparation de classe entre les pauvres assignés à l'autobus malgré les impacts écologiques et la sécurité, et les autres pouvant accéder au train… À celui qui, issu de la banque, entend financiariser encore un peu plus l'économie alors même que la financiarisation a provoqué sa crise mondiale. À celui qui promet de ne pas taxer les actionnaires et de flexibiliser davantage le travail. Et de réduire à l'insécurité sociale des millions de travailleurs, de retraités, de privés d'emploi, et toute une génération déjà précaire…

Les enjeux de cette élection demeurent bel et bien tels que ne cessent de les défendre la CGT, qu'il s'agisse du partage des richesses, de la reconquête de l'industrie, de l'emploi, de l'organisation et du temps de travail, du développement des services publics, de l'école, de la santé, de l'accès à la culture. De la démocratie et de la solidarité.

Un premier mai combatif

Il reste un second tour à la présidentielle le 7 mai, et des élections législatives en juin. D'ici là, les salariés, les uberisés… sont appelés non seulement à poursuivre les luttes engagées dans les entreprises mais aussi à se mobiliser largement dans la rue le 1er mai prochain. Pour se faire entendre. Pour dire non à l'extrême droite. Mais aussi pour refuser des choix d'austérité, d'inégalité, qui conduisent le monde du travail à la crise et à l'impasse. Et qui pavent la route de cette extrême droite. Exigences démocratiques, exigences sociales : décidément, elles sont indissociablement liées.