25 avril 2018 | Mise à jour le 25 avril 2018
Soutenus par la CGT, les salariés de la verrerie Verescence de Mers-les-Bains-le Tréport mènent une heure de grève quotidienne de puis le 12 avril pour les salaires et un accord de méthode pour une revente de leur usine dont ils sentent l'imminence.
Lorsque la CGT de la verrerie de Mers, spécialisée dans le flaconnage de luxe pour la parfumerie a entamé les négociations annuelles obligatoires en février, elle était porteuse d'une revendication qui « n'a rien de délirant » en cette période où l'on parle de reprise et où l'activité de la parfumerie est plutôt prospère. Elle a déposé un cahier revendicatif en trois points : une augmentation générale de 2,5 % avec un plancher à 50 euros mensuel pour revaloriser les salaires les plus bas de l'entreprise ; une revalorisation de la prime de vacances d'environ 216 euros brut. Mais elle demande aussi la tenue d'un Comité de Groupe exceptionnel avant la fin du mois de juin 2018 afin de négocier un accord de méthode sur une revente prochaine et probable du site par le fonds d'investissement américain Oaktree propriétaire de la verrerie depuis février 2010.
Ce n'est pas la première fois que les 800 salariés de cette verrerie spécialisée sont au centre de montages financiers. Depuis la vente du groupe Saint Gobain-Desjonqueres en 2007, ils ont connu en 2016 la séparation de leurs activités de flaconnage pharmaceutique, puis la revente de cette activité. « Cette fois, nous voulons être associés à ce processus », affirme Ludovic Krzivozeca, délégué central CGT. « Pas question d'apprendre dans la presse économique que nous sommes revendus. Nous voulons être informés en amont, pouvoir donner notre avis sur les repreneurs dans le cadre d'une cession ».
En d'autres termes, le syndicat CGT et les salariés veulent être régulièrement informés pour éviter que seule la question financière soit prise en compte lors de la signature de cette cession. Non seulement afin de pérenniser leurs emplois et leurs productions, mais aussi pour que la profitabilité de cette cession ne soit pas exclusivement partagée entre les actionnaires.
Un accord de méthode pour ne pas subir
La CGT revendique donc un accord de méthode prévoyant la présentation d'un « business plan » ; l'annonce du lancement du processus de vente ; la présentation des différents acquéreurs potentiels afin d'en connaître la vision industrielle et le montage financier. Enfin la coordination CGT du groupe demande « que soit inscrit dans l'accord de méthode, le versement d'une prime exceptionnelle d'une valeur de 5 % de la transaction financière par le fonds Oaktree à parts égales pour les 3000 salariés du groupe Verescence ».
Juste retour des choses étant donné que la finalité de cette cession par le fonds d'investissement est de réaliser une plus-value confortable. Le fonds Oaktree « a déjà largement rentabilisé sa mise de départ lors de la cession de l'activité Pharmacie au fonds chinois JIC en 2016 et les montages financiers rendent impossibles le versement de participation aux bénéfices pour les salariés, alors que des efforts leur sont constamment demandés pour accroître la profitabilité du groupe et la valeur de celui-ci au moment de la revente », explique Jérôme Letout, secrétaire du comité d'entreprise.
Au service de seuls les actionnaires
À ces revendications légitimes des salariés, la direction du groupe a répondu par la négative au terme de 3 séances de négociation. Elle ne veut pas entendre parler de l'augmentation de la prime de vacances et se cantonne à une revalorisation de 1 %. Quant à l'accord de méthode et la revendication d'un partage de la profitabilité en cas de cession, elle ne veut pas non plus entendre raison : « on devrait se contenter du cadre légal des informations données aux salariés… c'est à dire pas grand-chose », ironise Ludovic Krzivozeca. Sur la prime exceptionnelle en cas de cession, la direction nous renvoie dans les cordes en nous expliquant que nous ne sommes pas actionnaires et que ce sont les actionnaires qui prennent tous les risques… »
Une réaction libérale « pur jus » qui en dit long sur la considération portée à ceux qui créent la richesse. Travailler en 5 x 8 ou en 2 x 8 sur des lignes de fabrication de verrerie c'est bon pour le teint, pour la santé. Ça ne présente aucun risque… c'est bien connu. Du coup, les salariés ont décidé lors d'une réunion d'information syndicale organisée par la CGT de se mettre en grève illimitée (une méthode qu'ils avaient déjà employée en 2010) à raison d'une heure par jour du lundi au dimanche de 20 heures à 21 heures pour les 400 salariés travaillant en 5 x 8 et pour les 400 autres travaillant en 2 x 8 un débrayage de deux heures en fin de poste le vendredi.
« Au final, ça désorganise la production puisque par exemple hier nous n'avions que deux lignes de production sur onze qui tournaient durant le débrayage, explique Ludovic Krzivozeca. Et pour les salariés l'impact de cette grève qui s'annonce longue sera de 8 à 9 heures par mois ». Une méthode qui a déjà pour effet de mobiliser fortement les salariés.